Mourya, LA VOIX DU NIGER
Elhadj Aboubakary Moukimou Mourana, vous êtes Docteur en Sciences Politique, Docteur en Droit des Affaires Internationales, ancien président de l’OJN, ancien membre de l’ANDP Zaman Lahiya, ancien membre du MPR-Jamahuriya observateur de la scène politique au Niger que pensez-vous des régimes politiques dans notre pays de 1960 à aujourd’hui pour avoir sillonné plusieurs partis, en y militant ou observant au cours des trente dernières années de votre vie active ?
Merci bien de me donner l’occasion de faire le tour d’horizon de plus d’un demi-siècle d’histoire de notre pays riche d’événements politiques. Depuis plus de soixante ans, civils et militaires se sont succédés à la tête de l’État du Niger.
De 1960 à nos jours, notre cher pays a eu 64 ans d’indépendance. Entre temps beaucoup d’eau a coulé sous le pont.
Le premier président du Niger indépendant est Monsieur Diori Hamani. Il passa à la tête de l’État durant 14 ans.
De 1960 au 15 Avril 1974, date à laquelle le pays a enregistré son tout premier coup d’État dirigé par le colonel Seyni Kountché. Celui-ci ci est resté président du conseil militaire suprême (CMS), chef de l’État durant 13 ans.
Après son décès le 10 Novembre 1987 à Paris, le général Ali Chaibou, bénéficia de la confiance des membres du CMS pour poursuivre l’œuvre de Kountché, puis intervint le vent de la conférence nationale souveraine en 1991 qui va consacrer une Transition pour préparer le retour des élections démocratiques et pluralistes des années 1993 qui vont consacrer Mahamane Ousmane comme président de l’ère démocratique de la 3e République.
Le second coup d’État a été réalisé par le Colonel Ibrahim Baré Mainassara en Janvier 1996, le troisième coup d’État était celui par le commandant Daouda Malam Wanke qui organisa des élections libres et transparentes, selon les observateurs des élections en 1999. Ces élections saluées par tout le monde ont vu l’avènement au pouvoir du Colonel à la retraite Mamadou Tandja élu qui sera victime d’un coups d’État à la fin de son deuxième mandat et sera renversé en 2010 par le chef d’escadron Salou Djibo.
Ainsi, ce dernier avec une Transition d’un an, il organisa les élections en 2011 et Issoufou Mahamadou devient président de la République avec deux mandats à la tête du Niger, de 2011 à 2021. Les élections présidentielles de 2021 ont consacré Bazoum Mohamed comme président de la République, il sera renversé par le général de brigade, Abdourahmane Tiani qui a célébré déjà l’an 1 de son coup d’État le 26 Juillet 2024.
Comme on le voit, de son indépendance le 3 Août 1960 à 2023, le Niger aura connu 11 Chefs d’État. Sur les 11 personnalisés ayant dirigé le pays, il faut noter quatre (4) civiles (suivez mon regard) et sept (7) militaires. Ici, il faut noter que même si le général Ali Chaibou n’a pas fait un coup d’État, ceci n’enlève en de sa stature de militaire, idem pour Tandja Mahamadou, même si l’homme de Maine-Soroa a été démocratiquement élu aux élections de 1999.
Aussi, il est important de faire observer que le Niger a majoritairement été et est encore géré par les militaires qui prennent le pouvoir pour mettre de l’ordre dans le désordre créé par les hommes politiques. Par ailleurs, avec l’avènement des militaires au pouvoir, plusieurs acquis sont enregistrés dans plusieurs domaines comme l’agriculture, l’élevage, l’environnement, l’éducation, la presse et les télécommunications et j’en passe.
On peut citer également pêle-mêle, l’hôtel Gaweye et d’autres bâtiments administratifs sous Kountché, ordonnance 2010-035, sur la liberté de la presse sous Salou Djibo, le projet grande irrigation du général de brigade Abdourahmane Tiani. On le voit, les militaires une fois au pouvoir se soucient plus du bien-être des populations.
A l’heure sous cette Transition encours, plusieurs actions sont menées en faveur des populations, notamment, la distribution gratuite et la vente à prix modérés des céréales pour soulager les souffrances des populations en ces moments de soudures, l’aide aux victimes des inondations et la reprise des routes coupées pour à de fortes précipitations.
En tout état de cause, si les civils géraient parcimonieusement le pays et cela en tenant de l’intérêt du plus grand nombre et avec à la clef une projection dans le futur pour faire du Niger un pays où il fait bon vivre et un pays émergent, aucun militaire ne va s’intéresser au pouvoir. La grande muette comme on appelle l’armée, est conscient de son rôle régalien : la défense du territoire et la garantie de la sécurité individuelle et collective des citoyens.
De l’indépendance à ce jour, l’armée a dirigé le pays en totalisant plus de 34 ans de pouvoir et ce, jusqu’à la prise du pouvoir du Général de Brigade Abdourahmane Tiani président du CNSP, Chef de l’État et les civils quant à ont accumulé près de 30 ans de gestion de l’État.
Que faudrait-il faire aujourd’hui Dr Aboubakary Moukimou Mourana pour la Transition politique en cours ?
Aujourd’hui, il faut savoir éviter les conflits inutiles donnant l’occasion d’ouvrir des fronts de violence politique dans le pays. Parce que c’est le jeu favori de certaines forces politiques partisanes du moindre effort et du diviser pour mieux régner.
Le CNSP devrait capitaliser et utiliser ainsi les compétences qui existent à travers tout le pays et dans tous les domaines au sein des forces politiques. Les forces complices de déstabilisation doivent subir la rigueur de la Loi, mais celles contributives doivent être encourager pour mériter la reconnaissance de la nation.
