Au Tchad, la fracture entre le Nord et le Sud du pays s’accentue, suite aux événements tragiques qui ont endeuillé des familles au Sud ces derniers jours, une zone désormais considérée pour beaucoup de sudistes comme étant marginalisée par le pouvoir de N’djamena. Cet « éloignement » des fils de la nation tchadienne tire ses racines de l’histoire de ce pays. Tout a commencé juste après le coup d’État en Avril 1975 contre François Tombalbaye, originaire du Sud du pays. Depuis lors le Tchad est resté marqué par la division profonde du pays entre les fils et filles du Nord et du Sud.
Le Sud du pays est constitué d’une mosaïque de groupes ethniques dont fait partie les Sara, le groupe le plus nombreux auquel appartenait le premier président du Tchad, François Tombalbaye et aujourd’hui le jeune opposant Sucess Nasra, mais il faut citer également les Moundang, et même les Arabes et les Rounga du Salamat. L’émergence au pouvoir des militaires originaires du Nord après l’élimination de Tombalbaye, est marquée par l’alliance au pouvoir entre des militaires du Nord et quelques cadres issus du Sud du pays afin d’asseoir un équilibre ethno-régionaliste dans le partage des responsabilités du pays. Mais ce partage du « gâteau » tchadien s’est fait généralement au détriment des populations du Sud qui ont crié au « rattrapage ethnique » surtout sous le règne de Idiss Itno Deby. Les manifestations étaient violemment réprimées et le pouvoir était concentré entre les mains du clan Deby, réduisant ainsi à néant toute velléité de contestation.
Après la mort du Maréchal Idiss Itno Deby, l’avènement d’une nouvelle ère espérée par l’opposition Tchadienne dont la plus farouche des composantes repose essentiellement sur les leaders et militants originaires du Sud a refait surface de plus belle. Le jeune opposant Succès Nasra en est une illustration parfaite, étant issu de cette région du pays dont les populations sont restées à l’écart du pouvoir central de Ndjamena depuis la disparition tragique de leur leader François Tombalbaye.
On avait donc cru à la capacité du nouvel homme fort du Tchad, le jeune général Mahamat Idriss Deby à pouvoir ramener la sérénité entre les composantes de la population tchadienne, par des actions dignes de réconciliation nationale. Mais hélas, les récents événements qui ont endeuillé cette région sont un indicateur sérieux qui dévoile la négligence du nouveau pouvoir, désormais sous le général Mahamat Idriss Deby.
En effet, cette région est devenue une véritable poudrière où les éleveurs et les agriculteurs, dans une guerre fratricide ont provoqué des morts, semant la désolation de nombreux villageois. En outre, on note aussi l’incursion des bandes armées qui tuent et pillent les villages. Les leaders de la région de Sud du pays, condamnent l’abandon par les autorités tchadiennes de cette région et crient à juste titre à la marginalisation.
Ainsi, une attaque d’un village par des hommes armés dans le sud du Tchad, près de la frontière avec la Centrafrique, a provoqué la mort de 17 personnes encore, ce lundi 8 Mai 2023. Ce qui est qualifié par certains observateurs de « tuerie de masse » est le fait des « individus armés non identifiés » qui ont attaqué le village de Don, situé dans la province du Logone-Oriental, frontalière de la Centrafrique, à environ 500 kilomètres au Sud de N’Djamena, selon Nerambaye Ndoubamian, procureur de la République à Goré.
Ces événements sont à prendre au sérieux par les autorités de la transition tchadienne qui devront vite trouver les moyens d’éteindre ce feu couvant, toute négligence pourrait conduire à l’embrasement de la région et il faut craindre l’effet contagion dont les exemples sont légion aujourd’hui à travers l’histoire politique des pays. Les généraux tchadiens doivent sortir de leur tour d’ivoire pour prendre leur responsabilité de défenseurs de l’intégrité territoriale du Tchad, au risque d’exacerber la division déjà profonde entre les composantes ethno-régionalistes du pays de Mahamat Idriss Déby.
ABOUBACAR SOUMAÏLA