L’affaire des 46 soldats ivoiriens détenus par les autorités maliennes depuis le mois de juillet 2022 a pris une autre tournure judiciaire rapide, suite à l’ultimatum lancé par la CEDEAO fixant la date limite de leur libération en fin décembre 2022.
C’est du moins la lecture que l’on peut faire de «l’accélération» de l’actualité des 46 soldats détenus à Bamako durant la dernière semaine du mois de décembre, qui coïncide avec celle de l’ultimatum de la CEDEAO.
Tout a commencé le 10 juillet, avec l’arrestation de 49 soldats ivoiriens au Mali, puis leur inculpation en mi-août de « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État ».
L’Etat malien accuse ces soldats d’être ainsi venus en mission de déstabilisation du Mali qui est en rupture de banc avec ses partenaires traditionnels et certains voisins dont la Côte d’Ivoire. Le régime de Ouattara est assimilé à l’extension de la main Française « vomie » par la junte militaire malienne.
Pour Assimi Goita, ces soldats se préparaient donc à renverser son régime, désormais dans le collimateur de la France via le président Ouattara. Quant à la Côte d’Ivoire, elle affirme que les soldats étaient en mission régulière au Mali au sein de la MINUSMA.
La voie diplomatique est mise en action pour trouver une solution négociée en vue de mettre fin à la crise entre les deux pays frères.
La contribution du Togo fut décisive, elle aboutira à la libération des trois soldates pour des « raisons humanitaires », selon l’expression des autorités maliennes.
Malgré les multiples tentatives de dialogue avec des autorités maliennes, Celles-ci restent de marbre et fermes en se campant sur leur position rigide, au point d’irriter les dirigeants de la CEDEAO qui l’ont jugée inconcevable, extrémiste ou « jusqu’au-boutiste ».
C’est ainsi qu’au dernier sommet d’Abuja du 3 décembre 2022, les Chefs d’États de l’organisation communautaire Ouest africaine ont exigé des autorités maliennes la libération des 46 soldats ivoiriens encore détenus à Bamako avant le 1er janvier 2023, sous peine de nouvelles sanctions.
Le 22 décembre, Ouattara suscite une visite officielle d’une délégation importante ivoirienne dans un esprit « fraternel », qui arrache à Assimi Goïta la signature d’un mémorandum, un protocole diplomatico-judiciaire entre Abidjan et Bamako.
L’affaire est donc « en voie de résolution par voix diplomatique» à en croire le ministre d’Etat ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara dit « photocopie ».
Un grand pas vient d’être franchi. Le vendredi 30 décembre, les 46 soldats ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle chacun, à l’issue de 48 heures de « procès Chap-Chap ». Quant aux trois soldates libérées en septembre pour de raisons humanitaires, elles ont écopé de la peine de mort par contumace. Où est donc l’humanitaire ?
Mais l’hypothèse d’une grâce présidentielle est en suspens bien qu’elle n’ait pas été mentionnée par le colonel Assimi Goita lors de son discours de fin d’année. Curieuse coïncidence entre la menace brandie par le récent ultimatum des Chefs d’État à Abuja et la mise en branle aussi bien des initiatives de la résolution de cette crise que de la machine judiciaire.
L’on a assisté à une véritable mise en scène visant à satisfaire l’ego du président de la junte militaire malienne, Assimi Goïta pour ne pas perde la face, en lui préservant sa souveraineté de façade.
C’est une évidence que la pression de la CEDEAO a eu un effet sur cette affaire des 46 soldats en cours au Mali. Mais le mémorandum lui a évité de sortir par la petite porte.
Pour les populations maliennes attachées à leur souveraineté, leurs dirigeants n’ont pas cédé aux injonctions des Chefs d’État de la sous région. Quant à l’observateur averti, il comprend aisément qu’on a assisté à une véritable scène de théâtre, qui on l’espère aboutira malgré tout, à un « partenariat gagnant-gagnant» entre Bamako et Abidjan.
ABOUBACAR SOUMAÏLA