Aux mains des soldats de sa propre garde présidentielle depuis onze jours, cet homme politique de grande envergure et âgé est un civile très résilient, mais il mérite la liberté. Emprisonné dans le sous-sol de la présidence de la République, l’on apprend que ses conditions de vie s’endurcissent. La révélation vient de nos confrères de Jeune Afrique, alors même que ses proches ont régulièrement affirmé qu’il jouit d’une meilleure santé. Lisez plutôt.
« Exclusif – Révélations sur la séquestration de Mohamed Bazoum
Toujours aux mains des putschistes, le président nigérien vit des heures difficiles, comme l’ont dénoncé, le 3 août, le PNDS et le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Jeune Afrique a obtenu de nouvelles informations sur sa captivité. Par Jeune
Le président nigérien, Mohamed Bazoum, lors d’une interview accordée à Jeune Afrique, le 7 octobre 2021. Les nouvelles du président renversé Mohamed Bazoum continuent d’arriver au compte-gouttes. Dans un communiqué publié le 3 août, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) a alerté sur le sort réservé à ce dernier, assurant que l’électricité lui avait été coupée.
Tout comme le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell qui, le même jour sur le réseau social X (anciennement Twitter), a appelé « à la libération immédiate du président », dont les « conditions de détention sont de plus en plus préoccupantes ». Selon les informations de Jeune Afrique, il a tout d’abord été reclus dès les premières heures du putsch du 26 juillet et pendant près d’une semaine dans le sous-sol de sa résidence, située dans l’enceinte du Palais présidentiel.
Durcissement
Son épouse, Aziza, son fils, Salem, et un garde du corps désarmé sont enfermés avec lui. Le bâtiment est entouré d’éléments de la garde présidentielle, dirigés par le général Abdourahamane Tiani, dont certains ont été positionnés sur le toit. Durant quarante-huit heures, on ne leur a rien donné à manger et ils n’ont pratiquement pas pu boire. Mohamed Bazoum est finalement parvenu à faire accepter à ses geôliers qu’un cuisinier de son entourage leur apporte quotidiennement, à lui et à sa famille, de la nourriture. Ils ont donc été convenablement nourris jusqu’au 3 août, jour où leur quotidien s’est durci.
Le cuisinier s’est en effet soudainement vu refuser l’accès à la demeure du président et les détenus ont alors puisé dans les stocks de la maison. Des chaînes ont été placées sur la porte d’entrée, l’électricité a effectivement été coupée et les puces de ses deux téléphones lui ont été confisquées. Pendant ce temps, une demi-douzaine de collaborateurs de Mohamed Bazoum ont été rassemblés dans des villas situées à proximité du palais présidentiel. Il y a là le président de l’ancien parti au pouvoir, Foumakoye Gado, ou encore le ministre du Pétrole et fils du précédent chef de l’État, Sani Mahamadou Issoufou.
Les deux hommes sont détenus ensemble. À ce jour, personne ne dispose d’informations fiables sur la situation du ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, qui semble entré dans une clandestinité totale. Sur les conseils de Blinken Par ailleurs, Mohamed Bazoum a fait publier le 3 août une tribune dans le Washington Post dans laquelle il se présente comme un « otage ». « Ce coup d’État, lancé contre mon gouvernement par une faction militaire […], n’a aucune justification. S’il réussit, il aura des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et le monde entier », écrit-il, avant d’appeler « le gouvernement américain et toute la communauté internationale à aider [le pays] à rétablir l’ordre constitutionnel ». Toujours selon nos informations, cette publication a été décidée lors de son dernier entretien téléphonique avec le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, dont il est proche, et sur la suggestion de ce dernier.
Le texte a été transmis au journal par l’ambassade des États Unis à Niamey, via l’un des proches de Bazoum. Ce dernier disposait alors encore de ses deux téléphones et communiquait sur Whatsapp et Telegram. « Je n’avais pas prévu de le limoger ». Joint par JA le 2 août, Mohamed Bazoum a démenti l’information qui avait circulé au lendemain du putsch et selon laquelle il aurait décidé de limoger Abdourahamane Tiani, ce qui aurait poussé ce dernier à le renverser.
« Je n’avais rien prévu de tel », nous at-il confié, tout en reconnaissant « avoir sans doute péché par naïveté ». Preuve de cette confiance, lorsqu’il y a deux mois, le chef de la garde présidentielle était sur le point de partir en stage de formation au Nigeria et qu’il est venu le voir pour lui dire qu’il souhaitait renoncer à ce projet en raison des conditions sécuritaires nigériennes, Mohamed Bazoum lui aurait répondu : « Bonne nouvelle, je n’osais pas te le demander. » Abdourahamane Tiani nourrissait-il déjà son projet de coup d’État ? « C’est possible », murmure le président ».
Jeune Afrique