Cela permettra de mieux profiter des ressources humaines du pays et de fermer surtout l’œil de l’exclusion au profit de celui de la compétence. Dans les domaines d’activités, il ne manque pas de compétences éprouvées et utiles pour mettre au service du pays.
Et la politisation de l’administration, vous avez une solution ?
Une bonne réforme structurelle de la haute administration pourrait bien transformer les hauts fonctionnaires en une institution nationale au service de l’Etat en permanence. La haute administration devrait fonctionner en toute neutralité au service de l’État et quel que soit le régime en place.
C’est ainsi qu’elle pourrait être efficace à servir l’Etat et être donc au profit des populations avec un service public de qualité. Cette réforme doit être profonde et donner un contenu réel avec des obligations et des droits bien structurés en dehors des simples avantages alloués à des hauts fonctionnaires pour alimenter des grands conflits et entretenir une tension inutile.
Quelle leçon utile à tirer des 64 ans de gouvernance militaire et civile ?
Le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine est le 20e chef de gouvernement nommé depuis l’indépendance. Aucun militaire n’a jamais été nommé Premier ministre et il est important de Rentabiliser toute la ressource humaine ainsi créée, à travers l’émergence de ses personnalités militaires et civiles.
Une administration dépolitisée est conforme à la souveraineté nationale recherchée par le CNSP. Comment l’obtenir à votre avis ?
En effet nous devons rapidement réfléchir pour sauvegarder nos acquis, notre souveraineté retrouvée, continuer notre chantier de refondation pour un Niger debout comme le dit bien notre hymne national. Pourquoi il est pertinent de créer un corps des hauts fonctionnaires spécifique au Niger pour dépolitiser l’administration publique ?
Par cette réforme majeure, il s’agira de : 1. Renforcer la capacité et l’expertise de l’administration publique. Un corps de hauts fonctionnaires permet de développer une élite administrative formée et expérimentée, capable de concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques complexes.
Cela contribue à professionnaliser et à améliorer l’efficacité de l’appareil d’État.
2. Assurer la continuité et la cohérence de l’action gouvernementale. Les hauts fonctionnaires, de par leur position et leur expertise, peuvent jouer un rôle de liaison et de coordination entre les orientations politiques et leur mise en œuvre administrative.
Cela permet de maintenir une certaine stabilité et une cohérence dans l’action publique, malgré les changements politiques.
3. Promouvoir la neutralité et l’intégrité de la haute fonction publique. Un statut et un cadre spécifiques pour les hauts fonctionnaires peuvent favoriser leur indépendance vis-à-vis des influences politiques partisanes.
Cela renforce la confiance des citoyens dans l’impartialité de l’administration.
4. Attirer et retenir les compétences les plus qualifiées. Un corps des hauts fonctionnaires, avec des conditions de carrière avantageuses, peut permettre de capter et de fidéliser les meilleurs talents au sein de la fonction publique.
Cela contribue à la modernisation et à la performance de l’administration. 5. Favoriser le développement de futures élites dirigeantes.
Le corps des hauts fonctionnaires peut servir de vivier pour former et promouvoir les futurs cadres supérieurs et dirigeants de l’État. Ce qui participe de la constitution d’une classe dirigeante compétente et durable de préfets, de directeurs centraux, territoriaux, de directeurs des sociétés d’Etat, d’inspecteurs des services et autres secrétaires généraux des ministères.
Croyez-vous vraiment à l’efficacité d’un tel corps de hauts fonctionnaires ?
Bien sûr, la mise en place effective d’un tel corps nécessite une volonté politique forte et des moyens adaptés. Mais les bénéfices potentiels pour le renforcement de l’État et de l’administration publique nigérienne peuvent être substantiels.
Les Premiers ministres de Mamane Oumarou à Ali Mahaman Lamine Zeine, le Niger est devenu un vrai laboratoire de gouvernance politique qu’il faut savoir sauvegarder utilement et durablement. Chaque ancien Premier ministre peut contribuer encore à la promotion de l’image de son pays.
Même si tous ne sont plus actifs, quelques-uns restent toujours actifs et peuvent bien efficacement contribuer à l’émergence de la question de souveraineté nationale. Hama Amadou, Seini Oumarou, Mahamadou Danda, Amadou Boubacar Cissé, Hamid Algabit, Ibrahim Hassane Mayaki, Ali Badjo Gamatié, Brigi Rafini, Boukary Adji, Ouhoumoudou Mahamadou ou Cheffou Amadou etc., sont des anciens chefs de gouvernement encore capables de contribuer à l’émergence du pays et même ceux qui ont assumé aussi valablement la fonction de Premier ministre par intérim comme Abouba Albadé.
C’est avec des hommes et des femmes qu’on bâtit une société vertueuse, éprise de paix, riche et prospère. En dehors des anciens Premiers ministres, il y a bien d’autres personnalités dignes de ce nom cachées dans la société dont on peut taire leurs noms qui se sont distingués dans la défense des intérêts supérieurs de la Nation nigérienne.
Les défis et autres difficultés qui persistent encore s’expliquent largement par la mauvaise utilisation de nos ressources humaines. Nous avons plein de leaders que nous avons vu à l’œuvre pendant la rébellion touarègue par exemple, ainsi que d’autres épreuves que le Niger a subies ont toutes obtenu un dénouement heureux pour le Niger et sa population.
À l’image des leaders, tous nos compatriotes doivent mettre la main à la pâte pour occuper la jeunesse valide par des projets de développement d’une part et d’autre part aider les FDS à garantir la sécurité des personnes et des biens pour tous.
ABDOUL WAHID MOUSSA ET GUEGUEB