Les dirigeants de la sous région Ouest africaine ont décidé de sonner définitivement le glas des coups d’État, qui ont malheureusement fait leur résurgence ces dernières années. En effet, ces trois dernières années ont vu l’avènement et de façon récurrente des irruptions prétoriennes des armées pouvoir comme au Mali, en Guinée-Conakry et au Burkina Faso.
Mais le message des dirigeants de la CEDEAO est désormais très clair. Même si une junte se hasarde à prendre le pouvoir, elle ne gouvernera pas, elle ne gouvernera jamais ! Les citoyens sont la garantie d’une telle décision commune de l’organisation communautaire. D’autant qu’on ne peut pas faire le développement, sans une stabilité politique durable.
Si les motivations des militaires diffèrent d’un pays à l’autre, elles rencontrent toutes un point commun : la dégradation des rapports entre les gouvernants et les gouvernés. C’est soit une dégradation du climat sécuritaire comme dans le cas du Mali et du Burkina Faso, ou une crise politique due à une volonté de démolition des institutions démocratiques comme ce fut le cas en Guinée.
Les armées doivent être républicaines pour accompagner le développement impulsé par les dirigeants politiques et les décideurs économiques au sein des grands groupes.
Pour mémoire, on a assisté au crépuscule des pouvoirs militaires autour des années 1990 après le fameux discours de la Baule qui condamnait les régimes autoritaires à ne plus bénéficier de l’aide de la France et aussi celle de la communauté internationale. On avait ainsi, en cette période encensé la démocratie avec dans son sillage tous les bénéfices dont pouvait bénéficier les populations par la voie des urnes.
Le peuple était placé sur un piédestal plus élevé et plus honorable au grand dam des régimes autoritaires dont les dirigeants furent assimilés aux dictateurs. Le retard de l’Afrique était selon cette grille d’analyse du à un système de gouvernance qui dilapidait les ressources au profit d’une minorité oligarchique, dont l’enrichissement avait atteint des proportions empreintes d’indécence.
Ainsi, on a vu se succéder des présidents et des gouvernements issus d’élections démocratiques depuis plus de trois décennies. C’était nul doute une révolution opérée dans le système de gestion de l’État. Ce nouveau paradigme a fini par s’ancrer dans l’inconscient collectif de nombreux peuples qui n’envisagent plus l’accès au pouvoir par la voie des armes, comme une solution à l’amélioration de leur bien être.
Mais dure fut le bilan de ces années démocratiques qui ont suscité au sein des populations un désenchantement. Les nouveaux rois n’ont pas tenu promesses. Pis, ils ont été à l’origine d’une paupérisation croissante des masses et surtout entretenu l’injustice et l’inégalité qu’ils avaient condamnées chez leurs devanciers.
On a donc préparé le terreau à certains nostalgiques des régimes militaires qui pour certains étaient meilleurs à ces « démocraties sans développement ».
Les dirigeants qui avaient fait l’apologie de la démocratie étaient devenus les fossoyeurs des valeurs démocratiques, au point de se voir évincer par des juntes militaires aux aguets. Prendre aujourd’hui la décision de mettre un terme aux coups d’État est une initiative louable.
Mais la meilleure stratégie serait de lutter contre toutes les causes au cœur de cette régression de gouvernance. Ce sont dans la plupart des cas, le refus de respecter la constitution, l’insécurité grandissante et surtout la paupérisation croissante des masses, par défaut d’initiatives de développement à la base.
Aussi bien l’initiative d’Accra que la force de la CEDEAO en attente, davantage renforcée et repensée avec la mission spéciale antiterroriste et anti-coup d’Etat obéissent à la dynamique de consolidation de la démocratie et du refus sans appel de toute tentative de prise du pouvoir par la force en Afrique. Aussitôt qu’une junte militaire se hasarde à le faire, il y aura une intervention musclée, comme en Guinée-Bissau pour sécuriser les institutions démocratiques et pour toujours.
ABOUBACAR SOUMAÏLA