Les appels à la libération immédiate et sans condition de deux journalistes nigériens Ousmane Toudou et Soumana Idrissa Maiga interpellés dans l’exercice de leur noble métier d’informer, par des organisations comme l’observatoire nigérien indépendant pour l’éthique et la déontologie (ONIMED), du collectif CAP-Niger Médias, de Reporters sans frontières et de la section Transparency internationale du Niger n’ont pas été entendus et leurs inquiétudes non plus, du moins pour l’instant. D’autant plus que le cas du directeur de publication du journal L’Enquêteur Soumana Idrissa Maiga s’est même aggravé ce Lundi 29 Avril 2024 avec sa mise en dépôt à la maison d’arrêt de Niamey pour « atteinte à la défense nationale » en attendant son jugement au fond et quant à Ousmane Toudou, son cas reste encore ambiguë.
Dans un contexte de haute manipulation de l’information, le travail des journalistes professionnels est indispensable, sinon vital aussi bien pour les citoyens qui ont le droit d’être bien éclairés et les dirigeants, qui ont besoin aussi d’être compris pour appliquer leurs politiques publiques. La situation sécuritaire qui prévaut déjà au Sahel nécessite une mobilisation conséquente des journalistes pour améliorer leurs rapports avec les dirigeants politiques ou militaires de l’AES et une mutualisation de leurs outils de travail pour relever le défi de mieux informer plus de 70 millions de citoyens que représente l’espace de l’alliance des États du Sahel (AES) et pour mesurer à la fois, la volonté politique proclamée des dirigeants de l’AES à bâtir un nouvel espace géopolitique et économique viable traduisant leur ambition et la promesse de respecter la liberté de presse.
Des journalistes, les premières victimes de la manipulation d’un cocktail d’événements sensibles et explosifs !
Deux journalistes nigériens ont été certainement les premières victimes de quelques éléments explosifs très bien justifiés par un cocktail d’événements ayant vite enflammé l’actualité politique nigérienne et dégradé en même temps la situation de la liberté de la presse au Niger. Et ce, après le débat sur l’expulsion fin Décembre des 1500 soldats français du Niger (1), le nouveau débat encore explosif nourri et marqué par la dénonciation de l’accord militaire avec les États-Unis d’Amérique (2), le changement de ton des dirigeants du front patriotique pour la souveraineté (FPS), une structure de la société civile se réclamant le statut d’indispensable et à même de donner des injonctions au conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l’organe dirigeant des militaires au pouvoir à Niamey depuis le 26 Juillet 2023 (4), le débat sur la procédure de levée d’immunité présidentielle du président renversé Mohamed Bazoum devant la cour d’État [et l’affaire mise en délibéré pour le 10 Mai prochain ] (5), l’acquisition d’une importante quantité du matériel militaire très sophistiqué et de celui de la défense aérienne en provenance de la Russie l6), ainsi que l’arrivée à Niamey des instructeurs militaires Russes sous la haute instruction du président Vladimir Poutine (7) et enfin, l’effet de la grande campagne communicationnelle sur la situation du président déchu Mohamed Bazoum (8) sont autant d’éléments d’un cocktail d’événements sensibles voire explosifs sur la scène politique nigérienne dans un contexte aussi d’insécurité ayant largement contribué à la crispation de l’atmosphère sociopolitique, depuis la fin du Ramadan qui a signé également la rupture, aussi bien du jeun de méditation et de purification des fidèles musulmans que la trêve de la guéguerre politique entre les forces opposées au Niger sur l’arène politique très bouillante mais silencieusement.
Une situation préoccupante de deux journalistes interpellés et des interrogations !
Au Niger, c’est la situation ambiguïté de deux journalistes interpellés à Niamey qui préoccupe l’opinion nationale et suscite de grandes interrogations et des inquiétudes chez beaucoup de citoyens et d’observateurs de la politique. D’autant plus que le rôle joué par la presse dans l’informatique, la formation et l’émergence de l’esprit du citoyen modèle nigérien a été capital depuis l’avènement de la démocratie au Niger.
