Comment calmer la donne ?
Le plus récent putsch militaire du 26 Juillet 2023 à Niamey focalise la Une de l’actualité nationale et internationale, tout en tenant en haleine les capitales, foyers des pouvoirs d’Etat du continent africain, de l’Orient et de l’Occident. Si la presse Africaine retient le putsch du Jeudi 17 Septembre 2015 à Ouagadougou du Général Gilbert Diendiéré comme le coup d’Etat, le plus bête d’Afrique, celui du Général Tiani à Niamey, le Mercredi 26 Juillet 2023 passe pour être le coup d’Etat le plus surprenant que le Niger et même l’Afrique ait connu, à cause surtout du calme politique et de l’absence d’une crise ouvertement associant les ténors du gotha politique nigérien.
C’est pourquoi les projecteurs des caméras du monde entier, ainsi que l’attention des diplomaties sont toujours tournés voire fixés sur le Niger pour mesurer avec curiosité le temps que va durer la mauvaise blague des généraux du Niger, un pays, qui célébrait encore la première alternance démocratique de son histoire, au sein d’un Sahel certes trouble, où le Général Abdourahmane Tiani, un nouvel homme fort s’est déclaré capable de changer le destin de son pays et de son peuple, aussi bien face à la question sécuritaire que sur la gestion politico-économique et sociale.
Les premières récriminations contre les tombeurs de la première alternance pacifique du pays de Bazoum et du Général Tiani ont vite laissé place à une liesse des foules des manifestants en colère avec des couleurs de la Russie en main et d’émotions à peine contenues pour soutenir le conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et sans épargner les intérêts français au Niger. C’est la grande euphorie populaire, décrit-on, sortie pour accueillir le CNSP à bras ouverts avec l’intention manifeste de réaliser aussi rapidement le procès au régime renversé de la Renaissance, au pouvoir depuis une douzaine d’années.
Mais le CNSP a réellement besoin des forces solides et des compétences, à cœur ouvert et à conscience claire sur l’Etat et la conduite de la réalité de terrain pour reposer les grands débats politiques, afin de conduire le Niger vers son destin mérité. Après cette euphorie démesurée, il va nécessairement falloir que les esprits surpris et échauffés se calment pour revenir à la réalité, têtue et immuable afin de redémarrer le moteur de la vie politique et sociale pour ainsi marcher sereinement vers des destinations choisies ou inconnues !
Déjà, ce jeudi 9 Août 2023, après la formation du gouvernement de vingt et un (21) membres, l’euphorie baisse et le temps de la désillusion recherche ses droits (Lire éditorial en page 2). Parmi les milliers « des patriotes improvisés », une armée d’opportunistes, sortis des maisons pour battre le pavé à Niamey en guise de soutien au CNSP, beaucoup d’entre eux commencent à changer de discours et de partager des messages défavorables aux « sauveurs de la patrie », en oubliant du coup qu’ils se constituent de fait comme ennemis de celle-ci.
La réalité de terrain et les ennemis du CNSP !
Pour mener une guerre, même celle d’usure, il faut bien connaître ses ennemis réels ou supposés, ainsi que le terrain sur lequel les batailles se livreront. Et ce n’est pas à un Général de l’armée comme Abdourahmane Tiani qu’il faudrait apprendre cette règle vitale de combat, encore que nous sommes à l’heure de la haute technologie de l’information et de la communication.
Aujourd’hui, ce sont plutôt la menace de la Cédéao et le terrorisme, qui sont les ennemis les plus visibles du conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) mais en revanche, les autres ennemis plus diffus comme la pauvreté, l’inflation, la corruption, l’opportunisme, la propagande, l’imposture, la trahison, le mensonge, l’incompétence, la traitrise sont les plus forts et les plus dangereux pour un pouvoir qui aspire à une rectification profonde de la gouvernance politique. Le coup d’Etat le plus surprenant du Niger n’a pas fini de délivrer ses secrets, d’autant que jamais un Général n’a osé tenter un coup d’Etat au Niger, à fortiori le réaliser.
Au 21è siècle, tous les conflits se font et se gagnent avec une armée des avertis. Il est absolument inutile de compter sur le zèle des groupes d’opportunistes et de menteurs, d’ignorants du sens de sacrifice, de curieux et de traitres, au seul motif qu’ils mobilisent de foules !
