L’armée française en Afrique et le nouveau contexte
L’armée française en Afrique ! Voilà, une expression qui a connu un usage à outrance, au point d’être galvaudée comme d’ailleurs on a réussi également à galvauder la notion de « panafricanisme ». Il n’y a pas un seul débat, qui n’intègre la question de la présence de l’armée française en Afrique, alors même qu’elle n’est pas la seule à y être sur le continent.
Un simple exercice d’attention nous a permis de comprendre qu’il y a une multitude d’armées occidentales sur le continent africain, comme il y en a également des armées africaines en Occident et ailleurs, en mission pour un intérêt quelconque. « Depuis très longtemps, les forces de défense et de sécurité des États africains se déploient en mission ou en formation de perfectionnement dans des grandes écoles militaires et de sécurité en Europe, en Amérique et en Asie, mais cela n’a jamais posé le moindre problème en Afrique, si ce n’est ces dernières années qu’a émergé un nouveau débat tendant à incriminer l’armée française uniquement », confie un ex officier.
Pourquoi ce débat ne s’intéresse pas à la présence des armées Américaines, Allemandes et les autres sur le continent?, s’interroge-il. Tous les militaires africains de renom ayant marqué l’histoire du continent et même les intellectuels ont été formés hors du continent pour la plupart et sans cette formation, que seraient-ils devenus?, s’indigne un cadre de l’administration publique.
C’est en faveur de la libéralisation de plusieurs secteurs stratégiques qu’un militaire ou un civil peut accéder aujourd’hui facilement à une école de qualité ou à une formation de qualité sans aller très loin, hors du continent. Avant, ce n’était pas possible, clame un autre.
Il faut bien que les porteurs de la critique de la présence de l’armée française en Afrique proposent leur alternative de développement aux dirigeants africains, parce des sources concordantes, la présence de l’armée française en Afrique va prendre un nouveau tournant. D’autant que le président Emmanuel Macron a instruit son ministre des armées Sébastien Lecornu à faire le tour de l’Afrique de l’Ouest pour discuter avec les ministres des défenses, en vue de l’application des modalités des retraits progressifs du continent.
La ré-articulation de l’armée française en Afrique fait l’objet d’une réflexion très avancée entre le président français et les Chefs d’État africains. Même au Mali et au Burkina Faso, où les juntes militaires de Transition ont ouvertement demandé le départ des armées françaises de leurs territoires, le « retrait se passe discrètement » et la force Sabre au Burkina Faso suit discrètement les traces de l’opération Barkhane avec une destination différente.
Le ministre français des armées, Sébastien Lecornu réalise sa 2è visite en Côte d’Ivoire le 20 février 2023 dernier, après celle de Septembre 2022 à Abidjan. Il a rencontré son homologue ivoirien Téné Birahima Ouattara avant de rencontrer le président Alassane Ouattara.
Le ministre Lecornu a d’ores et déjà noté des « efforts remarquables accomplis dans la montée en puissance de l’appareil sécuritaire » ivoirien lui permettant d’assumer pleinement le rôle de « puissance d’équilibre régional ». Il a précisé que « l’armée ivoirienne aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’il y a 10 ans », pour justifier sa satisfaction dans le cadre de l’évaluation des rapports entre l’armée française stationnée en Côte d’Ivoire dénommée, 43è bataillon d’infanterie de marine (Bima).
En Côte d’Ivoire, le ministre français des armées, Lecornu s’est entretenu avec le président Ouattara sur les questions de sécurité, de la prédation des ressources minières, du trafic de la drogue, de la coopération économique et du développement. Il s’est rendu à Dakar au Sénégal, le 21 Février 2023 pour discuter des mêmes questions.
La nouvelle ré-articulation de l’armée française en Afrique consiste à progressivement réduire sa présence sur le continent jusqu’à son départ définitif. Et c’est aussi en fonction des besoins des partenaires africains.
La Côte d’Ivoire fait la même chose que nous, à quoi donc bon de rester pour faire la même chose?, s’interroge un officiel français à propos de la coopération militaire. La France compte quelques 950 militaires en Côte d’Ivoire, 400 au Sénégal, quelques centaines au Tchad, une centaine au Niger, en mission de formation et de partage d’expérience de terrain avec les militaires nigériens au côté de l’opération ALMAHAOU au Nord du pays. Barkhane, Sabre, Serval, ces noms vont complètement disparaitre du sol africain et même des archives, à en croire la nouvelle articulation des forces françaises.
Les axes prioritaires de la nouvelle coopération militaire franco-africaine
Deux axes restent prioritaires voire nécessaires à être marqués par un soin particulier entre Chefs d’État africains et le président français. Le premier axe est d’ordre technique et requiert une formation raffinée des armées africaines en spécialité (forces spéciales et droit international humanitaire), la lutte contre le terrorisme et ses aspects connexes, notamment la lutte contre le trafic d’être humain, la trafic de la drogue, le trafic des armes.
Le second axe est d’ordre capacitaire et requiert l’acquisition et la dotation d’un équipement performant de nouvelles générations aux armées de l’air et celles de terre. Pour cela, l’ouverture de la coopération militaire aux armées entre elles peuvent faciliter l’acquisition de tels armements aux armées africaines.
Le professionnalisme repose aujourd’hui à la fois, aussi bien sur l’acquisition de la connaissance, de la technique que sur l’accès à la technologie des armes et d’armements. La diplomatie du drone est totalement développée et établie comme un nouveau phénomène de business sécuritaire de haut niveau autour de la Turquie et certains États africains du Sahel, à travers le drone Bayraktar TB2.
Déjà plusieurs pays du Sahel l’ont acquis comme le Niger, ces drones de dernière génération de la technologie turque. La génération Bayraktar TB2 considérée comme les drones les plus efficaces et les plus performants en termes de surveillance de territoires aussi vastes comme celui du Niger et capable de rester longtemps en vol.
La France entend ainsi rapprocher aussi ses industries d’armement comme la Turquie, comme la Chine, comme les Américains le font pour servir sa nouvelle coopération militaire franco-africaine. Il faut dire que, c’est une nouvelle diplomatie de la technologie qui va se déployer désormais en Afrique.
MOUSSA NAGANOU