Trois mois d’expérience!
Les Nigériens ont appris à vivre la souffrance et expérimenté la patience existentielle, en vue de développer l’expérience de se prendre en charge désormais, à en croire les acteurs les plus optimistes de la situation née du coup d’Etat du 26 Juillet dernier. Pendant les trois mois qui ont précédé ce coup d’Etat, le 5è du genre au Niger, le cocktail est explosif, les Nigériens se sont retrouvés face à leur destin historique commun, les uns pour démontrer l’amour de la patrie, le préserver pour toujours, contre toute adversité, d’où qu’elle vienne, les autres pour opposer une fin de non-recevoir stratégique à l’installation au pouvoir du Général Tiani et ses camarades (Lire aussi Niger : Le CNSP, ses 100 jours de pouvoir et des désillusions !) .
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Mais la malheureuse idée de l’intervention militaire au Niger par une force supposée réelle ou imaginaire pour réinstaller le président déchu Mohamed Bazoum est passée par là, pour être l’élément déclencheur de la fibre patriotique d’envergure qui a également servi à départager les Nigériens dans leur ensemble pour une mobilisation citoyenne conséquente. De là, il faut comprendre que c’est aussi l’erreur de la CEDEAO, qui a en même temps entériné sans réfléchir l’opinion d’une opération chirurgicale militaire dirigée contre le Niger, en plus de la batterie de sanctions foudroyantes, aussi bien économiques, commerciales que financières sur Niamey, qui a davantage galvanisé les Nigériens à se mobiliser et s’unir comme des soldats au front d’une guerre classique.
Cette cohérente mobilisation a créé réellement un sentiment nationaliste partagé qui se matérialise très pertinemment par «Laabu Sannino ou Zencin Kasa Ne ».
Et la fin d’une période de grâce pour le Général Tiani !
Trois mois après, on n’en est pas encore à la guerre d’usure mais pas éloigné de là, le sentiment d’euphorie a chuté drastiquement et d’autres forces politiques belligérantes organisées montent en puissance, parce qu’elles ont pris le temps d’observer, de réfléchir avant d’agir.
Cela a certes l’avantage d’ajouter du tonus au débat politique en cours dans la crise politique nigérienne mais présente également le risque d’affrontements des différentes forces politiques si le gouvernement du conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) n’assume surtout pas un arbitrage conséquent à la hauteur des enjeux politiques nationaux. D’autant plus que le CNSP ne refera pas un autre Niger mais retracera les jalons d’une société rectifiée et ses intérêts placés au-dessus de ceux des individus.
Le CNSP doit ainsi redessiner les espoirs et les ambitions d’un Niger ayant traversé bien des épreuves et tiré les leçons d’une ambition du véritable développement basé sur l’implication de la jeunesse désormais consciente de l’enjeu qu’elle représente. Sinon, le CNSP et son gouvernement pèchera par mépris ou par ignorance de la réalité, ce qui n’est pas tolérable.
Trois mois après, une partie de cette jeunesse manipulée, ou pas commence à exprimer des doutes dans sa conduite visiblement convaincue ou aveuglée de départ. Le CNSP et son gouvernement doivent veiller à ce que ce grand espoir ne retombe.
Des voix discordantes s’élèvent, des grincements de dents s’entendent dans les villes et au sein des forces politiques. «Je ne sais pas si on ne va pas me frapper avec ce t-shirt estampillé Tchani devant et derrière», s’interroge un garçon paniqué par un autre groupe de jeunes manifestement rival, au quartier Pays-Bas de Niamey.
«Au début, les tenues et autres gadgets portant les couleurs et les photos du Général Tiani s’achetaient et s’arrachaient comme des petits pains mais la situation commence à changer avec les prix des denrées alimentaires qui augmentent ». A l’allure des choses, il faudrait nécessairement intervenir sur le marché des denrées alimentaires de premières consommations pour contrôler et surveiller les prix pour assurer aux populations la sérénité d’approvisionnement.
Ainsi la côte de popularité des nouvelles autorités militaires nigériennes pourrait remonter et donnera l’espoir aux populations, tout comme la meilleure impression que les militaires savent ce qu’elles font et loin de naviguer à vue. À cause de l’avantage des réseaux sociaux, tout le monde a l’impression de posséder le pouvoir de gouverner ou bien encore de contrôler les gouvernants sur tout sujet et à tout moment, et 100 jours tiennent pouvoir et citoyens au pilori ou presque.
MOUSSA NAGANOU