La justice est le reflet de la santé d’une République démocratique soucieuse de l’épanouissement de ses populations. C’est un facteur intégration sociale et surtout le ferment de la confiance entre les gouvernants et les gouvernés, dans tous les États censés instaurer une paix durable entre les citoyens du pays.
C’est à ce titre qu’elle constitue l’étalon de valeur de la santé d’une bonne gouvernance. C’est pourquoi, la qualité de son fonctionnement impacte véritablement sur la crédibilité des institutions politiques et sociales révélant ainsi la maturité démocratique des États.
On se rappelle les propos du président américain Barack Obama qui lors de sa visite au Kenya avait envoyé un message fort à l’endroit des dirigeants africains qui loin de renforcer les institutions de la République ont préféré se hisser au sommet de leur pays tel des hommes forts, en imposant leur dictat au peuple. « Les États n’ont pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes », avait-il martelé.
Sur le continent africain, les critiques à l’endroit de la justice de plusieurs pays sont légion. On reproche à l’institution son incapacité de traiter les dossiers sans tenir compte de la tête du client, en favorisant ainsi un clan, au détriment d’un autre, du fait qu’elle soit tout aussi souillée que les autres dans le système en place.
En République démocratique du Congo par exemple, on ne s’est pas étonné, de la rapidité avec laquelle la peine de mort a été requise contre six hommes jugés par un tribunal militaire pour le meurtre de l’ambassadeur d’Italie en février 2021, dans l’Est du pays. Ce dossier a connu un dénouement accéléré à la justice, alors que des dossiers traînent dans la même institution attendant aussi un dénouement.
C’est la preuve manifeste d’une justice à double vitesse qui a fait allégeance au statut de l’ambassadeur d’Italie, une victime spéciale dont le traitement sort du lot. Ainsi, au lieu de susciter l’égalité entre les justiciables, l’institution judiciaire africaine pêche dans le principe d’égalité des justiciables, en ternissant sa propre image qui rejaillit négativement sur la notoriété des pays.
Au Sénégal encore, Macky Sall, l’incarnation autrefois de l’espoir des sénégalais face à la dérive institutionnelle de son prédécesseur Abdoulaye Wade, est aujourd’hui au cœur de l’instrumentalisation de la justice de son pays. La rocambolesque affaire de l’opposant Ousmane Sonko, marquée de sang par une dizaine de morts constitue un véritable harcèlement, alors que plusieurs autres dossiers sensibles sont mises en quarantaine dévoilant plutôt l’agenda soupçonné du 3è mandat au président sénégalais, aveuglé par la volonté d’éliminer son opposant de taille.
Le Sénégal jadis respecté par la qualité de sa démocratie commence à nous montrer un visage défiguré par la restriction de liberté de presse avec l’interpellation des journalistes au moyen d’une justice désormais sous tutelle du pouvoir.
Outre, les deux cas cités en amont, l’Afrique est fouettée de plein pied par l’exemple de la Côte d’Ivoire sortie de la guerre et postélectorale de 2011, qui est à plus d’un titre illustratif de l’échec des États du continent à rétablir la justice.
Le triptyque, justice, vérité et réconciliation était censé rétablir une véritable paix entre les fils et filles du pays, profondément divisés par la guerre. Le pouvoir de Ouattara n’a pas franchi la phase préliminaire de la justice, en rendant du coup la suite du processus irréalisable.
La nomination d’un ministre de la réconciliation nationale n’a pas permis d’affronter le problème réel de la justice, socle de toute véritable réconciliation. C’est pour relancer la réconciliation nationale, tant prônée par le camp Ouattara que 47 dépouilles et restes humains de victimes de violences de la crise postélectorale de 2010-2011 ont été restitués à leurs proches, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, le 8 Mars 2023.
Les associations de droit de l’homme en Côte d’Ivoire se sont félicitées de cette action attendue de longue date, « elles regrettent, toutefois, le peu de concertation et de préparation auprès des différents acteurs impliqués sur le terrain, à commencer par les familles elles-mêmes ».
Une véritable épine sous le pied d’Alassane Ouattara dont la pierre angulaire de son projet de société est représentée par la réconciliation nationale. Les dossiers transmis à la justice ivoirienne ont surtout concerné les opposants aux régimes, la partie proche du pouvoir est pour la plupart soigneusement épargnée de poursuites judiciaires.
Cet état de fait a malheureusement contribué aux critiques véhémentes de l’opposition Ivoirienne, en particulier celle proche de Laurent Gbagbo, qui parle de « justice de deux poids, deux mesures ». Ces différents exemples de traitement des dossiers judiciaires caractérisés par un rythme à la mesure du client et du contexte a largement contribué à jeter le discrédit sur l’appareil judiciaire, accusé à tort ou à raison comme étant à la solde d’un pouvoir.
L’Afrique ne pourra pas faire l’économie du principe sacro-saint de l’indépendance de la justice, propre à tout État de droit ayant fait de la justice le régulateur principal de la société qui inspire la confiance entre les citoyens et les institutions de la République.
ABOUBACAR SOUMAÏLA