C’est fait ! Vous l’avez exigé et vous l’avez, telle pourrait être traduite la réaction ce vendredi 30 Juin 2023 des quinze membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, en réponse à la demande de retrait sans délai de la Minusma par la junte militaire malienne. La souveraineté du Mali a donc été prise en compte par le Conseil de sécurité des nations unies dans l’affaire de la Minusma qui l’oppose à l’État du Mali.
Les quinze membres du Conseil de sécurité réunis pour trouver des compromis avec l’État du Mali, suite à la demande de départ par les autorités militaires de la Minusma ont préféré voter tous à l’unanimité en faveur de la demande du pays hôte. Pour rappel, le Mali par la voix de son ministre des affaires étrangères le 16 Juin dernier, Aboulaye Diop, prenant tout le monde à court avait exigé le « retrait sans délai » de la force onusienne du pays tout en mettant en avant l’échec cuisant de cette force dont la mission depuis 2013 était la sécurisation du Mali.
Le consentement du pays hôte érigé en principe sacro-saint pour le déploiement et le maintien d’une force de maintien de la paix dans tout pays a fini par l’emporter sur tout autre argument. Si ces consultations entre les grandes puissances de ce monde ont été nécessaires pour trancher sur cette question de retrait de la Minusma, c’est aussi le manque de délai accordé à la Minusma par la junte militaire malienne pour quitter son territoire qui pose problème.
«Déplacer des milliers de Casques bleus et leurs équipements, leurs installations, le personnel de soutien prend du temps », tels sont les avertissements apportés par Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU, en demandant aux autorités maliennes de fixer un « calendrier raisonnable ». D’autres pays comme les Etats-Unis d’Amérique bien que regrettant cette décision du Mali, exhortent les militaires à plus de sagesse et de bon sens, en acceptant le « retrait ordonné et responsable ».
La Minusma a commencé sa mission au Mali en 2013 avec un déploiement de 12. 000 soldats et un budget annuel de 1,26 milliards de dollars. Pour les autorités maliennes, ces interventions au Mali sont jugées insatisfaisantes dans la lutte contre le terrorisme, voire suspectes d’autant plus que les colonels putschistes la suspectent d’être d’intelligence avec l’ennemi notamment les groupes rebelles de Kidal.
L’avènement d’Assimi Goita au pouvoir en 2022 a sérieusement porté un coup dur à la coopération militaire avec la France, aboutissant à une départ total de sa présence et ce en faveur des mercenaires russes du groupe Wagner qui aux côtés de l’armée malienne ont la lourde tâche de reconquérir les régions tombées dans le giron des terroristes, des rebelles et des bandits de tout acabit. Mais force est de constater que malgré le déploiement de stratégies présumées plus performantes pour lutter contre le terrorisme, le Mali demeure encore sous « occupation djihadistes » au Centre du pays, au Nord sans parler de Kidal dont le récent rejet du scrutin référendaire et la non reconduction d’un ministre issu des groupes rebelles a démontré sa ferme volonté d’autonomie voire d’indépendance vis à vis de Bamako.
Les colonels ne règnent qu’au Sud du pays abandonnant aux terroristes les autres parties du territoire, malgré le soutien de Wagner. Dans ce contexte, parler de souveraineté frise le ridicule et visiblement le ridicule ne tue pas au pays de Soundiata Keita dont les fiers héritiers malgré leur âme de guerriers ont fini par abandonner 60 %du territoire aux plus puissants ennemis qui y règnent sans partage désormais en maître.
La faible participation des populations, voire l’absence de participation au Centre et au Nord du pays au scrutin référendaire (39%) révèle de façon flagrante l’impuissance des autorités maliennes à contrôler le territoire, bien que cet objectif était dès leur accession au pouvoir au fronton de leurs priorités.
L’absence de la MINUSMA offrira malheureusement un véritable boulevard à l’épanouissement des terroristes et autres bandits qui ne trouveront certainement pas sur leur chemin une quelconque résistance. Sans coopération avec l’extérieur autre que Wagner, l’isolement du Mali sera fort prononcé et sa vulnérabilité au terrorisme plus accentuée.
Les quinze (15) membres du conseil de sécurité sont certainement conscients de ce danger que courent désormais les populations maliennes, mais face à la très célèbre rhétorique de la souveraineté nationale, devenue le leitmotiv de la junte militaire, seule l’expérience du terrain par l’isolement permettra à Assimi Goita et ses camarades de revoir leur position. Pour l’heure, le concept creux de souveraineté nationale a malheureusement eu raison du devoir d’ingérence de la communauté internationale qui pour une question de morale ne devrait pas abandonner les populations aux autorités maliennes incapables de les protéger.
Les autorités de Kati vivent donc un double isolement, à l’intérieur par la partition du pays en trois Mali (le Sud, le centre et le Nord) et maintenant à l’extérieur par la communauté internationale qui par ce vote historique des quinze membres, l’abandonne à son propre sort.
ABOUBACAR SOUMAÏLA