Le sommet de l’amélioration de la souveraineté alimentaire de l’Afrique a débuté mercredi dans le village ultramoderne voire futuriste de Diamniadio, au Sénégal. Ce sommet qui affiche un thème pour le moins prétentieux voire redondant en Afrique intitulé « Nourrir l’Afrique, souveraineté alimentaire et résilience » rappelle encore les politiques d’autosuffisance alimentaires des années 1970, après la redoutable sécheresse ayant frappé le continent et décimé son cheptel.
Même organisé par la Banque africaine de développement (BAD), sous la présidence du Sénégal, les Chefs d’État, les gouvernements, les partenaires au développement et du secteur privé ne sont pas à l’abri des critiques. En cause, les échanges de trois jours sont très loin d’inspirer et d’aboutir à une stratégie permettant d’optimiser le potentiel agricole et à même de réaliser miraculeusement l’autosuffisance alimentaire du continent.
Ils seront certes accompagnés dans leur analyse, par des scientifiques de renommée internationale. Ces échanges devront aboutir à l’élaboration de stratégies encore à conserver comme des décors institutionnels et se limiter à appeler à leur « juste implémentation », au nom de la synergie des acteurs en présence.
Mais la question d’autosuffisance alimentaire a toujours marqué la politique publique des africains, depuis les années 1960, juste après l’accession de la plupart des pays à l’indépendance. L’autosuffisance alimentaire, est une politique alléchante, bien au cœur du combat politique des dirigeants du continent, dont les fruits peinent toujours à se matérialiser.
Cette démarche a constitué un objectif gouvernemental couramment adopté par de nombreux pays. Les pays africains ont fait appel aux stratégies visant à couvrir les besoins alimentaires des populations pour toujours. Mais en vain !
En 1962 déjà, l’agronome français René Dumont jetait un pavé dans la marre par la publication de son livre best-seller, au titre très prémonitoire sur le sort de l’Afrique, en ces termes« l’Afrique noire est mal partie ». Pour beaucoup d’acteurs du continent africain de l’époque, l’agronome français tournait en dérision les stratégies africaines de développement et leur lançait un défi, voire une insulte.
Malheureusement, les acteurs du continent africain n’ont pas été jusque-là capables de relever ce défi. Même si l’analyse de l’agronome français était centrée sur l’Afrique de l’Ouest, au lendemain des indépendances des anciennes colonies, qui espéraient bâtir un avenir radieux, son argumentaire reste valable pour tout le continent.
D’autant que les incohérences liées aux stratégies des politiques agricoles des pays du continent ont amené l’auteur à s’inquiéter de l’avenir de l’Afrique, surtout quant à sa capacité à résoudre le problème de l’autosuffisance alimentaire. Plus de cinq décennies après, l’histoire a donné raison finalement à René Dumont.
Et les africains continuent toujours de tendre la main aux autres peuples pour demander de quoi se nourrir, l’un des besoins basiques, qui aurait dû être réglé par les multiples leaders ambitieux, qui se sont succédés à la tête des pays africains.
Aujourd’hui encore, Macky Sall, le président du Sénégal et de l’Union africaine résume ce grand paradoxe en ces termes «l’Afrique doit apprendre à se nourrir et à contribuer à nourrir le monde. Nous avons le potentiel, nous avons 1,4 milliards d’habitants, établis sur plus de 30 millions de km² avec plus de 60% des terres arables non exploitées de la planète. Pour transformer notre potentiel en réalité, nous devons allouer au moins 10% du budget national au secteur agricole ».
On ne peut nier les effets dévastateurs de la crise russo-ukrainienne sur l’autosuffisance alimentaire des Africains, mais il faut reconnaître que ce phénomène est d’ordre conjoncturel.
La crise a rencontré un terrain déjà délabré, favorable et incapable d’amortir les conséquences néfastes des multiples flambées des prix des denrées alimentaires. Il faut beaucoup de courage aux africains pour reconnaître que les efforts nécessaires n’ont pas été déployés pour atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un continent, qui de part ses ressources pourrait être le grenier du monde.
ABOUBACAR SOUMAÏLA