La plupart d’entre eux surfent uniquement sur le sentiment anti-français, avec le panafricanisme du « Non » à la France ou encore celui du « Oui » à la Russie, alors même que toutes ces deux puissances n’ont que des intérêts dans le monde et jamais des amitiés franches et gratuites. Le grand piège réside là, dans cette propagande permanente et théorique, face à la réalité dure et têtue des populations vivant dans le dénuement, la peur et la souffrance, car elles ne savent même pas se débrouiller avec un quelconque métier innovant avec l’usage du téléphone portable dont chacun dispose, pour se nourrir, autre que pour se détruire par profération de la violence verbale, avant de se matérialiser physiquement sur le terrain politique.
La nomination du gouvernement révèle l’opportunisme politique au grand jour !
Alors même qu’il fallait vite revenir au front antiterroriste, abandonné ou presque depuis le coup d’Etat du 26 Juillet, les zones de la région de Tillabéry, Tahoua et Diffa ont besoin d’un coup d’accélérateur pour soit provoquer le repentir des jeunes djihadistes des rangs des groupes terroristes ou les reculer plus loin de nos frontières pour se convertir dans d’autres métiers dans l’espoir de reprendre une vie normale en société, au cas où ils échappent à la neutralisation par les armées de la sous-région.
Comment gérer les fronts de guerre visibles comme le terrorisme, la Cédéao, la France et les forces politiques
Aux civils, balle à terre ! Aux militaires, crosses de l’arme en l’air pour se donner la main pour la paix, la sécurité et la cohésion sociale ! Il s’agit pour les civils de former une chaine humaine de citoyens avertis pour informer efficacement l’autorité et non de servir de chair à canon aveuglement face aux terroristes, sans formation et sans le moindre reflexe professionnel, d’actes qui sauvent.
C’est cela que devraient servir les millions de téléphones portables et autres androïdes possédés par les mêmes populations dites « pauvres et éprouvées » dans les villes, les villages et les campagnes les plus reculés du pays, qui subissent en même temps les exactions des groupes armés. Aussi, le téléphone portable devrait être un outil d’information efficace à la fois pour son détenteur que pour l’autorité et non un appareil de plaisir, de porte-poubelle et de partage aveuglé d’informations nuisibles au détenteur et aux autres citoyens.
Aux forces politiques hostiles et favorables au putsch de cultiver le sentiment positif en plaçant l’être humain, ses valeurs et le pays au-dessus des intérêts personnels et partisans. La preuve d’intelligence est certes difficile, mais l’effort est un moyen de se diriger vers un tel état d’esprit, un tel comportement.
Contre le terrorisme, seule la solidarité humaine, la concertation sociopolitique et l’union des cœurs et des esprits peuvent le vaincre plus efficacement, alors que la division constitue une vitamine pour celui-ci pour qu’il s’épanouisse et se développe en devenant plus robuste, plus fort et plus puissant pour dominer la société entière et envahir ses forces en s’imposant comme la force du mal absolu contre les intérêts de tous. A la Cédeao, ouvrir le dialogue maintenant, c’est-à-dire immédiatement après l’installation du gouvernement et tenir le langage de la paix et non de l’hostilité, parce que toutes les guerres se terminent par là.
Quant à la France, parlons franchement sans tabou et sans complexe. Quant à «France », soyons la génération de l’éveil et de la conscience éclairée, parce que si nous croyons simplement nous délier avec les bases militaires françaises, nous nous lions encore davantage avec le franc CFA, avec lequel nos ressources économiques sont absorbées par cette même France « amie », depuis plusieurs siècles.
Soyons donc conscients de la profondeur de la réalité de nos relations franco-africaines avant d’agir. Si nous ne sommes pas encore conscients de cet état de fait et incapables de créer notre propre monnaie sur la base de nos propres ressources et la battre par nous-mêmes, sachons raison garder.
Si toute l’armée des militaires et des civiles qui accompagnent l’homme fort du Niger ne sont pas totalement conscients de cela, il n’est pas exagéré de dire que le Général Tiani se bat seul contre plusieurs fronts de guerre. D’autant qu’on ne peut rien réaliser de grand avec une armée des citoyens non avertis, comme l’avait laissé entendre le personnage politique controversé nigérien et ami du Général Seyni Kountché, Amadou Oumarou dit Bonkano pour ne pas le désigner. « Evidemment, on ne peut pas faire un coup d’Etat avec un capitaine, qui nage », s’écria-Bonkano face à un officier, qui après une longue causerie en privé avec lui et les autres avait affirmé « qu’il nage » après tout. A suivre.
MOUSSA NAGANOU