Les propos du président Mohamed Bazoum continuent de susciter la polémique auprès de nombreux analystes et observateurs de la situation sécuritaire au Sahel dont nombreux se sont érigés en spécialistes de la sécurité et conseillers spéciaux en matière de défense et d’intégrité territoriale des pays en butte aux attaques terroristes, depuis maintenant deux décennies.
L’argument premier développé par ces donneurs de leçons consiste à restreindre les propos du président Bazoum à une véritable campagne de « démoralisation des troupes », en lui attribuant cette phrase devenue désormais célèbre « les terroristes sont plus puissants que nos armées » à un aveu de faiblesse, voire à une capitulation face à l’ennemi commun. Et pourtant, la phrase d’origine est foncièrement différente de celle prononcée par Bazoum et révèle la volonté de ses détracteurs à éluder quelques mots en la faisant sortir de son contexte, conformément à la technique la plus usitée par les falsificateurs et manipulateurs des informations qui désormais dirigent les consciences peu averties de ces genres de pratiques pernicieuses.
En se référant à la réponse donnée par le président Mohamed Bazoum au sujet de la pertinence de recrutement des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), la réaction se résume à une interrogation « si les terroristes sont plus forts et plus aguerris que l’armée, comment des civils pourraient-ils leur résister? ». Dès lors, on constate que l’absence du mot « Si » sciemment opérée par les critiques pervertit déjà le sens de la phrase.
Évidemment comme tout propos, on peut l’interpréter selon l’angle choisi, dans ce cas les détracteurs du président toujours aux aguets ont encore préféré le faire sortir de son contexte en éludant délibérément la volonté du président à amener tous les acteurs de la lutte contre le terrorisme à renforcer les capacités des armées nationales, en leur dotant particulièrement d’équipements militaires et de personnel qualifié au moins à la hauteur de ceux de l’ennemi.
C’est donc un regard empreint d’objectivité qui laisse de côté tout sentimentalisme en pointant le doigt sur une des plus grandes faiblesses de la stratégie de lutte contre le terrorisme en l’occurrence l’écart existant entre l’arsenal militaire des terroristes et ceux des armées nationales des pays particulièrement assiégés pas ces bandits que sont aujourd’hui le Mali et le Burkina Faso.
Ces deux pays cités, d’où proviennent l’essentiel des critiques au vitriol contre les propos du président Mohamed Bazoum, n’ont pas pu infirmer ces propos, tant leurs armées sont mises de toute évidence à rudes épreuves par les attaques terroristes malgré l’acquisition de nouveaux équipements dont se targuent leurs dirigeants.
Le deuxième point soulevé ça et là notamment à travers les réseaux sociaux concerne principalement la prétendue ingérence du président Mohamed Bazoum dans les affaires militaires des pays voisins notamment le Burkina Faso dont la question des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) abordée lors de cette interview aurait blessé l’orgueil des hommes du Faso. En premier lieu le concept d’ingérence à l’ère de la mondialisation est tombé dans obsolescence, du fait de l’interdépendance des effets néfastes du terrorisme qui interagissent sur l’environnement sous régional, voire international.
Les États n’évoluent pas en effet, en vase clos et toute défaillance constatée chez le voisin est susceptible d’impacter la quiétude dans les autres pays. C’est ainsi que les attaques terroristes au Golfe de Guinée notamment en Côte d’Ivoire ont provoqué une véritable révolution de regard auprès des citoyens ivoiriens qui pensaient que le terrorisme est une affaire exclusive des pays du Sahel.
C’est donc plutôt un devoir d’ingérence qui s’impose aux dirigeants avertis, d’autant plus que tout ce qui affecte le voisin engendre des effets d’externalités dans d’autres pays, en témoigne l’afflux de réfugiés accueillis aujourd’hui par le Niger, en provenance du Mali, du Burkina Faso, du Soudan, de la Libye etc. Le niveau le plus élevé du devoir d’ingérence et le plus souhaitable c’est la synergie des stratégies, la concertation des dirigeants des États responsables et conscients des enjeux sécuritaires, en vue à défaut de l’élaboration d’une stratégie commune qui intègre les réalités des différents pays, la mutualisation des opérations communes de terrain et non l’option suicidaire de la politique d’isolement.
Pour se faire, il n’est pas trop tard, si les dirigeants de différents pays du Sahel décident de ne plus se regarder en chiens de faïence, en mutualisant leurs forces communes, au lieu de les utiliser au service de diatribes dont les lieutenants sont coutumiers et positionnés dans la « Toile » tirant à boulets rouges sur les pays ayant opté pour une stratégie contraire à la prétendue « émancipation aveugle du peuple » mais encore en quête d’armements à l’étranger.
ABOUBACAR SOUMAÏLA