Faut-il supprimer l’ONU ?
C’est la critique la plus sévère formulée et dirigée par le chercheur français, Sébastien Daziano dans son livre du même nom contre l’organisation des Nations-Unies censée garantir et maintenir un équilibre constant de la vie des hommes et des institutions sur la planète terre. Mais au regard des échecs cuisants multiples de maintenir les équilibres sur plusieurs fronts au monde matérialisés, notamment par le génocide rwandais, la guerre en Somalie (Afrique), la guerre en Yougoslavie (Europe), la guerre en Iraq, au Koweït, en Afghanistan, en Ukraine (Asie), le terrorisme au Sahel et des violations récurrentes du droit international humanitaire, le rôle de l’ONU passe pour être protocolaire, sinon obsolète aux yeux des acteurs en souffrance.
D’autant que l’organisation des pays membres du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’Union Européenne ou encore les États-Unis d’Amérique ravissent la vedette de la tentative de maintien de la paix dans le monde par une concurrence réellement déloyale à l’ONU, alors même que ceux-ci poursuivent la satisfaction de leurs propres intérêts géopolitiques et stratégiques. L’ONU devrait absolument se ressaisir par des reformes courageuses, osées voire audacieuses ou périr pour laisser le monde malmené dans les mains des puissants, qui ne voient que leurs intérêts égoïstes.
La mission de l’ONU à l’origine et les actions qui l’entravent !
Prévenir les conflits, réaliser la paix et entretenir celle-ci durablement pour maintenir l’équilibre du monde était la mission première de la société des Nations (SDN), l’ancêtre de l’organisation des nations-unies (ONU) unanimement acceptée en 1945, à qui la même mission de maintien de la paix est imputée au lendemain de la seconde guerre dévastatrice, meurtrière d’envergure mondiale. Soixante quinze (75) ans après, le visage du monde a connu une transformation impressionnante voire spectaculaire, en passant d’abord d’un monde bipolaire à celui multipolaire aujourd’hui, en traversant une courte période de monde mono-polaire.
Celui dit bipolaire est caractérisé par le bloc occidental conduit par les États-Unis d’Amérique et accompagné par l’Union Européenne et ses alliés, d’un côté et du bloc oriental conduit par l’Union des Républiques socialistes et soviétiques (URSS) de l’autre. Le visage mono-polaire du monde s’est exprimé en 1991 et s’est caractérisé concrètement sur le terrain par une espèce de «démantèlement du bloc oriental» manifesté par la revendication des indépendances de la plupart des États formant le même bloc uni d’antan avec la Russie, à telle enseigne que l’URSS est morte, enterrée et devient par l’avènement des Accords de la communauté des États indépendants (CEI) en 1991.
Pendant cette période de grande détente, de démonstration de force pour le bloc occidental animé par l’euphorie de l’expansion des sentiments de liberté et des démocraties à travers le monde déjà marqué en amont par la chute du mur de Berlin de 1989 et ses effets de libération des énergies et des talents sociopolitiques et culturels. Cela a également provoqué un immense et profond sentiment de libération pour les États sous emprise de la Russie et le monde mono-polaire venait ainsi d’exprimer sa plus belle facette, aux yeux du reste du monde.
Au lendemain de l’euphorie, l’on se réveille avec un monde à plusieurs visages marqué par la volonté de puissance et la démonstration spectaculaire d’une nouvelle géopolitique des riches et de la technologie. Les 5 membres permanents du conseil exécutif des Nations-Unies conserveront leurs forces dans une ONU affaiblie voire meurtrie, mais d’autres nouvelles puissances économiques comme la Turquie, la Corée du Nord, le Japon, l’Inde vont émerger et se présenter comme telles et l’Afrique même désunie va réclamer un droit de véto, c’est-à-dire une place aux côtés des « grands ».
L’ONU, de la prévention à la gestion chaotique des conflits !
Les plus critiques ne voient plus aucun intérêt, en la seule organisation légitime au monde, qu’est l’ONU pour avoir échoué le coche sur l’accomplissement de sa première mission dont la prévention des conflits pour réaliser la paix durable dans le monde. Comme on le constate, c’est plutôt l’euphorie des résultats de la guerre froide, qui a marqué la première période de la vie de l’ONU mais dominée réellement dans la pratique de terrain par la gestion très chaotique des périodes post-conflits.
L’ONU est devenue même « une espèce d’organisme spécialisé » dans la gestion des graves périodes d’après-conflits. Désormais incapable d’empêcher les conflits, l’ONU excelle dans la mise en œuvre des missions politiques de maintien de la paix dites des missions de stabilisation dont l’efficacité laisse à désirer dans presque la quasi-totalité des missions onusiennes envoyées dans le monde, pour cause de mandat ambigüe.
A côté de l’ambigüité des mandats des Nations-Unies, les mauvais comportements de certains personnels militaires ou civils de l’institution New-yorkaise entachent et impactent négativement son image, en plus de la concurrence déloyale exercées par des organisations d’abord occidentales, puis asiatiques du monde arabe et de celle des nouvelles puissances montantes voulant interposer chacune l’étiquette de leur richesse, sous prétexte de participer à un monde meilleur.
La nouvelle ONU, en vue ?
En attendant l’annonce officielle du nouvel agenda pour le maintien de la paix dans le monde, de l’organisation des Nations-Unies par son secrétaire général, Antonio Guterres, bientôt en Juin, l’image de l’institution a pris un coup dur et souffre durement encore dans la recherche de ses marques. Les différentes critiques portées contre l’ONU, notamment sur son interventionnisme tardif (après les dégâts, le médecin après la mort), l’absence de la prévention, l’ambigüité des mandats de ses missions de maintien de la paix, la faiblesse ou l’inefficacité surtout à cause de l’incapacité des poursuites judiciaires même sur les terrains des actions onusiennes.
Jean Pierre Lacroix, le secrétaire général adjoint des opérations de maintien de la paix de l’ONU affirme pour sa part que les mandats des missions onusiennes sont robustes mais il appartient à chacun, chaque pays aussi de prendre sa responsabilité pour la paix et l’équilibre du monde. Les États sont souverains et peuvent coopérer voire pactiser avec qui ils veulent (y compris Wagner?) dans le monde dans une perspective de recherche de la paix et de sa sécurité intérieure.
MOUSSA NAGANOU