Les putschistes de Niamey ne sont pas des plaisantins, comme peuvent le penser bien des analystes des quatre points cardinaux du monde moderne, qui n’ont pas vu de loin le retour au galop de la seconde phase des coups d’Etat en Afrique cette fois-ci imaginée entre Paris et Moscou comme un business lucratif porteur de bonnes affaires grâce au franc CFA et surtout les analystes de la catégorie de ceux déjà habitués à désigner le militaire comme un simple bidasse, dont sa place est taillée sur mesure ou non, par la volonté des hommes politiques détenant le record des privilèges de décider pour le reste de la société profonde. Au Mali, au Burkina Faso, en Guinée-Conakry ou la tentative avortée en Guinée-Bissau, il y a vraiment eu assez de signes avertisseurs du danger couvant sur l’opportunité offerte aux militaires d’apparaître en maitre du jeu de la vie sociopolitique, sans même évoquer la présence de la main très active des réseaux russes sous la bénédiction du vénérable président Vladimir Poutine.
Ceux qui ne voient pas encore dans le retour des coups d’Etat en Afrique une espèce de volonté des superpuissances économiques et militaires à livrer désormais leurs combats économiques sur le sol africain, en les déplaçant tout doucement de l’Europe pour un ailleurs aux meilleurs profits vont lourdement se tromper d’analyse sur la conduite des affaires du monde moderne et s’étonner que des hommes en armes quittent le terrain antiterroriste pour s’installer au palais comme leurs anciens maîtres. D’autant que les puissances coloniales font et défont les guerres à leur guise et ont fini par comprendre désormais qu’elles peuvent décider du lieu où se dérouleront les guerres modernes, les combats les plus féroces, les plus meurtriers entre elles pour leurs intérêts économiques.
La plupart des officiers ayant fait les écoles de guerre et nantis d’une spécialisation quelconque dans un domaine professionnel pratique comme la diplomatie, la sécurité, la décentralisation, la démocratie, les conflits, les institutions, la gestion des ressources humaines, l’humanitaire, la santé, la psychologie, la criminologie, la cybercriminalité ou encore la communication et qui dirigent les armées savent que la guerre classique est finie ou presque. C’est plutôt dans la guerre d’influence que le terrain s’y prête, encore mieux que sur la réalité des affrontements comme c’est le cas habituellement en Afrique.
Et donc les putschistes de Niamey apparus sur la scène politique, dès les premières lueurs de l’aube du 26 Juillet 2023, loin d’être des plaisantin le savent et ont déjà pris soin d’enterrer la constitution de la 7è République avant de mettre en sa place déjà l’Ordonnance 2023-02 du 28 Juillet 2023, soit deux jours après leur prise effective du pouvoir, celle-ci fait office de Loi fondamentale du pays. Quoiqu’il en soit, après avoir visé la Proclamation du conseil national pour la sauvegarde de la Patrie (CNSP) et la première Ordonnance signée de leurs mains (N°2023-01 du 28 Juillet 2023) portant « suspension de la Constitution du 25 Novembre 2010 et créant aussi de ce coup, l’organe exécutif de la Transition», dont l’acronyme CNSP et sa définition, les militaires nigériens à travers le CNSP ont réaffirmé et surtout acté en noir sur blanc «son attachement aux principes de l’Etat de droit et de la démocratie pluraliste » dans le titre premier.
Ce titre premier qui fait office de préambule digne de celui d’une constitution, le CNSP se dit « conscient de sa responsabilité devant le peuple nigérien, assure la préservation de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Il assure à tous, l’égalité devant la loi, sans distinction de sexe, d’origine sociale, raciale, ethnique ou religieuse ». Le CNSP promet « de garantir en outre, les droits et les libertés de la personne humaine et du citoyen, tels que définis par la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 ».
Le CNSP « garantit la restauration du processus démocratique engagé par le peuple Nigérien. Les droits et les devoirs susvisés s’exercent dans le cadre des lois et règlements en vigueur », avant d’insister sur le fait que « l’Etat du Niger est une République indépendante, souveraine, laïque et sociale ».
En clair, le CNSP ayant pris le pouvoir le 26 Juillet 2023, en mettant fin à la première alternance démocratique, c’est-à-dire de manière « pacifique », à travers des « élections libres et transparentes » dont les contestations, (c’est-à-dire le contentieux électoral) sont vidées par la loi elle-même et non au muscle, au pays de Mohamed Bazoum entend rectifier le système démocratique nigérien. Le CNSP n’entend guère réinventer la roue, encore moins le monde, mais juste revoir au mieux le pacte social convenu au Niger entre les forces politiques depuis plus de trente ans, le corriger, l’adapter et le rapprocher au plus près des réalités nationales.
En 23 articles, la charte de la transition nigérienne faisant office de constitution de la République du Niger reprend les principales institutions de la République en temps normal et leurs différents pouvoirs dévolus à elles pour conduire cette énième Transition. Du gouvernement, c’est-à-dire le pouvoir exécutif piloté par le Chef de l’Etat avec les ministres dont le CNSP est l’instance décisionnelle suprême, au conseil consultatif national (le Parlement de la Transition par excellence, le législateur aux pouvoirs délégués et limités), en passant par le pouvoir judiciaire symbolisé par le conseil constitutionnel pour statuer en matière électorale et du contrôle de légalité.
Le pouvoir judiciaire est complété par la cour d’Etat remplaçant la cour de cassation en matière civile et pénale et de la cour des comptes, en matière des Finances et des disciplines budgétaires. Aussi, l’observatoire national de la Communication ainsi que celui des droits de l’Homme et des libertés Fondamentales ont été repris pour garantir à l’espace public tout le décor institutionnel de l’architecture normale d’une République. Lire ci-jointe en fac-similé, l’ordonnance N°2023-02 du 28 Juillet 2023 ayant déjà tracé l’architecture institutionnelle de la Transition au Niger.
MOUSSA NAGANOU