La démocratie en Afrique nous livre ses secrets depuis maintenant plus de trois décennies qu’elle tente difficilement de s’installer sur un terrain visiblement réfractaire, au regard des multiples résistances qui jalonnent son chemin. L’avènement de cette forme de gouvernance orientée vers l’épanouissement des peuples visait à son origine l’éradication de pratiques portées sur la confiscation du pouvoir par un clan ou plus précisément par un leader, hissé au rang de potentat voire de demi-dieu dont les desiderata se substituent à la volonté sacrée du peuple appelé à tracer lui même son propre destin.
Pour ce faire, le système démocratique met l’accent sur la limitation des mandats, élément clé visant à faire barrière à l’obsession de certains dirigeants qui voudront s’installer définitivement au pouvoir, en ramenant le peuple à l’ancien régime du parti unique qu’ils avaient eux mêmes décrié, dénoncé, contesté et rejeté au cours de leur combat pour l’avènement de la démocratie dont le corollaire inévitable est l’alternance politique. C’est malheureusement, la tendance au tripatouillage des constitutions dans de nombreux pays qui prévaut, en vue de pérenniser un système incarné par un chef qui est du coup devenu irremplaçable qui aujourd’hui gagne du terrain même chez les intellectuels qui jadis se présentaient devant ce peuple comme des sauveurs de la démocratie.
L’appétit du pouvoir au fil du temps a eu vraisemblablement raison du principe sacro-saint de l’alternance politique, source essentielle de vitalité de toute démocratie. C’est ainsi qu’au pays de la Teranga, la position du camp du président Macky Sall se précise de plus en plus par le soutien au 3è mandat.
On commence dans le camp présidentiel à dépasser le flou artistique entretenu jusque-là autour de la question du 3è mandat, d’autant plus que le président Macky Sall, estime que la question juridique a été réglée, entendons par là qu’il détient déjà le quitus juridique en faveur de ce projet qui divise les sénégalais. L’argument est connu de tous, et la stratégie demeure la même et s’inspire de l’école du président Alassane Ouattara dont le 3è mandat se justifiait par l’avènement d’une nouvelle constitution, donc de la possibilité de se représenter une première fois.
Les partisans du président Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, assenaient à leurs adversaires une argumentation axée sur la constitution d’une nouvelle République, qui remettait le compteur à zéro, exactement comme ce qui est en cours au Sénégal actuellement.
Le président Macky Sall n’a donc pas besoin de recherches savantes pour apporter un cachet de légalité à son entreprise d’accaparement du pouvoir. Il n’a qu’à suivre l’ingénierie politico-juridique déjà déployée avec succès en Côte d’Ivoire par le pouvoir de Ouattara afin de briguer un 3è mandat en toute légalité mais dont l’opportunité est mise en cause jusqu’à la légitimité.
Les adversaires du président Macky Sall qui s’organisent contre cette aventure politique jugée périlleuse pour la démocratie sénégalaise invoquent le principe d’éthique politique et comptent faire barrage farouchement à Macky Sall, malgré les méthodes de confiscation de liberté publique déjà mises en branle par les autorités sénégalaises.
Selon l’opposition sénégalaise, l’obsession du pouvoir à vouloir condamner le jeune opposant Ousmane Sonko participe savamment à la stratégie du 3è mandat de Macky Sall. Mais le Sénégal n’est pas la Côte d’Ivoire, les réalités sociopolitiques des deux pays divergent sur plusieurs plans.
Aussi, le président Ouattara, n’avait pas en face de lui contrairement à Macky Sall une opposition bien organisée, unie au sein d’une coalition comme cela se précise aujourd’hui au Sénégal. Par ailleurs, au Sénégal, le peuple garde toujours en mémoire la tentative d’accaparement du pouvoir par l’ancien président Abdoulaye Wade qui a abouti à un échec cuisant, un précédent politique source véritable de motivation et de mobilisation générale du peuple contre l’installation d’une éventuelle dictature.
Ironie de l’histoire, le président Macky Sall était à cette époque à l’avant garde de cette lutte qui l’a propulsé au pouvoir, au nom de la défense de l’alternance politique au Sénégal. Visiblement, nos dirigeants tombent dans une amnésie politique qui les plonge dans la majorité des cas dans les poubelles de l’histoire.
Où se trouve aujourd’hui, le professeur Alpha Condé qui avait eu maille à partir avec son ami du Niger, le président Issoufou Mamadou lorsque ce dernier le déconseillait formellement de ne pas briguer un 3è mandat ? Il vit aujourd’hui une véritable errance politique, traqué de toute part par la justice de son pays, la Guinée Conakry.
Une nouvelle page de l’histoire du Sénégal va bientôt s’écrire par les acteurs politiques du pays de la Terranga qui détiennent une fois encore le destin de leur pays entre leurs mains. Mais c’est surtout, l’avenir politique du président Macky Sall qui est désormais en jeu puisque la tentation à succomber aux sirènes du 3è mandat se précise aujourd’hui en faveur d’un « Tazartché » à la sénégalaise.
La démocratie en Afrique semble évoluer en dents de scie, du fait du faible attachement de ses dirigeants aux principes de base qui soutiennent de tout temps cette idéologie. Malheureusement, ceux qui tiennent les rênes de l’État sont demeurés dans les tricheries, les tripatouillage et autres travers, au lieu d’insuffler un élan de progrès à la jeune démocratie au grand dam d’un peuple instrumentalisé comme des jouets, à l’image du titre du roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, « En attendant le vote des bêtes sauvages ».
ABOUBACAR SOUMAÏLA