Jamais de son histoire, le Niger n’a été dans les projecteurs des médias internationaux comme à l’occasion du coup d’État du 26 Juillet dernier. Après les lourdes sanctions de la CEDEAO tombées sur le peuple nigérien déjà en butte à l’hydre terroriste, ce sont les menaces d’attaque réitérées par les dirigeants de cette même institution qui ont suscité une vive réaction, chez de nombreux africains qui tel un seul homme ont rejeté et fait bloc uni contre cette ignominie considérée d’un autre âge.
Attaquer les populations soit disant pour restaurer ou rétablir l’ordre constitutionnel au péril de personnes innocentes, a soulevé un véritable tôlé dans la communauté de la CEDEAO et des vives interrogations au cœur d’une communauté internationale qui ne cesse désormais détailler au grand jour sa division. La crise nigérienne a mis en exergue la dure cohabitation d’une CEDEAO des peuples avec celle de syndicat de chefs d’État.
Une véritable fracture au sein de la communauté ouest africaine symptomatique d’un rejet de ses propres dirigeants. Si la France semblait dès le début de la crise nigérienne apporter son ferme soutien aux sanctions et aux éventuelles attaques de la CEDEAO, force est de reconnaître que l’élan de l’Elysée se heurte de plus en plus aux nombreuses contestations, même des français qui estiment aujourd’hui que Macron a intérêt à prendre plus de distances avec les problèmes internes au pays africains.
En clair, l’ère du paternalisme français est totalement révolue avec dans son sillage les prémices incontestables de l’agonie de la France-Afrique, un concubinage politique ayant porté durement atteinte à la dignité de nombreux africains, un concubinage dénoncé comme tel par des pantins qui se sentaient instrumentalisés par l’hexagone. Les volte faces et les rétropédalages prenant des allures teintées d’amateurisme et de ridicules de la CEDEAO ont en effet, profondément fragilisé la position va-en-guerre de Macron qui dans l’embarras commence à privilégier à son corps défendant l’option diplomatique, pour la résolution ainsi de la crise nigérienne.
Par ailleurs, cette attitude forcée de l’Elysée est imposée aussi par le comportement de ses alliés comme les Etats Unis d’Amérique qui préfèrent opter pour la voie diplomatique, en vue de ne pas laisser le Niger tomber dans le giron russe. En clair, c’est le pire scénario tant redouté par l’administration de Joe Biden, qui ne digère pas les récents ravages causés par la Russie dans sa course effrénée pour la conquête de nouveaux territoires déjà sous l’emprise de puissances économiques et militaires, à l’exemple de la France qui telle une peau de chagrin voit son influence réduite dans le Sahel et certainement dans d’autres régions du continent africain.
Le pays de l’oncle Sam a fait donc le choix du pragmatisme, de la Real politique, quitte à sacrifier son très cher protégé Mohamed Bazoum dont le secrétaire d’État américain Antony Blinken louait récemment sa détermination, sa bravoure et sa vision lors de sa dernière visite à Niamey. Cet épisode tragi-comique aujourd’hui plein de leçons politiques forcément à tirer pour l’avenir, pour qui voudrait comprendre les arcanes de la politique internationale ou encore de la géopolitique dont le seul élément de motivation aux prises de décisions demeure l’intérêt des nations.
Du reste, c’est aux autorités militaires nigériennes de savoir saisir cette belle opportunité de conduire un pays cette fois-ci au cœur de la convoitise des grandes puissances de ce monde, en sachant tirer parti de cette conjoncture exceptionnellement favorable. Quant à la France, elle devra aussi revoir sa copie en descendant de son piédestal par l’intégration désormais de la dure réalité de la perte progressive de son influence sur ses anciennes colonies, mais certainement définitive de son influence totale sur ses anciennes colonies, d’autant plus que après le Mali, le Burkina Faso et le Niger la ferme volonté d’autres populations africaines pourrait commencer aussi à emprunter le chemin de ces dissidents, briseurs de la France-Afrique et plus soucieux d’un partenariat gagnant-gagnant.
Accra, un sommet de la Cédéao de l’option militaire pour sauver Mohamed Bazoum ?
Reportée le 12 Août passé, la réunion des chefs d’état-major des armées des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se tient enfin, ce Jeudi 17 août à Accra, au Ghana. Ce report sine die avait suscité des commentaires sur la cohésion au sein de l’institution sous-régionale, qui joue toute sa crédibilité dans la crise nigérienne. En effet, ce report a valu mille interprétations de la part de nombreux partisans du dialogue, comme une révélation troublante de désaccords sur l’usage de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.
De nombreuses colombes ont profité de ce tintamarre pour prendre leur envol, en vue d’offrir leurs bons offices à la CEDEAO pour un règlement à l’amiable du conflit. Pendant ce temps, les autorités militaires nigériennes gagnent du temps et accentuent leur ancrage dans la société nigérienne, en procédant aux nominations, rompant ainsi les liens avec l’administration de Mohamed Bazoum.
ABOUBACAR SOUMAÏLA