La dynastie au pouvoir au Togo innove sous la houlette de son leader Faure Gnassingbé, qui dirige le pays d’une main de fer après avoir succédé à son père en 2005. Ce mode d’accession du pouvoir aux allures d’héritage est aussi disséminé sur le continent africain, même après plusieurs décennies de démocratie qui sont censées révolutionner les mentalités. Les exemples sont légion et s’imposent désormais comme un principe établi de force dans les pays concernés.
Le Gabon, après la mort du président Omar Bongo est tombé sous la férule du fils Ali Bongo qui s’incruste au pouvoir contre vents et marées, malgré les nombreuses contestations liées à sa réélection à la tête du pays. La dynastie des Bongo règne sans partage, au grand dam des défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme.
Au Tchad, le jeune général Mahamat Idriss Deby prépare déjà le terrain propice à son encrage définitif sur le trône présidentiel hérité de son père, suite au décès de ce dernier. Les prétendues assises nationales n’ont uniquement contribué qu’à raffermir le pouvoir du clan par l’entremise du digne héritier qu’est désormais devenu Mahamat Idriss Deby.
En Guinée équatoriale, le chef de l’Etat Téodoro Obiang Nguema Mbasogo, règne depuis 1979. Un score digne d’une présidence à vie, dans un pays qu’il tient d’une main de fer et face à une opposition quasi-inexistante, muselée et martyrisée depuis la nuit des temps. C’est un truisme que d’affirmer que dans ce pays qui a suivi le même modèle que les autres dynasties, la succession se fera sûrement dans le clan du président à vie pour ne pas dire en faveur de son fils.
Le clan de Faure au pouvoir se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, face à une opposition affaiblie et une société civile très timide qui continuent de revendiquer les valeurs démocratiques perçues par le pouvoir comme de véritables chimères. Pour faire face à la fronde sociale, ou à la résistance togolaise, qui prendrait des allures d’insurrection une démarche urgente s’impose au président Faure Essoma Gnassingbé.
Elle implique nécessairement de resserrer les rangs dans le clan familial élargi à tous les acteurs stratégiques dans le maintien du pouvoir. C’est dans ce contexte que la détention depuis 13 ans de Kpatcha Gnassingbé, demi-frère de Faure Gnassingbé est devenu une véritable épine dans les pieds du clan au pouvoir au Togo.
Depuis la condamnation de Kpatcha Gnassingbé pour « atteinte à la sûreté de l’État », un climat délétère s’est emparé des partisans du président, l’exhortant à revoir les conditions de détention de ce prisonnier spécial, d’autant plus que sa santé est déclinante. Ce n’est donc pas étonnant que le président togolais, Faure Gnassingbé ait procédé à l’évacuation de ce demi frère afin d’éviter le pire.
Ce geste à la fois humanitaire et familial est salué par bon nombre d’acteurs de la société civile, qui espèrent une amorce dans le traitement favorable aux questions de droits de l’homme et de libertés dans un pays qui accumule de tristes scores dans ce domaine. Malheureusement, la politique de violations des valeurs démocratiques est restée la même sous l’héritier Faure.
Tel père, tel fils. On avait pourtant fondé un espoir avec Faure Gnassingbé, lorsqu’il a succédé à son père à la tête du Togo en 2005, mais hélas ce dernier a durci son régime comme l’avait fait son père Gnassingbé Eyadéma, au pouvoir entre 1967 et 2005.
Le rapport du collectif «Tournons la page » (TLP) publié le 14 novembre 2022, une organisation qui milite en faveur de l’alternance démocratique et de la bonne gouvernance estime au moins 546, le nombre de personnes arrêtées pour leurs opinions entre Août 2017 et Octobre 2022. Certaines d’entre elles ont été soumises à la torture pendant leur période de détention.
Pour Aimé Adi, le directeur d’Amnesty International au Togo, c’est une aubaine pour déclencher des solutions afin d’améliorer le sort des détenus. « Il est important de mettre en place un dispositif pour prendre en compte des détenus malades au Togo ».
C’est un réel espoir qui est suscité par ce geste de portée humanitaire qui se veut être un élément déclencheur à l’épanouissement des libertés fondamentales dans ce pays. Mais une analyse plus poussée voire subtile de l’attitude du président Faure Gnassingbé à l’égard de son ennemi juré qu’est Kpatcha révèle en profondeur une stratégie de décrispation au sein du clan, en vue de la pérennisation du président au pouvoir.
L’esprit d’apaisement est en effet le levier sur lequel le président Faure Gnassingbé devrait jouer pour minimiser grandement les querelles intestines qui feront fatalement le lit à ces nombreux opposants aux aguets en espérant toute défaillance du clan.
Pour réaliser cette prouesse, le Gabon est choisi à cet effet comme pays hôte de Kpatcha Gnassingbé pour des raisons officielles d’évacuation sanitaire mais recèle des recettes ayant fait la preuve incontestable de la pérennisation du pouvoir. Le Gabon est de fait une école de référence en la matière et Ali Bongo, le médiateur idéal pour la réconciliation des frères ennemis togolais n’est pas un choix fortuit.
Que donc l’opposition et les associations de libertés fondamentales se désillusionnent, car les mêmes pratiques ayant prouvé leur efficacité ne pourront être abolies, sans une lutte farouche contre la dynastie des Gnassingbé qui n’ont aucun intérêt à lâcher du lest.
ABOUBACAR SOUMAÏLA