Des journalistes victimes collatérales ?
C’est dans ce contexte du cocktail d’événements explosifs ayant fortement dégradé la vie politique cité ci-dessus qu’Ousmane Toudou et Soumana Idrissa Maiga, tous deux, des journalistes bien expérimentés de la scène politique nigérienne ont été interpellés dans l’exercice de leur métier. Mais l’inquiétude du monde de la presse nigérienne et des défenseurs des droits de l’homme réside dans les circonstances de leur interpellation, surtout que ces deux journalistes ont déjà été privés de leur liberté de mouvement, contrairement aux dispositions de l’ordonnance N°035 du 4 Juin 2010, la loi sur la liberté de la presse au Niger.
Si pour Ousmane Toudou interpellé et gardé à la gendarmerie nationale depuis une semaine sans que les motifs ne soient encore connus des confrères, quant à Soumana Idrissa Maiga, des témoignages proches de la presse font état d’une affaire « d’atteinte à la sûreté de l’Etat par voie de presse » sur la base d’un article évoquant l’idée d’espionnage, citant un article du Figaro, un média français. Un grave chef d’accusation tiré de la loi antiterroriste du Niger mais encore jamais appliqué à un journaliste nigérien.
L’autre raison de l’inquiétude de la presse nigérienne réside également dans le fait qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître, jamais la presse nigérienne n’a été assez inquiétée dans l’exercice de sa mission, à la suite d’un coup d’Etat militaire. Et d’ailleurs, pour être honnête, la presse nigérienne avait réussi à obtenir la plupart de ses acquis de liberté de ton et de commentaire curieusement au cours des régimes militaires, malgré quelques conflits souvent d’intérêts qui se terminent dans la médiation. Ainsi, même l’ordonnance N°035-2010 du 4 Juin 2010 dite de la « déprisonnalisation » des journalistes pour cause de délit par voie de presse a été signée des mains d’un président militaire, le Général Salou Djibo, pour ne pas le nommer.
Certes le Niger, un régime d’exception dans une période d’exception depuis le 26 Juillet 2023 !
La situation sécuritaire même qui a déjà justifié le coup d’Etat militaire du 26 Juillet 2023 reste toujours une préoccupation majeure et le cas de deux confrères journalistes aujourd’hui interpellés n’en demeure pas moins une autre. En pareilles circonstances, l’idéal serait de « fédérer » sinon de « confédérer » les forces politiques à l’image de la confédération de l’alliance des États du Sahel déjà scellée entre les dirigeants du Sahel Central et qui n’appelle aujourd’hui qu’à vite mutualiser les expériences plutôt qu’à les gaspiller dans des conflits nuisibles à la société Africaine.
Ainsi, dans les deux cas, la situation de nos deux confrères demeure inquiétante et le cadre d’action pour la presse (CAP Média Niger), un collectif des journalistes se dit préoccupé et demande au conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) leur libération immédiate et sans condition. Un collectif encore en gestation et dont l’avènement remonte seulement au lendemain du coup d’État du 26 Juillet 2023, dans une volonté clairement exprimée d’évincer et de supplanter la Maison de la presse du Niger, le plus important cadre de défense de la presse nigérienne regroupant la plupart des organisations socioprofessionnelles des médias.
Ainsi les journalistes, les autres défenseurs des droits de l’homme et les observateurs de la scène politique nigérienne en appellent tout simplement au respect des dispositions pertinentes des dispositions la loi sur la liberté de presse au Niger, ainsi que la procédure relevant d’une telle législation pour éviter de compliquer outre mesure la situation déjà difficile de deux confrères. L’on espère qu’un juge va les entendre aujourd’hui lundi 29 Avril pour clarifier leur situation juridique.
MOUSSA NAGANOU