Le Mali entre-t-il dans une période d’incertitude en rapport avec le retour à l’ordre constitutionnel normal ? C’est la question que suscite le report du référendum constitutionnel prévu le 19 Mars 2023 par ces mêmes autorités maliennes. Ce référendum constitue une étape importante vers les élections sensées ramener le pays à l’ordre constitutionnel normal par le retour au pouvoir des civils.
Selon le colonel Abdoulaye Maiga, porte-parole du gouvernement « la date du référendum prévue le 19 Mars 2023 (…) connaîtra un léger report » et d’ajouter, « la nouvelle date du référendum sera fixée, après concertation avec l’autorité indépendante de gestion des élections et l’ensemble des acteurs du processus électoral ».
Pour rappel, doter le Mali d’une Constitution fait partie des objectifs clés fixés par les militaires maliens afin de concrétiser leur vœux officiel de voir leur pays rejoindre le camp des pays démocratiques, d’ici février 2024. C’est pourquoi, ce bémol voire ce faux pas des militaires maliens suscite une inquiétude quant à leur engagement à respecter la date butoir de février 2024 négociée avec la CEDEAO, à laquelle les chefs d’État restent fermement attachés.
Aussi, toute tergiversation, voire dérogation à l’égard de cet engagement ne sera pas acceptée par la CEDEAO qui tient à ramener les civils au pouvoir au Mali par l’entremise des élections libres et transparentes.
Le report du référendum se justifie selon les autorités maliennes par d’une part le temps nécessaire à l’installation sur le territoire national des représentations de l’organe de gestion des élections, et d’autre part, par la volonté de vulgariser le texte constitutionnel à l’ensemble des maliens. Il faut donc procéder au déploiement des agents de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) dans les 19 régions administratives du Mali, le district de Bamako et aussi au sein de la diaspora malienne établie à l’étranger.
Cet obstacle paraît insurmontable lorsqu’on sait que le Nord et le Centre du Mali échappent au contrôle de l’État malien, un Etat essentiellement réduit au Sud du pays pour ne pas dire la capitale Bamako et ses environs.
Des lors, l’organisation du référendum est subordonnée à la conquête des « territoires perdus » du Mali.
Cette préoccupation est partagée par Ismaël Sacko du Parti socialiste démocrate Africain (PSDA), en des termes plus clairs « la mise en place de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) au niveau national et ses démembrements à l’intérieur du pays, a malheureusement connu un grand retard. L’insécurité au centre et les bisbilles entre le gouvernement du Mali et les groupes armés sont des contraintes majeures à l’organisation du scrutin référendaire à l’échelle nationale ».
En somme, tout le processus électoral au Mali est subordonné au recouvrement de l’intégrité territoriale de ce pays par le colonel Assimi Goita et ses camarades. Une chose pas aisée, à l’égard de la stratégie déployée pour lutter contre le terrorisme par le « tout militaire » avec le recours à la milice privée russe de Wagner. Aussi, toute pression venant de l’extérieur en vue d’aboutir à un chronogramme consensuel revient à bâtir des « châteaux en Espagne » sur le terrain mouvant d’un vaste territoire déjà aux mains des terroristes.
Au regard de la dégradation du climat d’insécurité qui prévaut, il faut craindre que la raison invoquée par les autorités maliennes pour justifier le report soit utilisée comme un parfait alibi pour faire du dilatoire et se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam.
ABOUBACAR SOUMAÏLA