Ces trois données en apparence sans lien aucun sont pourtant générées au Sahel et au Sahara, en même temps ou presque. Si l’orpaillage est né de la recherche du travail, à cause de la sécheresse due au changement climatique ayant détruit les champs de cultures, ainsi que les pâturages au Sahel, les groupes armés sont apparus au même moment pour semer l’insécurité et aggraver aussi les conditions de vie des populations menacées d’ajouter à la migration une vitesse de croisière.
La recherche effrénée des pépites d’or par les populations aux flancs de toutes les collines, au fonds de toutes les plaines et même sous les montagnes de sable du Sahara a aiguisé l’appétit des orpailleurs de tous les pays du Sahel et de ceux du golf de Guinée. Les travailleurs de l’orpaillage artisanal passent pour des vrais spécialistes des filons d’or en Afrique.
Ils « reniflent » partout et finissent par être les premiers à découvrir les pépites d’or des sites aurifères. Sur les sites aurifères, en attendant que les grandes compagnies d’exploitation de l’or lèvent des fonds en bourses pour investir dans leur permis, les orpailleurs sont déjà en train d’extraire des grosses pépites pour vendre aux banquiers et autres orfèvres sur le terrain autour d’une muni industrie, qui fond et fabrique des lingots.
Les orpailleurs sont des acteurs, qui creusent des trous profonds à la chasse des filons d’or et créent des emplois massifs. Sur chaque site aurifère découvert, un village se crée aussitôt avec des services divers pour capter les opportunités de la circonstance.
C’est de cette manière que des gros villages sont apparus autour des sites aurifères rapidement tels des champignons avec leurs conséquences. Et s’ensuit un entassement massif des populations et un regroupement rapide des personnes venues de toutes les contrées, mais surtout de nationalités différentes qui se retrouvent en un temps record.
Partout en Afrique comme par exemple en Mauritanie, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Congo (RDC depuis toujours), au Mali, au Niger, des grands sites aurifères sont apparus dès 2014 et attirent un monde impressionnant, sans que les Etats-Etats ne soient suffisamment préparés à les accueillir et les contenir dans les règles de l’art administrativement parlant. Pendant que ces sites d’orpaillage génèrent des fonds importants et offrent en même temps de nombreux emplois, des structures d’insécurités également se forment, notamment du banditisme, des groupes armés liés à la circulation massive des stupéfiants, des armes à feu et des formes diverses de délinquance juvénile, un véritable effet d’externalité entièrement voué au mal.
Sur les chemins qui mènent aux sites aurifères, le transport s’est développé mais le banditisme aussi. Car c’est par là qu’ont commencé les coupeurs des routes et les attaques à main armée pour arracher les pépites d’or et dépouiller des orpailleurs de leurs richesses obtenues au bout de leur sueur.
Au moment où certains pays se sont rendus compte du danger que représentent les sites d’orpaillage apparus anarchiquement sans le moindre encadrement public pour ordonner leur fermeture, c’est très tard ou presque. Le mal est déjà consommé, d’autant que chercheurs, journalistes, enseignants, décideurs politiques, acteurs de la société civile et forces de sécurité ne se sont pas rendus compte aussi rapidement qu’il fallait intégrer adéquatement une véritable géopolitique de la sécurité et d’une nouvelle économie qui se criminalise lentement et sûrement.
A la lumière de la réalité du terrain sur les sites aurifères, l’orpaillage artisanal peu sécurisé a un rapport évident sur la sécurité, c’est-à-dire un rapport de cause à effet sur l’apparition des groupes armés et par voie de conséquences, la question sécuritaire et ce malgré l’institution du permis artisanal au Niger. L’attaque d’un convoi d’orpaillage même sécurisé par une escorte publique, le 9 Avril 2023 sur la route menant du site aurifère de Tabarkat (Agadez) à la ville minière d’Arlit est assez illustrative.
MOUSSA NAGANOU