L’avènement du coup d’Etat du 26 Juillet interpelle les journalistes nigériens ainsi que les médias nationaux et internationaux à plus d’un titre, d’autant que la jouissance de la liberté de presse et plus largement de celle de l’expression peuvent connaître des entraves dans un régime d’exception. Or, le Niger est un pays qui connait une longue tradition de liberté de presse et de celle de l’expression.
La suspension de diffusion de Radio France internationale (RFI) et de France 24 au Niger, deux médias français intervient une semaine seulement après le coup d’Etat du général Abdourahmane Tiani. Une situation regrettable pour les citoyens nigériens, qui manqueront des programmes diversifiés d’informations en français et surtout en langues nationales comme le Haoussa et le Fulfuldé.
RFI et France 24 s’indignent d’une rupture injustifiée de la diffusion de leurs larges programmes « dehors de tout cadre conventionnel et légal », en direction du public nigérien et à travers également 7 diffusions relais par modulation de fréquence (FM) au Niger. Il faut reconnaitre que RFI et France 24 sont deux grands médias francophones bénéficiant très souvent de l’exclusivité de l’information politique des plus hautes autorités en Afrique, quels que soient les contextes sociopolitiques et le Niger n’était pas une exception à ce sujet.
Est-ce un complexe, un choix réfléchi ou un mépris pour les médias nationaux africains que les dirigeants du continent s’adressent toujours en priorité aux médias hexagonaux ? C’est au moment où les journalistes nigériens attendent la première grande interview exclusive du Général Abdourahmane Tiani qu’on apprend la suspension de diffusion de RFI et de France 24 au Niger.
Pire, cette suspension des deux médias d’autres pays et leur regard différent est un très mauvais signe pour la vie des médias nigériens si un cadre de concertation n’est pas vite trouvé, d’autant que cela risque ainsi de projeter une mauvaise image du pays du général Tiani, au moment où les projecteurs des médias sont braqués sur le Niger. Le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahmane Tiani est tout de même un homme de 59 ans et pétri d’une longue expérience de gestion de la chose sécuritaire au plus haut sommet de l’Etat, en tant que commandant de la sécurité présidentielle.
Les médias sont des acteurs majeurs en période de crise et peuvent contribuer à éclairer efficacement les défis et inspirer les offres de dialogue politique. Quoique, ce soit un régime d’exception, la communication est fondamentale surtout dans un contexte des réseaux sociaux et ses diverses manipulations ainsi que d’insécurité encore liée au phénomène du terrorisme, de la migration massive, tout comme de leurs conséquences. Une communication plurielle assumée passe pour être une nécessité absolue pour contenir les multiples facettes des enjeux sociopolitiques d’un nouveau monde multipolaire face à nous.
L’association de la Maison de la presse du Niger s’est engagée dès les premiers moments de l’évènement du 26 Juillet à attirer l’attention des journalistes et des autres acteurs des acteurs des médias sur leur responsabilité dans le processus démocratique. La prudence, l’exigence et la vérification doivent être la boussole des journalistes, en cette période de fortes manipulations et d’effervescence publique des forces politiques.
Aussi, l’observatoire nigérien indépendant pour l’éthique et la déontologie (ONIMED) a rappelé aux journalistes et aux médias le respect d’éthique et de la déontologie pour permettre de continuer à exercer dans le contexte particulièrement difficile que celui du Niger aujourd’hui.
Daouda Adamou, le vice-président de l’ONIMED a surtout attiré l’attention des journalistes sur « l’abondance des informations allant dans tous les sens, sans distinction du vrai ou du faux, alors même que ce sont les forces de défense et de sécurité qui dirigent. C’est un contexte de manipulation massive des données dites informatives, qui appellent à la prudence et au sens de responsabilité des journalistes ».
MOUSSA NAGANOU