Septembre 2022 à ce jour, cela fait 8 mois que le capitaine Ibrahim Traoré a accédé au pouvoir par la force au Burkina Faso consécutivement à son prédécesseur, le colonel Damiba dont les résultats étaient jugés insuffisants contre la lutte antiterroriste selon ses tombeurs. On avait donc encensé le nouveau messie venu pour libérer le peuple Burkinabè de sa pire mésaventure vécue depuis son indépendance, en cette terre jadis caractérisée par une convivialité exemplaire entre les différentes populations.
Le mot d’ordre était lancé et s’assimilait essentiellement à la libération des régions, des villages, tombés dans l’escarcelle des terroristes qui exploitent, abusent allègrement les populations sans rencontrer de véritables résistances dans ces nombreux no man’s Land dispersés ça et là sur l’étendue du territoire Burkinabè. Et pourtant, dès son accession au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré avait fixé un délai de 3 mois pour éradiquer le mal terroriste, grâce à l’implémentation d’une stratégie révolutionnaire qui rencontrera l’adhésion de toutes les filles et fils du Faso, à l’instar de la révolution sankariste restée encore vivace dans la mémoire collective.
D’entrée de jeu, la junte militaire Burkinabè au pouvoir a dévoilé sa stratégie par notamment le renforcement des forces armées nationales, en recrutant les VDP (volontaires pour la défense de la patrie), un renfort de jeunes burkinabè supposés épris de patriotisme qui devront aux côtés de l’armée nationale aider à bouter les terroristes hors du Faso. Une nouvelle ère pleine d’espoir venait de voir le jour avec en filigrane la renaissance dune nouvelle révolution sous la conduite très éclairée du jeune capitaine Traoré et de ses compagnons d’armes.
Les résultats médiocres enregistrés sur le terrain ont poussé la junte militaire Burkinabè à revoir sa stratégie, en la renforçant voire en l’aggravant, en Avril 2023 par un décret de «mobilisation générale et la mise en garde» afin de «donner à l’État tous les moyens nécessaires pour faire face à la situation sécuritaire». Parallèlement aux actions de mobilisation de ressources internes, la junte militaire Burkinabè a développé une stratégie de rupture d’avec ses anciens partenaires dont notamment la France à qui elle demanda de retirer sa force Sabre dans un délai paraissant trop court aux yeux de l’Élysée qui y voit les prémisses d’un rejet total de sa coopération entre ce pays jadis considéré comme sa chasse gardée.
La politique de l’isolement venait de prendre corps au grand dam de la France qui devait assumer la perte d’un second pays dans la sous région après le Mali. La voie fut désormais ouverte pour de nouveaux partenariats, le langage officiel privilégie la terminologie « diversifier » mais en réalité, ce fut un véritable rapprochement avec la Russie par le truchement du voisin malien tombé déjà dans l’escarcelle Russe.
Le nouveau mentor malien a saisi l’opportunité pour étendre la nouvelle orientation de sa politique étrangère, en réintégrant dans sa logique le Burkina Faso : une alliance des deux juntes au détriment des intérêts de la France. L’élimination à tout prix des terroristes sans accompagner la stratégie d’un volet social en faveur des zones conquises marquées par une extrême pauvreté est de mise.
L’éloge du tout militaire, tel un mantra a fini par conquérir les burkinabè. Entre temps, les terroristes eux aussi ont multiplié leur stratégie en la rendant plus pernicieuse, en déclenchant ainsi une avalanche d’attaques qui a aggravé la situation sécuritaire au Burkina Faso.
La désolation des populations a atteint des proportions gigantesques, au point de semer l’inquiétude au sein de l’État major de l’armée qui décide de l’extermination aveugle des terroristes et leurs supposés complices qui occupent les villages. Ainsi, en fin Avril 2023, le village de Karma a été mis sous coupe réglée et le carnage a fait 150 tués vifs par des hommes portant les uniformes de l’armée nationale burkinabè.
Un véritable massacre digne d’un film d’horreur occasionna 150 morts dans des conditions tragiques qui ne finissent pas d’interroger les observateurs sur les circonstances d’un tel crime. Face à une armée nationale, visiblement débordée par les attaques terroristes, la junte militaire sombre à coup sûr dans des exécutions sommaires qui frisent un véritable « nettoyage » d’une certaine population accusée d’être en intelligence avec l’ennemi.
Le bilan à mi-parcours de la lutte antiterroriste 8 mois après l’accession au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré fait ressortir un échec patent et classe le Burkina Faso à la 2e place des pays les plus touchés par le terrorisme au monde en 2023, selon un rapport de l’Institut pour l’économie et la paix. L’enlisement de cette lutte devrait s’arrêter afin que la junte militaire Burkinabè puisse encore justifier de sa présence au sommet du pays des hommes intègres, sinon cette conjoncture défavorable pourrait servir de tremplin à une autre irruption prétorienne, pratique désormais en vogue au sein des populations qui facilement succombent au populisme.
ABOUBACAR SOUMAÏLA