Il faut sauver le Mali de son approche antiterroriste 100% militaire !
Le Conseil de sécurité a certes acté à l’unanimité des 15 membres le retrait de la mission de maintien de la paix au Mali, une mission aussi robuste soit-elle. Mais la réalité du terrain voudrait bien aussi qu’on n’abandonne pas le pays des Goïta et de Choguel Maïga aujourd’hui encore en plein vol ! Avec ses 12 sites d’installation sur le vaste territoire malien, la mise au dehors de la Minusma, une telle mission robuste de maintien de la paix pour tout le Sahel, c’est ce droit de regard au ratissage large sur la situation des droits de l’homme dans la région qui fera désormais défaut.
Il est bien vrai que le pays de Modibo Keïta, tout comme les autres pays du Sahel souffrent d’un même mal, qui n’est rien d’autre que le terrorisme résultant aussi bien des conséquences du changement climatique que de la gouvernance des pays de la sous région. Si quelques rares pays d’entre eux comme le Niger, la Mauritanie ou l’Algérie et même le Sénégal à l’extrême Sud du Sahel ont pris conscience de la réalité profonde du mal sahélien, en tenant ainsi compte de tous les aspects de la question pour apporter une réponse d’approche globale et donc holistique aux défis dans leur ensemble, il n’en est pas encore de même pour une bonne majorité d’Etats de la sous région.
L’erreur de certains Etats du Sahel
Aborder les questions sécuritaires au Sahel ou dans le reste du monde aujourd’hui avec la ferme ambition de venir à bout du terrorisme uniquement avec des moyens 100% militaires en pensant que la guerre antiterroriste se gagne avec seulement l’acquisition des armes de guerre de dernière génération est une grave faute d’appréciation de la réalité et engage du coup de telles autorités dans une approche veine d’office. D’autant que l’hydre terroriste est aussi une gangrène, qui est née des conditions propices au milieu naturel concerné et se nourrit d’une jeunesse désœuvrée et de la pauvreté des populations locales déjà traversées par des conflits latents en permanence autour des ressources naturelles comme l’eau, le pâturage, les champs de culture, le bétail, les espaces de chasse ou de pêche.
Les conséquences du changement climatique et l’absence d’une réponse responsable des Etats ont longuement contribué à l’exacerbation, à l’aggravation des conflits communautaires ayant dégradé la symbiose sociale existant entre les différentes communautés vivant toujours ensemble avec des brassages interethniques quelque fois profonde. Au Mali et au Burkina Faso, les hommes en armes au pouvoir ne semblent pas comprendre et traduire suffisamment un tel niveau de conscience de la réalité du phénomène terroriste.
Ce qui fait que les juntes militaires Maliennes et burkinabè bombent les torses et musclent les décisions en s’employant vigoureusement voire plutôt bruyamment à la mise en œuvre d’une lutte antiterroriste 100% militaire aux issues certainement vaines. D’autant qu’il faut tuer combien des burkinabè ou des maliens pour faire la paix avec le reste des citoyens ?
La paix se construit ensemble avec des vivants conscients pour bâtir un pays de rêves avec des citoyens responsables et non avec des insurgés victimes, vaincus et inconscients. Pour eux, le phénomène terroriste est totalement exogène alors qu’il est aussi inhérent (intimement lié) à la réalité sociale.
Il faut absolument sauver le Mali de l’isolement et du risque de perpétuer des drames silencieux !
Le Colonel Assimi Goïta et ses camarades traduisent malheureusement aux yeux du monde une véritable stratégie de l’isolement de leur pays avant celle de la terreur redoutée réellement par les défenseurs des droits de l’homme ! Même le vote pour le retrait de la mission de maintien de la paix au Mali (Minusma) entériné à l’unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité des Nations Unies n’est pas une garantie de sécurité pour le Mali.
Les Nations Unies ne veulent certes plus engager un bras de fer avec le Mali déjà profondément miné par l’insécurité mais il va absolument falloir trouver des mécanismes pour aider le pays à sortir la tête de l’eau, hors du précipice. Parce que les cas des charniers de Moura et de Gossi sont assez illustratifs de risque de terreur silencieuse susceptible d’être commise par les forces armées maliennes (FAMAS) et leurs supplétifs de Wagner.
Est-ce que c’est pour mieux mater les groupes armés terroristes en perpétuant des drames comme ceux de Gossi ou de Moura que la junte malienne a exigé le départ de la Minusma ? Parce que tous les pays savent bien que les missions de maintien de la paix ne peuvent pas s’arroger le devoir régalien de lutte antiterroriste, qui est une exclusivité des Etats.
Le seul espoir !
Le seul espoir pour que les droits humains soient suivis et un peu observés au Mali au terme des six mois réservés à la Minusma pour plier bagages est l’existence de quelques rares acteurs de la société civile comme le model remarqué lors du référendum constitutionnel du 18 Juin dernier, qui avait réussi à déployer quelques 3000 observateurs du scrutin référendaire à travers le pays et des partis politiques, qui commencent à élever la voix. Mais la junte malienne à l’œil sur eux et entend également les museler par tous les moyens dont l’arme de l’asphyxie financière, de la dissuasion par la violence verbale ou physique et celle de la dissolution judiciaire par certainement une caporalisation et in fine l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire conduisant ainsi à un démantèlement systématique de l’Etat de droit, à l’exception du seul exécutif, qui monopolise l’unique morceau du pays qu’il contrôlera.
Les pays voisins du Mali et du Burkina Faso doivent user de leurs diplomaties présidentielles pour tenter de dissuader surtout la junte malienne à cultiver le dialogue interne avec toutes les forces vives, en vue d’ériger et d’y parvenir à une nation malienne, telle que rêvée par ses ancêtres Soundjata Keïta, Soumangourou Kanté, Kankan Moussa, le Mansa du Mali, Askia Mohamed ou encore Soni Ali Ber. D’autant que le Niger quant à lui accueille déjà des milliers des réfugiés maliens, burkinabè et même nigérians qu’il héberge et prend en charge totalement.
MOUSSA NAGANOU