«La marche suivie de meeting que projette d’organiser le Mouvement M62 Moutountchi-Bountchintarey, le Dimanche 18 Juin 2023, est interdite pour les mêmes raisons fallacieuses, sécuritaires, risque d’infiltration et risque de troubles à l’ordre public », écrit Sanoussi Mahaman, le secrétaire général de M62 pour dénoncer avec une colère à peine contenue le refus des autorités nigériennes à autoriser leur marche suivie de meeting. « Cette interdiction est la énième depuis la création du M62 en Août 2022. C’est qui est triste et malheureux, le Niger est devenu un cimetière des libertés publiques fondamentales, notamment celles de manifester », fustige Sanoussi Mahaman.
« Le M62 déposera des déclarations de manifestation suivie de meeting dans les 5 Arrondissements communaux de Niamey et dans les autres régions du Niger », annonce Sanoussi Mahaman avant de menacer en ces termes «… il faut que les nigériennes et les nigériens y compris de l’extérieur comprennent que notre démocratie est prise en otage par une classe politique (majorité et opposition) sans éthique et sans résultats ».
Lorsqu’un néophyte de la chose politique lit cette colère tout aussi politique, il peut bien croire qu’elle est légitime mais il suffit de bien observer le contexte géopolitique du Sahel ou de celui de l’Afrique de l’Ouest en Août 2022 et aujourd’hui encore pour s’en rendre compte de sa gravité. La période était déjà caractérisée par une montée de l’insécurité dans la zone du Sahel, avec des menaces réelles sur les populations civiles Maliennes, Nigériennes et Burkinabè, en plus de celles dirigées contre les forces de défense et de sécurité.
Un mois seulement après la création du mouvement dit M62, soit le 30 septembre 2022, un second coup d’Etat intervient au Burkina Faso voisin, sous le visage d’un jeune capitaine Ibrahim Traoré, pour ne pas le nommer. Ainsi, la promesse faite aux nigériens par le M62 de leur donner l’indépendance était projetée dans l’espoir d’un coup d’Etat imminent ?
Précisons que le coup d’Etat ainsi perpétré par ce jeune capitaine burkinabè intervenait huit (8) mois seulement après un premier coup d’Etat du colonel Paul Henri Sandaogho Damiba en fin Janvier 2022, ayant renversé Roch Marc Christian Kaboré, un président démocratiquement élu au Faso. Les acteurs bien avertis du pouvoir de Niamey sont restés vigilants et attentifs à la géopolitique du Sahel, tout comme les fondateurs de M62, malgré la divergence des intérêts et de vues, le contexte est toujours le même sauf que les forces réactionnaires se sont radicalisées dans les rues de Bamako, de Ouagadougou, tandis que celles de Niamey qui veulent bien leur emboîter les pas se heurtent encore aux impératifs sécuritaires et n’obtiennent pas la moindre indulgence du pouvoir pour mettre le feu aux villes nigériennes.
La question vaut tout son intérêt, sinon son pesant d’or, d’autant que le discours prôné par les fondateurs du M62 et consorts consistant à chasser les acteurs de la coopération technique et militaire au Niger était de concert avec celui des rues burkinabè et maliennes, à cause de l’environnement géopolitique marqué par les attaques fréquentes visant les forces de défense et de sécurité ainsi que les populations civiles. Comment aussi imaginer chasser des partenaires militaires pour affaiblir les dispositifs sécuritaires du Sahel au moment même où les armées de la région avaient réellement besoin d’un tel appui technique et stratégique ?
Un an auparavant, des colonels de la garnison de Kati s’emparent du pouvoir à Bamako et mettent la question de l’insécurité en jeu comme argument unique pour lequel ils ont abandonné le front antiterroriste et faire ainsi irruption sur la scène politique. Le colonel Assimi Goïta reprend en main une transition militaire dont il était le vice-président par un second coup d’Etat, au motif de rectifier et d’huiler davantage la gouvernance sécuritaire pour une réelle efficacité sur le terrain mais en vain.
Dans le même temps, le colonel Mamady Doumbouya et ses camarades renversaient le président Alpha Condé pour ainsi mettre fin à ses velléités d’un 3è mandat ayant suscité la colère des rues de Conakry, même si le contexte n’est pas le même. Une raison alors supplémentaire pour redoubler de vigilance, de prudence, de veille citoyenne, en vue de consolider, renforcer et pérenniser la première alternance démocratique du pays de Mohamed Bazoum.
Le cas du Soudan et plus récemment celui du Sénégal sont assez illustratifs et exigent des pouvoirs publics non seulement de veiller à la protection des droits et libertés publics mais surtout de garantir la sécurité des institutions et des citoyens. Le choix qui est donc laissé aux pouvoirs est très mince et appelle des véritables citoyens d’autres options de sensibilisation et de jouissance des droits fondamentaux de l’homme en Afrique que d’organiser des meetings et marches dont on ignore les enjeux sociopolitiques et économiques.
Il est devenu plus facile, voire même aisé de brûler et détruire toutes les réalisations, tous les acquis politiques et socioéconomiques en un clic de téléphone androïde avec l’avènement des manipulations et autres influences faciles et nocives de les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). D’autant plus qu’aujourd’hui, ce sont Whasapp, Facebook, Tiktok, Tweeter, Google, Yahoo ou encore Yutube pour ne citer que ces quelques réseaux sociaux et moteurs de recherche qui pensent, réfléchissent, décident pour nous et nous dirigent en nous suggérant voire nous en recommandant d’agir aussi bêtement que bestialement. L’argument sécuritaire pour interdire les meetings et marches ne sont donc ni creux ni fallacieux, encore moins liberticides, car il y va de la survie de la société entière.
MOUSSA NAGANOU