Les généraux soudanais livrent leurs populations à une véritable barbarie digne d’un État voyou, au cœur d’un conflit partisan, qui du reste n’épargne aucun soudanais quelle que soit son appartenance à une idéologie, voire à un clan ethnique. Les appels à la « cessation immédiate » des violences lancés par les chefs de la diplomatie américaine et britannique, réunis au Japon pour un sommet du G7, le lundi 17 Avril sont tombés dans les oreilles des généraux sourds qui ne comptent pas abandonner les combats pour se maintenir au pouvoir.
On croyait l’Afrique exorcisée définitivement des démons des guerres intestines qui offraient des populations en un spectacle désolant au reste du monde, renforçant à tort ou à raison la thèse pro-raciste d’un continent en marge de la civilisation. C’est malheureusement cette attitude de deux généraux irresponsables qui apportent de l’eau au moulin des détracteurs de l’Afrique qui voient dans de tels agissements une marque de mépris royal de certains de ses dirigeants, vis à vis de leurs populations.
Sinon comment comprendre que malgré l’enchaînement des morts dont plus d’une centaine de milliaires et de paramilitaires et plus de six cent civils blessés au Soudan, l’appel de la communauté internationale à un arrêt des combats n’a pas contraint les deux généraux El Bourhane et El Hametti d’arrêter les hostilités, en continuant de mettre le Soudan dans une situation chaotique.
Les deux généraux hissés désormais au rang de demi-dieux ont le regard uniquement tourné vers la conquête ou la préservation du pouvoir au grand dam des populations désormais tenues prisonnières de ces généraux qui se livrent un combat sans merci, malgré les nombreuses supplications de la ligue arabe voire de la communauté internationale. L’acceptation des deux parties des « couloirs humanitaires » suite à la demande de l’ONU durant trois heures le dimanche après midi n’a pas pu interrompre les explosions des tirs à Khartoum, la capitale soudanaise.
Si des mesures plus draconiennes ne sont pas prises afin de garantir la sécurité des populations par un cessez le feu immédiat, la rivalité entre les généraux plongera à coup sûr le Soudan dans un indescriptible chaos.
Triste sort pour un pays gagné par la malédiction de la division après celle qui a provoqué la division du pays engendrant du coup le Soudan du Sud, fruit d’une guerre fratricide ayant émietté les forces du Soudan jadis porteur d’un grand espoir.
L’emprise de l’armée sur la l’arène politique est loin de connaître son épilogue en Afrique, malgré la séparation dès le départ de la mission qui lui est assignée de protéger les populations, au lieu de se constituer en véritable bourreau du peuple. Les rôles sont désormais inversés dans plusieurs pays africains où le pouvoir politique est tombé dans l’escarcelle des militaires, les défenseurs du peuple sont devenus pires que leurs ennemis qui risquent de les attaquer de l’extérieur.
L’immixtion de l’armée dans la vie politique africaine s’expliquerait en partie par les relations intimes qu’entretiennent les civils et les militaires en coulisses en vue de la conquête du pouvoir. Cette délimitation paraîtra toujours théorique, tant que la séparation restera floue. D’où les propos de LUCKHAM R, dans « Militarization in Africa » lorsqu’il affirme que « la distinction entre gouvernements civils et militaires apparaît de plus en plus superficielle » parce que, « en dernière analyse, le pouvoir dans la plupart des États africains (à la fois sous gouvernement civil et militaire) est distribué et détenu sous le contrôle des appareils de sécurité et des forces armées organisées de l’État ».
La maturité des Etats est étroitement liée à leur capacité à régler les crises, les différends par l’entremise des institutions et instruments mis à leur disposition sans avoir recours à une quelconque irruption prétorienne de l’armée. Mais c’est surtout les sanctions qui souvent ne suivent pas et laissent les criminels courir librement à travers le monde tout en renforçant l’idée d’impunité.
Cette fois-ci, saisir l’occasion de rendre justice aux victimes demeure un devoir pour toute la communauté internationale qui assiste impuissante à cette guerre insensée, dénuée de toute logique entre deux généraux devenus les pantins d’une rivalité entre les intérêts étrangers. Le général El Burhane, tout comme son homologue le général Elmetti n’échapperont jamais au tribunal des hommes, à cause des telles ignominies, même s’ils sont attendus également par le tribunal de l’Histoire, ainsi que celui de leur propre conscience.
ABOUBACAR SOUMAÏLA