Point de vue d’Issoufou BOUBACAR KADO MAGAGI, analyste indépendant, sur le mémorandum élaboré par un comité ministériel de la CEDEAO, qui propose une force d’interposition pour palier le départ de la Minusma au Mali. Quelle réflexion nous inspire le mémorandum du conseil de médiation et de sécurité de la CEDEAO sur la proposition d’une force d’interposition de la CEDEAO au Mali ?
Un comité ministériel des pays membres de la CEDEAO a élaboré un mémorandum pour proposer la présence au Mali, d’une force d’interposition des forces de la CEDEAO qui serait sous mandat de l’ONU ou de l’Union Africaine, pour palier le départ de la mission multidimensionnelle des nations unies pour la stabilisation du Mali, (la Minusma).Ce mémorandum est une bonne initiative, mais il aurait dû être élaboré et présenté aux autorités légitimes maliennes dès le début de la crise sécuritaire, dans un climat apaisé de concertation et de dialogue franc et constructif.
La Minusma quittera très bientôt le Mali à la demande des autorités légitimes du Mali, dans des conditions de suspicions, d’accusation de connivence avec les terroristes, la CEDEAO serait aussi soupçonnée par les autorités maliennes de s’être associée à la Minusma et à la France, dans l’objectif de déstabiliser le Mali.Une plainte contre la France est d’ailleurs déposée au conseil de sécurité des Nations Unies, par le Mali.
En effet, le Mali accuse la France d’être de connivence avec les terroristes et les bandits armés et les narcotrafiquants qui sèment la terreur sur son territoire. Par conséquent, à notre humble avis, il serait très difficile que le Mali accepte les propositions contenues dans ce mémorandum.
Le Mali a plusieurs options dans le cas de figure, soit il fait appel à des pays africains amis pour mutualiser les moyens et les efforts communs en vue de faire face efficacement à l’insécurité, soit il fait appel aux forces armées de la Fédération de la Russie, son alliée naturelle, ou il décide de sécuriser son territoire national dans le cadre de la mutualisation des moyens et des efforts avec, le Burkina Faso, l’Algérie, la Guinée Conakry etc. La démarche de la CEDEAO nous paraît contreproductive, compte-tenu des relations délétères que certains pays membres de la CEDEAO entretiennent déjà avec le Mali.
Le Mali se méfierait à juste titre du mémorandum de la CEDEAO pour des simples raisons qu’il soupçonnerait certains pays membres de la CEDEAO et la France de chercher à le déstabiliser. En principe général du droit international, il appartient aux autorités politiques légitimes de la république du Mali de faire la demande si d’autres forces étrangères seraient nécessaires à remplacer les forces des nations unies de maintien de la paix.
Compte-tenu également des antécédents créés par certains dirigeants de la CEDEAO, il serait très difficile que le Mali adhère à ce mémorandum de la CEDEAO. Le climat délétère qui prévaut entre les autorités du Mali et certains chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO, ne crée pas les conditions qui permettraient d’accepter cette proposition de la CEDEAO.
Le Mali ferait sans doute appel aux forces armées russes pour palier le départ de la Minusma. D’où la grande inquiétude de certaines puissances ex colonisatrices et leurs partenaires africains qui courent dans tous les sens. La CEDEAO et la France ont commis des erreurs d’appréciation sur la crise sociopolitique au Mali et la capacité de résilience du peuple malien, on ne menace pas un peuple souverain qui a foi en ce qu’il décide de faire et surtout quand il a le soutient de son armée.
L’erreur que certains analystes commettraient, ils oublient que la révolution au Mali avait été déclenchée par les forces vives progressistes maliennes, l’armée n’a fait qu’abriter et soutenir la lutte des forces démocratiques contre le régime d’Ibrahim BOUBACAR KEÏTA. Nul ne peut arrêter le courant de l’histoire par la force, mais on pourrait perturber sa bonne marche pour quelques temps, la marche du courant de l’histoire est irréversible.
Par conséquent, il serait hautement souhaitable de laisser le courant de l’histoire suivre son cours normal.La présence des forces armées étrangères russes au Mali inquiète certaines puissances ex colonisatrices, cependant elle permet d’établir un équilibre de la présence des forces armées étrangères sur le territoire de l’Afrique de l’Ouest.
Les pays africains peuvent mettre à profit cet équilibre pour tirer efficacement grand bénéfice du multipolarisme mondial qui se dessine, ainsi ils peuvent imposer le respect des valeurs socioculturelles, économiques, africaines et la coopération gagnant-gagnant, étant donné qu’ils auront à choisir entre deux grands blocs économiques mondiaux, en concurrence sur le continent africain. L’ancien unique bloc qui faisait la loi fera désormais attention.
C’est l’Afrique qui gagne ! L’Afrique doit s’unir ou périr.
ISSOUFOU BOUBACAR KADO MAGAGI