Marine le Pen, présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale française et du parti du même nom a effectué une visite de travail et de purification de trois jours en Afrique, précisément au Sénégal. L’annonce de sa venue a divisé les Sénégalais dont plusieurs d’entre eux se sont élevés contre la présence d’une figure de la politique d’extrême droite française dont le discours depuis la création du Front national par Le Pen a toujours tiré à boulet rouge sur les africains, en exhortant les politiciens français à procéder à leur expulsion.
C’est en 1980 que le Front national fait son entrée dans le paysage politique français, notamment lors des élections législatives de 1986. La France découvre un nouveau discours empreint de racisme en prenant pour bouc émissaire les immigrés, plus principalement ceux venus d’Afrique. Les causes des malheurs des français sont désormais centrées sur ces africains venus pour la plupart chercher une vie meilleure en France.
Vite, l’idéologie du Front national gagne de l’ampleur à la faveur de la crise économique caractérisée par un chômage devenu désormais endémique. L’ancrage prononcé du chômage marqué par l’impuissance des pouvoirs publics de gauche et de droite à le résorber constitue le terreau sur lequel va fleurir tout le paradigme raciste du Front national. Beaucoup de Français finissent par adhérer à l’argumentaire du front national, en témoignent ses victoires électorales qui au fil des décennies confirment l’installation de ce parti sur le territoire français.
Candidat à l’élection présidentielle à cinq reprises, Jean-Marie Le Pen créa la surprise en accédant au second tour du scrutin de 2002 face à Jacques Chirac. Ce fut un tollé général : l’extrême droite incarne contre toute attente les valeurs d’une partie significative de l’électorat français, la « France raciste » est désormais confirmée !
Ensuite, le front national (FN) devient le rassemblement national (RN) en 2018 et multiplie ses succès électoraux. L’année 2017 puis celle de 2022 consacrent la montée en puissance de la candidate de la fille Le Pen, Mme Marine, qui parvient également au second tour de l’élection présidentielle. Avec 88 députés à l’Assemblée nationale, plus un député apparenté le nouveau front national, RN réussit un score historique, en s’adjugeant ainsi le premier parti d’opposition.
Mais ces succès électoraux ne paraissent pas suffisants pour hisser la candidate du RN à la magistrature suprême, à cause surtout d’une portion de l’électorat, qui demeure toujours réfractaire à l’élection d’un candidat d’extrême droite.
Parmi ces électeurs figurent en premier lieu les français d’origine africaine qui sont les cibles privilégiées du discours raciste du RN. Le bilan des échecs aux élections présidentielles a contraint Marine Le Pen à revoir sa stratégie vis à vis de ces électeurs désormais devenus ses ennemis.
Une campagne de polissage de l’image de la potentielle candidate à l’élection présidentielle en France pressée de siéger à l’Elysée est donc une impérieuse nécessité.
Cette opération de charme vis à vis des africains s’appuie sur l’idée de trouver « un représentant de l’Afrique pour siéger comme membre permanent du Conseil de sécurité». Ces déclarations à distance n’ont pas assez d’impact d’où la nécessité d’une visite de proximité plus chaleureuse, visant à conquérir le cœur de ses bourreaux devenus subitement fréquentables à ses yeux.
C’est dans cette logique que Marine Le Pen a rendu visite aux Sénégalais, le pays de la Teranga dont nombre de ses citoyens lui refuse l’hospitalité.
L’ancienne Première ministre Aminata Touré se dit « scandalisée » par cette visite jugée contre nature. « Madame Le Pen n’aurait jamais dû être autorisée à fouler le sol du Sénégal, pays de la « Teranga ». Teranga, le mot wolof ne signifie pas seulement l’hospitalité, mais aussi la solidarité, la tolérance et le respect dont fait preuve une communauté envers ses hôtes.
Nous sommes un pays ouvert, un pays d’accueil, mais Madame Marine Le Pen n’est absolument pas la bienvenue au Sénégal, car elle incarne le racisme politique depuis des décennies en France. Et des centaines de milliers de nos compatriotes africains souffrent quotidiennement d’attaques verbales et physiques du Front national. Elle n’aurait jamais dû être autorisée à fouler des pieds la terre des pays du continent dont elle insulte les citoyens depuis des années.
Le Sénégal, ce n’est pas un pays qui devrait accueillir des personnalités racistes et xénophobes. Du racisme et de la xénophobie qu’elles et qui l’assume et en font même un plan de carrière politique.
On se souvient que Marine Le Pen avait pu arracher un entretien avec Idriss Déby, le président du Tchad, ce fut selon Marine Le Pen une rupture d’avec « les barrières de l’ignorance et de la stigmatisation médiatique ».
Cette opération n’a pu faire des émules chez les autres Chefs d’Etat africains, en témoignant que les positions de Mme Le Pen sur l’immigration constituent un véritable un obstacle à l’émergence de saine relations avec l’Afrique. La présidence sénégalaise n’a pas été insensible à la réaction des sénégalais et au delà des africains.
Aussi, Marine le Pen a-t-elle été reçue, par le Chef de l’État sénégalais, Macky Sall, le mercredi 18 janvier au palais présidentiel de Dakar. A noter que l’entretien n’a duré qu’une heure. Mais cette stratégie serait inefficace si Marine le Pen ne procède pas à une révision en profondeur de son discours raciste vis à vis des africains.
Le regard des occidentaux doivent amorcer une révolution dans un monde où de nombreuses mutations ont provoqué l’éclosion des « générations conscientes » désormais averties, quant aux stratégies de manipulation surtout émanant de ses ennemis assumés, à l’instar de Marine le Pen.
ABOUBACAR SOUMAÏLA