Depuis les évènements du 26 Juillet 2023, le conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) tient le président Mohamed Bazoum dans son palais et le président du CNSP Aboudourahmane Tiani est proclamé Chef de l’Etat. L’organisation communautaire régionale de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO a très vigoureusement et violemment condamné cette irruption de l’armée sur la scène politique et exige le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger.
La CEDAO a infligé des très lourdes sanctions économiques et commerciales au Niger à effets immédiats, avec fermeture des frontières des pays membres, à l’issue de son premier sommet extraordinaire du Dimanche 30 Juillet avant de brandir en même temps, la menace d’une intervention militaire contre Niamey dans le but de tenter de déloger les putschistes et rétablir l’ordre constitutionnel, sous un ultimatum d’une semaine, qui s’est déjà expiré Dimanche 6 Août. La CEDEAO a ainsi reculé par un mouvement de rétropédalage, en convoquant d’ores et déjà, un second sommet extraordinaire pour le Jeudi 10 Août 2023 à Abuja, au Nigéria, le pays du président en exercice Bola Ahmed Tinubu.
Une impossible médiation autour du 4è putsch de l’espace CEDEAO ?
A cause des évènements du 26 Juillet 2023, Niamey est devenu aujourd’hui sans doute le 4è putsch commis en Afrique de l’Ouest depuis 2020, après le Mali, le Burkina Faso et la Guinée-Conakry. Cette 4è prise du pouvoir dans l’espace CEDEAO et la 5è dans l’histoire du pays à Niamey, avec le visage dévoilé du général Abdourahmane Tiani, le chef de la garde présidentielle de Mohamed Bazoum, le pays vibre désormais au rythme de la volonté du conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), dont le président avait annoncé dès sa première prise de parole, le rejet de toute ingérence d’autres pays sur son chemin.
Le CNSP est plutôt préoccupé par la volonté de s’installer totalement au pouvoir et occupé les principaux symboles de l’Etat surtout au sommet de l’exécutif avec la nomination déjà d’un Premier ministre. Ce qui justifie le refus du dialogue avec les reports des rencontres avec des délégations étrangères, encore perçues comme de l’ingérence.
Ainsi aucune tentative de médiation n’a prospéré, autrement dit n’a été possible et ce, malgré les multiples initiatives venant aussi bien de la CEDEAO que d’autres institutions comme l’Union Africaine, les Etats-Unis d’Amérique ou les Systèmes des Nations Unies.
L’ancien président du Nigéria et ancien médiateur du Niger, le Général Abdoulsalami Aboubacar et le sultan de Sokoto Mahamadu Aboubacar Saadu, lui-même ancien militaire ont été les deux premières personnalités reçues par la junte de Niamey sous le magistère des militaires ayant réalisé le 4è putsch de la sous région de l’Afrique de l’Ouest. Reçus dans une salle à l’aéroport de Niamey, la délégation de deux sages du pays de Tinubu avait rebroussé chemin sans rencontrer l’homme fort du Niger, le Général Abdourahmane Tianai.
Unis autour du pays contre une intervention militaire, les Nigériens de tous les bords politiques ont affirmé leur cohésion, leur rejet, leur solidarité contre toute « agression militaire étrangère» dont l’armée nigérienne entend « riposter immédiatement ». Mais cela n’a guère empêché le pays de Mohamed Bazoum de vivre au rythme du CNSP.
La sous secrétaire d’Etat Américaine aux affaires politiques, Victoria Nuland a été une des rares diplomates à obtenir l’atterrissage spécial de son avion pour rencontrer les autorités militaires le 7 Août 2023, dans le but d’ouvrir un dialogue inclusif nécessaire au retour de la stabilité politique et socioéconomique intervenue brutalement le 26 Juillet 2023. Mais l’espoir d’un dialogue inclusif n’a été que de courte durée, bien qu’il soit appelé de tous leurs vœux par les leaders politiques nationaux et autres institutions internationales, à travers le monde.
La CEDEAO renvoyée à ses propres responsabilités !
Le report par Niamey aux calendes grecques de l’arrivée de la mission conjointe composée de la CEDEAO, de l’Union Africaine et les Nations-Unies censée venir à Niamey le Mardi 8 Août 2023 pour rencontrer le conseil national pour la sauvegarde de la patrie, afin de jeter définitivement les bases d’un dialogue inclusif pour dénouer la crise politique en cours au remet en cause cet espoir. D’autant que les autorités militaires de Niamey rappellent avec un accent d’ironie que « suite aux sanctions édictées par la CEDEAO elle-même, au terme de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernements, le 30 Juillet 2023, les frontières terrestres et aériennes du Niger avec les Etats membres étant fermées, l’organisation d’une telle mission par vol spécial requiert un examen particulier des autorités nigériennes, incluant une exemption spéciale, qui n’est pas invoquée dans cette note de la représentation Résidente ».
Par ces termes, les autorités militaires de Niamey mettent d’abord l’organisation régionale, CEDEAO devant ses propres responsabilités avant de réitérer tout de même leur « disponibilité à engager des discussions avec des délégations ou émissaires concernant la situation au Niger ». Niamey qui ajoute également dans sa correspondance que « le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la CEDEAO ne permet pas d’accueillir ladite délégation dans la sérénité et la sécurité requises ».
Les autorités de Niamey promettent quand même une rencontre mais avec la nécessité de convenir au préalable des dates, des contours et d’un programme des dites délégations. Même si l’option de dialogue n’est pas complètement fermée par Niamey, la CEDEAO doit se plier aux désira datas du CNSP.
Un putsch, deux discours à Niamey comme dans le reste du monde !
A Niamey, les partisans de la démocratie évoquent toujours « une tentative de coup d’Etat » dont la sortie de crise est négociable avec la junte militaire installée au palais présidentiel. Ce même discours est partagé à Washington, à Paris et dans les autres capitales africaines, tout comme dans l’espace CEDEAO pour espérer une acceptation des militaires à quitter le pouvoir pour rejoindre les casernes.
Chose impensable chez les soutiens du 5è putsch de Niamey, malgré leurs labels revendiqués des « démocrates convaincus ». Ceux-ci espèrent que le CNSP va chasser l’armée française au Niger ainsi que les autres bases militaires européennes et Américaines, dans une moindre mesure.
Il faut dire aussi que l’appel de la Russie est ouvertement exprimé dans les rues de Niamey avec l’exposition des couleurs nationales de la Russie lors des manifestations publiques.
Paris excelle dans son jeu favori de déni de la réalité !
Les membres de la junte militaire de Niamey ont dénoncé de vive voix les accords de coopération technique militaire. Ils sont cinq au total ayant subi la voie diplomatique pour être vigoureusement dénoncés.
Paris rétorque que les nouvelles autorités ne sont pas légitimes. Catherine Colonie, la cheffe de la diplomatie française affirme de plus qu’elle reconnaisse toujours l’ambassadrice en poste à Paris avant le coup d’Etat Mme Aïchatou Boulama Kané. Comme au Burkina Faso et au Mali, Paris excelle dans un déni de la réalité au Niger encore, où elle a des difficultés à garder ce que d’aucuns appellent son pré-carré. La France n’admet toujours pas qu’il y a eu un coup d’Etat au Niger, depuis le 26 Juillet 2023.
MOUSSA NAGANOU