Les propos du président Mohamed Bazoum lors d’une interview réalisée par jeune Afrique à propos du terrorisme au Sahel ont été considérés comme un « pavé dans la mare » pour beaucoup d’observateurs, tant au Niger qu’à l’étranger. Certains les ont même trouvés déstabilisant pour le moral des troupes engagées depuis au moins une décennie dans la lutte contre l’hydre terroriste dont les différentes ramifications s’étendent aujourd’hui jusqu’au golfe de Guinée.
La sortie médiatique du porte parole du gouvernement burkinabè Jean-Emmanuel Ouédraogo en est une parfaite illustration de l’impact du franc parler du président Mohamed Bazoum sur un sujet aussi sensible que le terrorisme. On accuse donc Mohamed Bazoum de saper le moral des troupes dans cette guerre asymétrique qui ne finit pas de mettre en difficulté toutes les armées des pays du Sahel et surtout celles qui sont aujourd’hui sous la direction des juntes militaires comme au Mali et au Burkina Faso.
Le désarroi est d’autant plus grand que même les armées soutenues par des forces étrangères peinent à éradiquer le mal. Et pourtant, les faits sont têtus et en disent long sur l’efficacité des armées nationales formées à l’origine à la guerre classique et surtout soucieuses des droits humains, même sur le terrain des combats.
Elles font malheureusement face à un ennemi fort singulier déjà « mort dans la tête » et qui possède des armes plus sophistiquées que celles des armées nationales. A ce titre, on se rappelle des débuts sombres des années du terrorisme au Mali plus précisément autour des années 2012, marqués par des spectacles désolant qu’offrait l’armée nationale malienne en pleine débandade, voire fuite devant l’Armada déployée par les terroristes armées jusqu’aux dents. On se rappelle encore des suites de l’intervention de l’opération Serval et de l’accueil triomphal réservé au président François Hollande, jadis considéré comme le messie du « Mali-Ba ».
Un constat s’est imposé à tous, les terroristes sont bien équipés d’armes de dernières générations alors que les soldats des armées nationales transportent encore des armes obsolètes, vieillissantes donc de loin incomparables à la force de feu de l’ennemi. C’est une logique qui s’impose même à ceux qui ont pris pour habitude de tomber dans le déni de réalité, sans pour autant justifier l’échec de la stratégie du tout militaire implémentée sur le terrain à fort cri de discours galvanisant, aux accents populistes.
Certes, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, dit-on, mais si elles peuvent crever l’abcès afin de réviser les stratégies déployées sur le terrain, elles deviennent nécessaires voire salutaires pour l’élaboration d’une stratégie holistique concertée de tous les États-majors des pays concernés par le phénomène terroriste.
On s’agrippe aux propos du président Mohamed Bazoum en leur attribuant des interprétations qui frisent la manipulation comme cela est désormais devenu un sport favori pour ces spécialistes de la diffusion des fausses nouvelles, qui prennent d’assaut les réseaux sociaux en vue de répandre leur venin au sein des populations. Le président Mohamed Bazoum a expliqué lors de cette interview les raisons qui ont amené les autorités nigériennes à ne pas recruter des civils comme supplétifs de l’armée à l’instar du voisin burkinabè dont la stratégie de première heure d’accession au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré fut le recrutement des volontaires pour la défense de la Patrie (VDP).
Il a invoqué surtout le danger de voir des armes portées par ces nouvelles recrues peu expérimentées se retourner contre les populations et de faire de ces dernières les cibles potentielles des terroristes. C’est un choix assumé par le président Mohamed Bazoum qui a livré son opinion sans porter atteinte à la stratégie antiterroriste des autres pays qui jusqu’à présent courent derrière la reconquête de nombreux pans de leurs territoires perdus et devenus des sanctuaires des bandits de tout acabit.
ABOUBACAR SOUMAÏLA