Le colonel Assimi Goïta pourra-t-il maintenir des bonnes relations avec Abdelmajid Tebboune ? Jusqu’à quand tiendra l’axe Alger-Bamako ? Certains observateurs commencent déjà à dire que ça ne va plus bien entre les deux voisins, mais on peut, pour le moment, se garder d’une telle conclusion. Tout de même, la relation entre l’Algérie et le Mali est loin d’être ce qu’elle était, il y a quelques mois de cela, plus précisément au fort moment des sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La diplomatie algérienne avait alors fait des pieds et des mains afin que l’étau de l’organisation ouest africaine soit desserré autour de Bamako. Et, les colonels de Kati n’avaient en aucun moment craché sur l’intermédiation d’Alger. Aujourd’hui, ils viennent de dire niet à la proposition algérienne d’une réunion en terrain neutre avec leurs ex-rebelles. Or, Alger se veut ce terrain-là afin relancer l’APR (Accord pour la Paix et la Réconciliation) signé en deux phases à Bamako (Tout d’abord, le 15 mai avec les groupes dites loyalistes puis et enfin le 20 juin avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad en abrégé CMA). Rappelons que l’Algérie a joué un rôle central pour l’aboutissement de cet accord. C’est d’ailleurs sur son sol que l’essentiel des négociations fut mené.
L’enjeu de l’application de l’APR pour l’Algérie
L’intérêt pour Alger de voir l’application des accords de paix est qu’il s’agit non seulement de ce voisin avec lequel il entretient des relations historiques du fait de la position courageuse de Bamako dans la lutte pour l’indépendance algérienne mais aussi parce que le conflit dans le septentrion malien touche également le pays d’Abdelmajid Tebboune qui partage, de côté-là, avec son voisin une longue frontière poreuse au centre de tant de trafics illégaux et porteuse de tous les périls à sa stabilité.
Pour l’heure, l’Algérie n’a pas officiellement réagi au niet des autorités maliennes de la transition de reprendre les pourparlers en « terrain neutre », « terrain neutre » s’entendant par Alger. Cela ne veut nullement dire que la couleuvre est passée à travers la gorge de la diplomatie algérienne. Plus d’une fois d’ailleurs, Abdelmajid Tebboune a remonté les bretelles aux militaires maliens, notamment par rapport à l’organisation des élections et même à la présence des mercenaires du groupe paramilitaire privé russe (Wagner) au Mali. Sur ce dernier sujet, il avait récemment critiqué, dans les colonnes d’un journal français, le partenariat entre le régime malien et le groupe Wagner arguant que les dépenses pour l’entretien des mercenaires pourraient participer au développement des régions du nord que réclament justement les populations du septentrion malien.
Pourquoi le niet malien de voir l’Algérie servir de terrain neutre ?
Qu’est-ce qui pourrait bien expliquer le refus de Bamako de voir Alger servir ou disons resservir de terrain de la reprise des pourparlers avec ses irrédentistes du nord ? Sans doute que le réchauffement de l’axe Paris-Alger en est pour quelque chose. L’ami de mon ennemi est mon ennemi, dit-on. En effet, ces derniers temps, les relations entre Emmanuel Macron et AbdelmajidTebboune sont au beau fixe, en illustrent les embrassades diplomatiques entre Paris et Alger, alors même que la distance entre la capitale française et la capitale malienne est devenue le chemin le plus long du monde.
OUMAROU KANE