Au Togo, l’on commémore la 60è année de l’assassinat du Chef d’État Sylvanus Olympio, abattu le 13 janvier 1963 par un commando alors qu’il avait trouvé refuge à l’ambassade des États-Unis d’Amérique.
Sylvanus Olympio était la figure centrale de la lutte pour l’indépendance du Togo. Il a occupé plusieurs postes ministériels, jusqu’au poste de Premier ministre avant de devenir président, lorsque l’indépendance du Togo a été proclamée, le 27 Avril 1960.
C’est en Avril 1961 que son pouvoir est confirmé par un référendum constitutionnel, suivi d’élections générales remportées par son parti, sans la présence d’une opposition. Sylvanus Olympio prend ses distances avec la France dès les premières heures de sa prise du pouvoir et envisagera d’établir des partenariats avec le monde anglo-saxon.
L’une de ses ambitions qui l’éloignait de la France, c’était notamment celle qui a consisté à adopter une monnaie nationale, en rompant ainsi avec la zone franc. Cette visée du président togolais suscita immédiatement l’inquiétude de la France.
Cet élan pourtant jugé patriotique par ses compatriotes fut brusquement brisé lorsque le 12 Janvier 1963 ; lorsque des soldats démobilisés de la guerre d’Algérie entrèrent chez le président avec l’intention de l’arrêter. Officiellement, ces derniers reprochaient à Olympio de leur avoir refusé l’intégration à l’armée togolaise.
Le président se réfugia à l’ambassade américaine. Mais il est malheureusement repéré par les militaires, qui l’abattent le lendemain matin, tel un vulgaire bandit.
Nicolas Grunitzy, alors opposant à Olympio en exil, fait sa valise pour revenir aussitôt au bercail et accède directement à la présidence. Certainement qu’il a été parachuté par la France.
Soixante ans après cet assassinat, sa famille et ses proches n’ont pas encore fait son deuil et exigent des investigations afin d’élucider les véritables circonstances de sa mort, afin de provoquer enfin la manifestation de la vérité, tant ce leader a marqué l’esprit de nombreux togolais. C’est dans cette optique qu’ils ont organisé une veillée de prière, le jeudi 12 janvier 2023 à Lomé.
On note qu’au plan politique, seul l’Union des forces de changement (l’UFC) était représentée. Elliot Ohin, vice-président du parti, ayant pris part à cet événement, qui vise à « ressusciter » ce passé encore vif, à la fois glorieux et douloureux de l’histoire du Togo.
« Pour cet illustre président qu’était Sylvanus Olympio, il était important pour nous que nous fassions cette veillée », souligne-t-il. « Il est mort en 1963. Il faut donc expliquer aux jeunes, qui n’ont pas connu cette époque, ce qu’il était et ce qu’il représentait pour le Togo. C’est l’homme qui s’est battu pour le développement du Togo. Et cette veillée est importante justement pour parler de tout cela, pour parler de la vie de cet homme-là ».
Mais soixante ans après, cet assassinat a scellé la rupture de nombreux togolais d’avec la France. Certaines voix commencent s’élèvent et envisagent même la possibilité de faire le deuil de ce passé douloureux qui a plombé les relations franco-togolaises.
On envisage notamment la possibilité de rapatriement de la dépouille du « héros » afin de lui accorder des funérailles dignes de son rang au pays d’Eyadema. Ce serait l’occasion de faire définitivement le deuil.
C’est dans cette lancée que le vendredi passé l’archevêque de Lomé devrait célébrer une messe d’hommage suite au dépôt d’une gerbe de fleurs par les partisans de Sylvanus Olympio sur sa tombe, au Bénin voisin.
Dans un contexte marqué par l’exacerbation du sentiment anti-français dans les anciennes colonies renforcé par des campagnes pro-russes, cette occasion de célébration devrait servir de tremplin à la métropole pour une réconciliation avec les togolais en prenant une part active à ce deuil. La Belgique l’a compris lorsqu’en juin 2022, elle a procédé à la restitution de la dent de Patrice Emery Lumumba « père de l’indépendance » congolaise, 61 ans après son assassinat.
Ce fut un grand pas dans le processus de réconciliation avec le peuple congolais à qui la Belgique permet de faire le deuil de ce passé colonial, tout aussi douloureux. Panser les « plaies coloniales » devra être au fronton de toute campagne de reconquête des cœurs des citoyens des pays africains jadis colonisés par la France.
ABOUBACAR SOUMAÏLA