Alors que le Liptako-Gourma est devenu le principal foyer de menace djihadiste dans le Sahel, Mohamed Bazoum s’active pour renouer la collaboration militaire avec Bamako. Un partenariat cependant fragilisé par la méfiance qui existe entre le président nigérien et le chef de la junte malienne Assimi Goïta.
Si les relations diplomatiques entre Bamako et Niamey sont au point mort, le président nigérien Mohamed Bazoum tente ces dernières semaines de relancer le volet de la coopération militaire opérationnelle dans la zone des trois frontières, dans le Liptako-Gourma, épicentre des affrontements entre l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) mené par Abu al-Bara al-Sahraoui et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghali.
Le premier acte a été posé fin mars, lors d’une courte visite à Bamako du chef d’état-major des armées nigériennes, Salifou Modi (2020-2023 – remplacé début avril par le général Abdou Sidikou Issa). Ce dernier y avait rencontré son homologue malien, le général Oumar Diarra, et le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Il était rentré à Niamey avec un accord signé entre les deux pays, autorisant les forces armées nigériennes à poursuivre les groupes djihadistes au-delà des frontières maliennes. Dans le cadre de la force conjointe du G5 Sahel, qui a pris fin avec le retrait officiel du Mali de l’organisation en août 2022, cette collaboration existait déjà sous le nom de « patrouilles communes » : les contingents de la force pouvaient se coordonner afin de pénétrer de l’autre côté de la frontière.
Protection des intérêts
Ddepuis le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane, les Forces armées maliennes (FAMa) ne disposent plus que d’une très faible capacité opérationnelle à l’est, où elles se font rares. Le patron de la Sécurité d’État (SE – le service de renseignement malien), le colonel Modibo Koné, a désormais peu d’emprise dans la zone et sur les mouvements loyalistes présents dans la région tels que le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (MSA-Gatia) du général à la retraite El Hadj Ag Gamou, qui a rompu avec Bamako pour tenter un hypothétique rapprochement avec Iyad Ag Ghali (AI du 10/02/23). Dans cette configuration, Assimi Goïta et son ministre de la défense, le colonel Sadio Camara, voient d’un bon œil l’activisme croissant du président Bazoum et de son armée pour tenter d’endiguer l’escalade des attaques djihadistes autour de la ville hautement stratégique de Ménaka. De son côté, le Niger s’inquiète de voir l’afflux massif vers son territoire de réfugiés maliens fuyant les attaques de l’EIGS. Le président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP), le général nigérien Mahamadou Abou Tarka, suit ces mouvements avec beaucoup d’attention : à huis clos, le président Bazoum ne cache pas sa crainte de voir des terroristes infiltrer cette vague migratoire.
Relations délicates
La relance de la coopération opérationnelle devrait néanmoins être tributaire des délicates relations entre Niamey et Bamako. Fin avril, en tournée dans la région de Tahoua, Mahamadou Abou Tarka, très influent à Niamey sur les dossiers sécuritaires, avait déclaré que les juntes malienne et burkinabè étaient dans une « fuite en avant », suscitant l’irritation de Bamako. Si l’axe Niamey-Bamako est chahuté, la coopération militaire dans le Liptako-Gourma avec la junte burkinabè dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré est davantage assumée par l’armée malienne. Outre une composante terrestre, elle comporte, sur le papier, un volet aérien. A l’automne, les FAMa avaient mené des manœuvres le long de la frontière à la demande du Burkina Faso. Dans ce cadre, des hélicoptères opérés par la société paramilitaire Wagner avaient été déployés. Néanmoins, aucune autre intervention aérienne similaire n’a depuis été effectuée ».
AFRICA INTELLIGENCE