Que se passe-t-il dans le monde journalistique en Afrique ? La question mérite d’être posée après les évènements malheureux qui ont frappé la famille de la presse en Afrique, ces derniers mois. Pourtant, on avait nourri un réel espoir de voir les sombres pages de la presse africaine définitivement tournées, grâce à l’avènement de la démocratie autour des années 1990.
En effet, Ce vent de la démocratie avait dans plusieurs pays balayé toutes les idées rétrogrades, voire liberticides qui étaient le propre des régimes dictatoriaux, réfractaires à la libre expression des citoyens et par conséquent des journalistes indépendants soucieux d’exercer librement leur métier.
Le chef, jadis déifié étouffait dans l’œuf toute velléité de contestation, en accordant uniquement la place à la pensée unique, une incarnation de la voix officielle du régime telle une vérité d’évangile. Heureusement, que les luttes incessantes menées dans divers pays en proie aux dictatures ont fini par porter leurs fruits, en améliorant ainsi le sort de nombreux journalistes, en réhabilitant la profession qui gagnait du coup ses lettres de noblesse.
Loin d’être désormais perçus comme les « super-citoyens » de la République, les journalistes ont réintégré dans l’inconscient collectif la place de choix qui leur revient surtout celui d’informateurs et d’éducateurs des citoyens indispensables au développement des pays.
Ce fut dans divers pays africains la manifestation du printemps des journalistes qui commençaient à exercer leur métier, à l’abri de toute menace conformément à l’éthique et à la déontologie, les gages de tout véritable professionnalisme. Si après les décennies qui ont marqué cette espèce de révolution de regard des gouvernants vis à vis des journalistes, on a relevé une progression du traitement réservé à ces derniers. Force est de constater qu’on assiste aujourd’hui à la résurgence des comportements dignes d’un âge révolu, qui plombent et attristent désormais la famille de la presse.
Un véritable recul en Afrique et une grave source d’inquiétudes croissantes au cœur des pays dits démocratiques. On garde encore vivace la cruauté qui a frappé la presse africaine et celle particulièrement du Cameroun. C’est ce qu’il est convenu d’appeler la « triste affaire Martinez Zogo », l’histoire présente, d’un crime qui a touché et ému toute la famille de la presse, tant au plan africain qu’international.
Martinez Zogo, un journaliste d’investigation camerounais, qui enquêtait sur les affaires de corruption dans ce pays fort taxé de la chose avait été retrouvé mort et son corps horriblement mutilé, le 22 janvier dernier.
On a assisté au pays de Paul Biya à un film d’horreur digne de véritables criminels sans était d’âme. Le Cameroun vient de faire plonger la presse africaine dans les profondeurs des abîmes de l’obscurantisme jamais égalé sur le continent africain, surtout après les avancées positives remarquables de la lutte pour la liberté de presse.
C’est face à cette profonde rechute de certains pays vis à vis de la profession des journalistes, qu’on est aujourd’hui en droit de craindre pour le sort aussi du journaliste d’investigation togolais Ferdinand Ayité, lui aussi disparu depuis le 5 Mars 2023, selon son directeur de la rédaction
« Après avoir reçu une convocation du service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) pour comparaître le dimanche 5 Mars 2023 à 15 h, Ferdinand AYITE reste introuvable après s’être sorti de la maison pour des courses aux environs de 9 h».
L’inquiétude vient s’abattre sur la presse togolaise, déjà en proie à un véritable climat d’insécurité, voire de terreur savamment construite par les « demi-dieux » logés confortablement à la haute enseigne du pouvoir, régnant de mains de fer depuis l’avènement des « Eyadema » au sommet de la fameuse « République démocratique » du Togo.
Face à la montée en puissance de ces pratiques barbares, qui dévoilent l’impuissance de certains leaders africains à résoudre le problème de la paupérisation croissante des masses paysannes, s’attaquent aux journalistes. Il est urgent que le monde de la presse s’élève en unité d’actions contre les supplices de tels dirigeants dignes d’un «État voyou».
Pour ce faire, un véritable lobbying doit être organisé auprès des institutions capables de défendre la cause des journalistes, sinon ce mutisme coupable profitera certainement aux criminels déjà tapis dans l’ombre des pouvoirs obscurs ayant gardé des réflexes moyenâgeux et surtout réfractaires à toute critique ennoblissant plutôt leurs fonctions.
ABOUBACAR SOUMAÏLA