C’est quoi la corruption !
La corruption est un mal silencieux, qui ronge silencieusement les sociétés africaines. C’est la raison pour laquelle les dirigeants africains se sont réunis le 11 Juillet 2003 à Maputo, en Mozambique pour signer la convention de l’Union africaine contre la corruption.
Vingt (20) ans après, un regard retrospectif donne un Etat des lieux de la lutte anticorruption sur le continent et indique tout de même un mécanisme efficace de lutte contre le fléau. Plusieurs critères entrent en ligne de compte aussi bien dans la perception du phénomène de corruption que les mécanismes institutionnels de la lutte contre celle-ci.
Les spécialistes ont dégagé au regard de la pratique du phénomène de la corruption deux aspects importants de sa manifestation dans la société Africaine. D’une part, on note et classe au rang de la « petite corruption », tout le phénomène caractérisé par une exigence implicite de paiement de frais pour obtenir la réalisation d’un service public quelconque gratuit en principe auprès des agents publics.
Sur le terrain concrètement, ce mécanisme est aussi appelé « corruption passive », parce que dans la plupart des cas l’agent public attend un quelconque paiement en nature ou espèce pour accomplir le service public qu’il est censé faire ou réaliser gratuitement au profit des citoyens et pour lequel il est payé par l’Etat ou ses démembrements ou une entité s’occupant de l’exécution d’un service public, soit par délégation de pouvoir public. C’est par mauvaises habitudes, ce qui se passe dans les bureaux des administrations publiques, dans le transport avec des agents publics de sécurité, dans les rues, dans les marchés etc.
D’autre part, il y a « la grande corruption » que les spécialistes décèlent dans les méandres de l’administration, à travers les concours, les examens, l’attribution des marchés publics, l’exécution des marchés publics, la prise de certaines décisions etc. Le phénomène est décelable aussi bien dans la chaine de la recette publique que dans celle de la dépense publique et peut entrainer ainsi une ruine de l’Etat, à travers une gangrène de détournement des ressources.
Un grave phénomène qui plombe du coup la réussite voire le succès des politiques publiques par un manque de réalisation des investissements projetés. Les fonds destinés à la réalisation des politiques publiques pour le développement comme la réalisation des infrastructures socioéconomiques et de formation de la jeunesse du pays peuvent être ainsi détournés non pas pour être réalisés ailleurs dans d’autres domaines, mais pour se « volatiliser » par un effet de perte dans la nature.
A cette haute sphère de la société, les spécialistes du phénomène parlent de « corruption active », d’autant que « les acteurs agissent en toute impunité » de l’avis de l’opinion et « jouissent souvent de privilèges en silence et des accointances des hauts commis de l’Etat ». Très concrètement, on évoque « une Marta » dans le jargon d’une mafia à la sicilienne, qui gangrène la société et peut freiner tous les espoirs de développement de celle-ci.
Pour les organisations spécialisées dans le domaine de la lutte contre la corruption, le phénomène persiste encore sur le continent africain. Pour Amnesty International, qui a rendu un rapport à ce sujet « la corruption perdure avec la même intensité en Afrique ». Cependant quelques rares pays font figure de bons élèves, avec des avancées significatives faisant d’eux des exceptions du continent africain.
Les bons élèves dans la lutte contre la corruption en Afrique !
L’on estime à 148 milliards de dollars le manque à gagner causé au continent africain par la corruption. C’est pourquoi, les dirigeants africains soucieux de l’avenir de leurs pays ou encore du continent sont très austères envers le phénomène de corruption.
D’ores et déjà la Côte d’Ivoire, le Niger, le Mali d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et le Ghana ont exprimé des engagements certains dans la lutte contre la corruption, en vue de préserver leurs finances publiques leur permettant surtout de réaliser les ambitions politiques et socioéconomiques qui sont les leurs. Ces pays sortent du lot des pays du continent pour avoir réalisé des arsenaux juridiques (lois anticorruption) et institutionnels appropriés comme la haute autorité à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA au Niger) permettant de traquer le phénomène.
Plusieurs autres indices et critères entrent en ligne de compte pour l’appréciation de l’efficacité de la lutte contre la corruption ainsi que sa perception dans la société Africaine. Ainsi les chercheurs ont remarqué que les régimes démocratiques sont à même mieux structurés pour une lutte efficace contre la corruption avec l’émergence d’une société civile de plus en plus spécialisée, contrairement aux régimes de dictatures civiles ou militaires.
Les dictatures civiles se caractérisent par une démocratie purement électoraliste pour la plupart des cas, en tournant autour d’un dictateur qui règne à vie ou une dynastie politique en perpétuation autour d’une seule famille régnante comme au Gabon, au Togo, au Congo Brazzaville, en Guinée-Equatoriale, au Tchad ou comme la Centrafrique de Bokasso dans le passé lointain ou encore celle imminente d’Archange Touadéra. Les régimes de démocraties réelles se caractérisent par des alternances pacifiques pour ne pas dire démocratiques au pouvoir, quoiqu’elles restent à parfaire ou à perfectionner par des valeurs et des reformes continues et leur réelle implémentation.
Si le Niger a déjà rectifié la loi sur la cybercriminalité pour prendre en compte la liberté de presse de manière effective, le Ghana est allé plus loin en adoptant une loi spéciale pour protéger les « influenceurs et autres lanceurs d’alerte», qui sont des nouveaux acteurs du fait du phénomène de la nouvelle technologie de l’information et de la communication (NTIC).
La conseillère sur la corruption et les droits humains à Amnesty International, Liliane Mouan basée à Dakar s’est beaucoup intéressée à la question. D’autant que le travail des influenceurs est utile dans la mesure où il donne à la fois l’alerte aux décideurs publics dans la gouvernance au quotidien que les professionnels des médias pour révéler à l’opinion les cas du phénomène de corruption.
Si ailleurs sur le continent africain, on parle d’exil ou de brève disparition des influenceurs, lanceurs d’alerte et journalistes à l’image de Ferdinand Ayité au Togo voire leur exécution sommaire dans certains pays à l’exemple de Martines Zogo au Cameroun, au Niger contrairement aux acteurs ces horizons, les inquiétudes des « Bana Ibrahim ou encore Samira Sabou » cités par les organisations spécialisées des questions de la corruption comme acteurs dans le monde numérique sont mesurées.
MOUSSA NAGANOU