De Gaulle, Mitterrand, Sarkozy, Hollande et aujourd’hui, Macron, le lourd héritage historique, politique, institutionnel, économique et socioculturel se repose sur la tête du plus jeune président français en 2023. Et Emmanuel Macron, pour ne pas le désigner n’entend pas se soustraire d’une telle responsabilité, bien qu’elle soit dure et pour le moins accablante.
Le président français soupire sa souffrance, du haut de son discours d’orientation de la nouvelle politique fixant la conduite des relations franco-africaines pour au moins les quatre (4) ans à venir de sa présidence et ce à cause de la lourdeur d’un tel héritage datant de plus de soixante (60) ans. Une souffrance qu’il veut totalement assumer sans faiblesse, en ne laissant « ni un vide, ni une absence » de la France en Afrique, mais une présence stratégique, une présence sobre, modérée à bonne distance avec les africains, sans que cela ne soit aussi perçu comme une méfiance.
Une position réellement délicate que le président Macron entend assumer de la meilleure manière possible, en intégrant surtout les exigences de la jeunesse africaine dont une frange militante des causes russes dites panafricanistes en connexion avec les représentants russes de Wagner nourrit une critique acerbe contre la politique française en Afrique. Leurs critiques insistent surtout sur la présence militaire en Afrique, assimilée à une armée d’occupation que cette frange militante des causes russes veut dégager pour installer ses nouveaux amis russes, en espérant qu’eux ne constitueront pas une armée d’occupation mais celle du « salut ».
Quoiqu’il en soit, Macron tire une leçon d’abord de dix (10) ans de présence militaire au Sahel et de la demande de départ de son armée au Burkina Faso, au Mali et en Centrafrique pour installer les mercenaires russes de Wagner. Pour mieux assumer cela, face à une revendication de plus en plus audible de cette frange de la jeunesse africaine manipulée ou pas, qui brandit des drapeaux russes lors des manifestations de rues, le président Macron propose une réduction drastique des effectifs militaires en Afrique, laissant place à une cogestion des bases, assortie d’un rapprochement des académies militaires (en Afrique).
Bientôt les grandes écoles militaires pousseront comme des champignons sur le sol africain et les militaires africains n’auront plus besoin d’aller en France pour être des Saint-Cyriens. Une approche plus collaborative dans la durée que circonstancielle, qui pourrait bien suffire à traduire la marque déposée caractéristique des relations franco-africaines, déjà séculaires.
L’Afrique et la France, deux communautés à dénomination abusive profitable à la critique des pro-russes. Si la France a fourni des efforts nécessaires à développer des fortes relations diplomatiques, économiques et sociopolitiques avec une immense partie du continent au-delà de la partie francophone de l’Afrique occidentale française (AOF), ex empire colonial, à tel point qu’on peu mettre insensiblement en rapport la seule France à toute l’Afrique, alors qu’ont fait les africains quant à eux pour « s’approprier » de la France avec laquelle, ils partagent pourtant un destin, un héritage, une histoire, une langue et un avenir commun ?
Si les africains ont choisi de vivre au « laisse-guidon », en abandonnant leur part de responsabilité aux mains de la France pour qu’elle décide de leur sort et assume toute la gouvernance des relations franco-africaines, ils n’ont plus qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Inutile donc de chasser les forces françaises sur le continent, alors même qu’elles étaient venues suite à l’appel au secours des dirigeants africains qu’ils s’appellent Diori, Houphouët, Senghor, Léon Mba ou Dionkounda Traoré, Bazoum et peu importe que les forces françaises portent aujourd’hui les noms de Serval, Barkhane, Sangaris, Sabre, 43è Bima ou autres, il faut toujours assumer son histoire pour mieux la défendre, la préserver et la rectifier si nécessaire.
Sur le plan économique et social, la géopolitique franco-africaine n’est pas comparable aux tentatives d’incursions russes sur le continent. Le sentiment de pré-carré ou de terrain conquis que représente l’empire franco-africain est une option historique déjà assumée par les pères de l’indépendance.
Aucune jeunesse africaine n’a encore choisi délibérément de cracher sur l’offre de coopération franco-africaine que de dénoncer l’exclusion et d’exprimer le mal du chômag, ainsi que sa vulnérabilité devant l’offre du « banditisme djihadiste et de la djihadisation du banditisme », comme l’a si bien déduit le président Mohamed Bazoum. Et l’insuffisance d’offre d’emplois s’explique par l’absence de transformation des matières premières extraites du sol et du sous-sol africain.
La France ne peut continuellement venir pomper les matières premières africaines pour aller les transformer ailleurs en dehors du continent, si la jeunesse est réellement consciente des enjeux socioéconomiques. La France est désormais avertie et les investisseurs de l’hexagone sont tenus de descendre dare-dare pour se rivaliser d’efficacité et d’ardeur en vue de se montrer à la hauteur des offres d’espérances pour la jeunesse africaine.
Malgré la douleur de l’héritage accablant, depuis De gaulle « l’envie d’Afrique » doit naître en France, comme « l’envie de la France » devrait éclore en Afrique, afin que les francophones puissent porter fièrement leur héritage et assumer leur destin commun face au monde. D’autant qu’au moins plusieurs causes nobles dont la monnaie, la langue, le développement, la francophonie, la démocratie, la paix ou la sécurité doivent vaillamment être défendues et assumées ensemble entre Français et Africains.
Malgré l’attentisme pathologique des Africains au cours de l’histoire, les Chefs d’État français ont marqué leur passage à l’Élysée par des mea culpa retentissants. « Quiconque veut l’indépendance n’a qu’à la prendre immédiatement», martelait le Général De gaulle ; « la liberté de la presse, l’indépendance de la Justice et la démocratie, voilà la direction à suivre », ordonnait François Mitterrand, du haut de son discours de la Baule, Nicolas Sarkozy après sa bourde de Dakar que « l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’Histoire » est vite revenu à sa propre rescousse pour proposer la mise à mort de la « Françafrique » via une relation « décomplexée » entre Français et Africains, François Hollande, le « messie » accueilli en libérateur du Mali grâce à son opération Serval et « contesté » aujourd’hui par les Goîta via Barkhane et Emmanuel Macron, le porteur du fardeau de tous ses prédécesseurs du haut de la macronie propose enfin, une armée d’investisseurs et l’académie militaire rapprochée à l’Afrique pour assumer une présence stratégique à la « ni vide ni absence ».
MOUSSA NAGANOU