L’atmosphère sous régionale est depuis le début de la lutte contre le terrorisme jonchée par des rumeurs et des fausses informations dont la dernière en date est la « survenance d’un coup d’État militaire au Niger ». La recherche de la paix et la sécurité est devenue un défi auquel nos États font face depuis le déclenchement de la rébellion au Mali en 2012, puis l’entrée en scène des organisations terroristes dans le conflit. Mais ce combat contre le terrorisme est profondément éprouvé par la diversion et la manipulation, qui malheureusement contribuent à ajourner la victoire contre les forces du mal.
La manipulation et la diversion font partie de la guerre. C’est une stratégie connue de tous, visant à anéantir le moral de la troupe adverse et espérer obtenir une victoire militaire à ses dépens. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont depuis des années pris en otage par cette stratégie bien planifiée et exécutée.
En réalité cette manipulation est d’abord l’œuvre de l’ennemi armé, qui espère saboter le système de défense mis en place en semant la confusion, la psychose et la désorganisation dans l’autre Camp.
Ensuite, comme toute guerre, celle-ci procure ou peut éventuellement procurer un avantage à des personnes ou des groupes qui ne portent ni l’uniforme encore moins les armes. Ce profit peut être l’obtention d’une position politique, acquérir le pouvoir par exemple ; un avantage économique, comme le commerce des armes, le trafic de drogue ou d’autres activités illicites.
Dès lors, la guerre au Sahel est ceinturée par une coalition d’intérêts qui ne trouve pas son compte dans la fin des hostilités.
Grâce aux moyens de communication et de la technologie moderne, la campagne de cette horde d’intérêt à peine voilée, étend ses filets d’un bout du monde à un autre dans un temps record. C’est ainsi que des anecdotes, des images préfabriquées, des vidéos coupées ou trafiquées sont servies constamment au public pour provoquer soit un découragement des forces armées sur le théâtre d’opérations ou créer un soulèvement populaire contre l’autorité gouvernementale. Très souvent les informations, les plus avantageuses pour les forces armées nationales ne sont pas suffisamment partagées, les victoires de nos armées sur les forces du mal très peu diffusées par les propagandistes mais une perte enregistrée côté ami est largement commentée avec parfois une exagération dans un sens négatif. Le Mali est l’exemple emblématique de la réussite de cette manœuvre. Ainsi, en 2012, à quelques mois de la fin du mandat du président Amadou Toumani Touré, une pléthore d’informations faisant état des pertes en vies humaines dans le rang des forces armées nationales a fini par légitimer un coup d’État militaire suivi des liesses populaires dans la capitale. La conséquence est connue de tous, l’avènement des militaires au pouvoir a facilité l’occupation de certaines régions du pays par des groupes armés. Jusqu’à la date d’aujourd’hui certaines portions ne sont pas encore recouvrées. Ce premier Coup d’État, dans un pays réputé démocratique a ouvert la boîte de pandore à d’autres coups d’État dans ce pays.
La situation d’insécurité au Mali s’est accrue au point d’être exportée vers les pays voisins comme le Niger et le Burkina. Si le Niger tient bon en ce qui concerne sa stabilité politique, le Burkina a cédé aux sirènes des changements anticonstitutionnels de gouvernement, et se retrouve avec tour à tour des militaires qui défilent au Palais de Kossuyam sans que l’intégrité du territoire ne soit restaurée.
Ce climat d’instabilité politique sciemment créé, est le premier adversaire de la lutte contre le terrorisme. Le rôle des militaires n’est pas de s’immiscer dans le processus politique mais d’assurer la défense du territoire national et garantir la sécurité nationale.
Les coups d’État considérés comme salvateur, soutenu par une effervescence et une liesse populaire peuvent susciter un espoir de courte durée, mais ne permettent pas de faire disparaître magiquement l’insécurité au Sahel. Les Nigérians ont bien compris que, malgré la persistance de l’insécurité dans leur pays, il ne pense nullement à une solution qui passe par la remise en cause du processus démocratique en cours. Bientôt le président Muhamadu Buhari passera le témoin à un autre président démocratiquement élu. Ils savent qu’un gladiateur ne peut résoudre un problème qui mérite d’être résolu sur la base d’une analyse objective.
Au Niger, ils sont nombreux qui attendent une rupture du processus démocratique. Mais les partis politiques, certains acteurs tapis dans les associations, ne savent pas encore qu’ils seraient les premières victimes d’un changement anticonstitutionnel du gouvernement. Les régimes putschistes fonctionnent suivant un mode de confusion du pouvoir, généralement avec un Parlement de transition qui a un rôle folklorique et un pouvoir judiciaire quotidiennement intimidé. L’exemple du Mali où un membre du Parlement de transition a été révoqué pour avoir critiqué la politique du gouvernement est assez éloquent. En Guinée, on s’achemine vers l’interdiction des activités des partis politiques. D’ores et déjà les manifestations organisées par l’opposition ont fait de nombreuses victimes dans ce pays.
Arrêtons de marcher sur les sirènes de l’illusion. Ce n’est pas un soldat aussi doué soit- il qui nous permettra de vaincre l’insécurité. Seul un gouvernement légitime, qui a des comptes à rendre au peuple, pourrait conduire le bateau à bon port. Lui seul détient une connaissance interne de la situation politique que le chef militaire, simple spécialiste est loin de posséder. La réussite d’une guerre mérite la conduite de la destinée du pays par un gouvernement démocratique, qui fort de sa légitimité pourrait acquérir une vision globale, permettant de faire la synthèse entre différentes contraintes politiques et économiques, diplomatique avant d’entreprendre n’importe quelle initiative. Certes, la résurgence des coups d’État intervient dans un contexte où les États de la sous-région sont confrontés à une crise de renouvèlement du leadership politique et de la démocratie mais l’interruption du processus démocratique est une porte ouverte à l’instauration de l’anarchie et du chaos dans un État en proie à l’insécurité.
ABDOUL KADER ABOU KOÏNI