Le 6 janvier 2023, la junte militaire de Bamako a offert à l’opinion internationale un cadeau de début d’année des plus particuliers. Ce cadeau est l’annonce de la libération des soldats ivoiriens qu’elle détenait depuis plusieurs mois. C’est à la suite d’une « grâce avec remise totale de peines » aux 49 militaires ivoiriens condamnés par la justice malienne dans la même semaine.
C’est un geste humain pour les uns ; un acte de géostratégie pour d’autres ; toujours est-il que chacun y va de son commentaire.
L’Etat malien aurait eu plus à gagner en s’évitant cette crise. Elle a coûté de l’argent, porté atteinte à la crédibilité de cet Etat mais surtout a envenimé ses rapports avec nombres de ses voisins. Tout ceci pour à la fin libérer les détenus à la suite d’un simulacre de procès.
Le procès a duré 48 heures, non sans interruptions. Il a jugé et condamné 49 accusés dont 3 par contumace. Quid du droit à la défense ? La célérité avec laquelle ce procès a été conduit ne laisse sans interrogations, aucun juriste ou même observateur sérieux. Il fallait évacuer et se débarrasser de la patate chaude. C’est désormais fait.
Sauver les apparences
Il était important pour les militaires maliens de sauver les apparences et ne pas perdre la face. Il s’agissait de « montrer à la face du monde, la volonté du Président de Transition de respecter l’indépendance du judiciaire, de laisser la justice faire son travail, d’aller jusqu’au bout du processus (ce qui a été fait) avant l’intervention du politique à travers l’exercice du pouvoir de grâce » écrivait Adamou Issoufou, professeur de droits à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop.
Chose que n’ont pas manqué de rappeler les autorités maliennes dans leur communiqué, en insistant sur le « souci » du colonel Assimi GOÏTA « à promouvoir la bonne gouvernance, dans le cadre de la Refondation du Mali, à travers le respect de l’indépendance de la Justice et la non-ingérence de l’Exécutif dans les affaires judiciaires ».
L’affaire avait déjà été soldée, il y a quelques semaines avec la signature d’un mémorandum resté confidentiel entre les deux parties. On avait parlé de «malentendu», «d’incident malheureux» pour ainsi dire. Mais il fallait pour la junte malienne de contenter une certaine opinion, qui ne vit que pour les bras de fer inutiles et mêmes coûteux pour l’économie, la sécurité, la stabilité et la crédibilité du pays.
C’est dans cette optique que le communiqué cité plus haut n’a pas manqué d’écorcher les organisations sous-régionales et leurs dirigeants comme pour dire à leurs boutefeux de soutien que malgré tout, ils ont toujours des boucs émissaires.
ADO DAN MALAN