La crise sécuritaire qui sévit dans la région Ouest du pays, dite « la zone des trois frontières » est concernée par la région de Tillaberi. Une crise qui affecte les populations au point de porter atteinte à la cohésion sociale. D’autant qu’avant l’avènement des attaques terroristes, les groupes ethnolinguistiques vivaient en harmonie, en symbiose, hormis les incidents courants entre les éleveurs et les agriculteurs.
Cette crise sécuritaire affecte plus les populations qui vivent directement au contact de « la zone des trois Frontières ». Cette zone nigérienne frontalière du Burkina Faso, du Mali, connait une réalité singulière, notamment la fragilité voire l’affaiblissement continu de deux pays voisins, où les groupes armés sont plus actifs avec l’occupation d’une importante partie de leurs territoires. Si le Burkina Faso est occupé à 40% par les terroristes, le cas de l’autre voisin malien est plus grave encore où les djihadistes font leurs incursions à des proportions plus importantes jusqu’aux portes de Bamako et de Koulouba, le siège central du pouvoir. Le Mali se caractérise depuis 2012 par un climat d’insécurité avancée, du fait de la prolifération des groupes armés de tout acabit, là-bas.
Sur cette situation alarmante de la zone des trois frontières aujourd’hui, est venue se greffer les anciens conflits intercommunautaires et l’affrontement des groupes armés rivaux, portant atteinte ainsi à la saine harmonie, qui existait entre les différents groupes sociaux.
L’intrusion des djihadistes se réclamant d’un islam radical et intolérant a donc porté un coup dur à la paix et la quiétude des populations, jadis caractéristiques essentielles des habitants de cette région.
Pis, on est passé de la critique sévère à la stigmatisation de certains groupes ethnolinguistiques, en passant ainsi « des banals assaillants » à des « potentiels terroristes », qui écument les villages et sèment le vol, le viol et la terreur.
Un phénomène d’insécurité grandissante, qui a réduit silencieusement et dans la complicité de certains à ce que les habitants se regardent désormais en chiens de faïence. Le regard de l’autre est désormais devenu un danger potentiel pour la survie de toute la communauté.
La stratégie de la méfiance n’ayant ni porté des fruits ni amélioré le sort de ces populations. Ces dernières se rendent compte à l’évidence qu’elles ont aggravé par leur attitude leur propre sort. Heureusement, qu’on assiste à un réveil même tardif des consciences, les amenant à comprendre qu’on ne peut combattre l’ennemi qu’en fédérant ses propres forces et non en les gaspillant au profit de l’ennemi.
Les querelles intestines ne font qu’apporter de l’eau au moulin des terroristes, qui continuent de semer la désolation au sein des populations. Cette révolution du regard est désormais de mise au sein des ressortissants des communes rurales du Gorouol et de Bankilare, comme cela a été compris à Banibangou.
Ayant intégré que tout conflit, toute guerre fini nécessairement par une négociation aboutissant à la paix, ces populations ont décidé d’impulser une dynamique de paix à la recherche de solutions idoine en se basant sur une démarche inclusive.
C’est pour amorcer cette noble initiative que ces ressortissants se sont réunis en assemblée générale, le dimanche 29 janvier 2023, à la maison des jeunes de Diado Sékou afin d’exprimer de vive voix leurs préoccupations au gouvernement.
La déclaration des ressortissants aux vibrations quelque peu syndicaliste tend à incriminer l’État qu’à s’organiser pour rétablir la sécurité dans la région avec l’appui de celui-ci. Les points évoqués concernent bien légitimement la sécurité, l’éducation et l’économie.
Selon eux, le dispositif sécuritaire paraît dérisoire au regard de la situation qui prévaut dans la région. Il est loin de satisfaire à la demande des populations, qui assimilent cette attitude du gouvernement à l’abandon.
Cette faible « couverture sécuritaire » a impacté l’éducation par la fermeture de nombreuses écoles dans la région. Des lors, c’est un truisme que de dire que l’économie de la région est éprouvée par un tel contexte, ne serait-ce que par la faible mobilité des populations et leurs business. Bien que la déclaration des ressortissants tire à boulets rouges sur l’État, lui faisant endosser l’entière responsabilité de la crise sécuritaire, elle a le mérite de témoigner d’un besoin du retour rapide de la paix, la réconciliation, la cohésion sociale au sein des communautés locales et du développement socioéconomique, à limage de l’Accord de paix de Banibangou.
ABOUBACAR SOUMAÏLA