La date du référendum constitutionnel est désormais fixée pour le 19 Novembre 2023, le Tchad fait un pas en avant vers l’organisation des élections générales, après la polémique qui a fait suite aux assises nationales dont les conclusions continuent de diviser la classe politique. Le dialogue national au Tchad s’était achevé sur l’adoption de la prolongation de la transition de deux ans.
C’est surtout la possibilité offerte aux membres de la junte militaire au pouvoir de se présenter aux futures élections qui a suscité une véritable levée de boucliers dans les rangs de l’opposition tchadienne. L’implication d’une telle décision est désormais connue de tous : Mahamat Idriss Deby pourra se présenter aux élections présidentielles, contrairement au souhait exprimé par une partie de la classe politique qui espérait voir le Tchad rompre d’avec la dynastie Déby établie au sommet du Tchad depuis plusieurs décennies.
Cette décision avait suscité des manifestations violentes fortement réprimées par les autorités tchadiennes par les forces de sécurité qui avaient tiré sur ces manifestants dans plusieurs contrées du pays, le 20 octobre 2022. Le bilan était accablant pour les autorités tchadiennes qui devaient répondre de la mort brutale de 50 personnes et des dizaines de blessés. Un bilan qui culmine la centaine des morts, selon les organisations des droits de l’homme.
Les autorités tchadiennes avaient réussi à étouffer dans l’œuf toute velléité de contestation en durcissant ses positions vis à vis de la société civile et de façon plus large sur la liberté d’expression. C’est dans ce contexte d’apparente accalmie que le processus électoral suit normalement son cours, en témoigne le projet de loi électorale relative à l’organisation du référendum constitutionnel qui a été examiné et adopté le 24 Avril dernier, lors d’un conseil de ministres.
Cette loi donnera les coudées franches à la commission chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (Conorec) de procéder à l’organisation et la supervision de ce scrutin décisif pour le rétablissement de la démocratie au Tchad, un scrutin prévu pour le 19 Novembre 2023. Mais force est de constater, que ce scrutin divise déjà la classe politique tchadienne et suscite des critiques véhémentes de l’opposition en particulier.
Parmi les figures de proue de l’opposition à ce référendum constitutionnel, on retrouve Max Kemkoye du parti « Union des démocrates pour le développement et le progrès » (UDP) et aussi le jeune opposant politique Succès Marsa, tous deux soutenus dans leur action par l’ancien Premier ministre de la transition Albert Pahimi Padacké. Les critiques concernent la proposition d’un projet unique de Constitution qui évoque un Etat unitaire, empêchant toute possibilité aux Tchadiens d’opérer un choix entre l’Etat fédéral ou unitaire.
Les opposants entendent battre campagne en faveur d’un État fédéral en amenant les populations à opter pour un rejet massif de cette constitution en faveur d’un État unitaire, qui selon ses détracteurs a été la boîte de Pandore du peuple Tchadien depuis longtemps. Les propos de Désiré Mbairamadji, président de l’Association des jeunes arc-en-ciel pour la stabilité sociale en Afrique traduisent la détermination de ce camp du refus.
« Les Tchadiens sont conscients de ce travail que nous sommes en train de faire dans nos villages et cantons », explique-t-il. Et d’y ajouter « ce peuple va les sanctionner.
Tous les Tchadiens sont pour la fédération, aucun Tchadien n’aime l’Etat unitaire, parce que l’Etat unitaire a fait du mal, il a rendu les citoyens pauvres, a contribué à la violence et aux crises entre les éleveurs et les agriculteurs. L’Etat unitaire n’a plus sa place. Seule la fédération peut donner la chance aux citoyens de s’organiser ».
Malgré les contestations inéluctables qui vont accompagner ce processus électoral, il faut reconnaître que contrairement aux autres pays sous la férule des militaires comme le Mali, le Burkina Faso ou la Guinée-Conakry, le Tchad amorce de façon inexorable une phase décisive de son retour à un ordre constitutionnel normal, qui est source d’une rupture définitive d’avec la transition militaire. Même si le retour à un pouvoir civil n’est pas forcément un gage de démocratie au pays de François Tombalbaye, lorsque ce sont les clans militaires qui tirent les ficelles du pouvoir et règnent réellement en arrière plan du système politique légitime qui fait souvent figure de pantin.
ABOUBACAR SOUMAÏLA