L’armée malienne est-elle rattrapée par l’histoire ? Cette question mérite d’être posée aujourd’hui au regard des sanctions qui viennent de frapper deux hauts gradés de l’armée nationale sous la férule du colonel Assimi Goïta. Le département d’État américain a décidé de prendre des sanctions à l’encontre du colonel Moustapha Sangaré et le major Lassiné Togola.
Les États-Unis reprochent à ces deux responsables militaires leur implication dans les violations des droits humains lors du massacre de Moura dont le lourd bilan s’établit à plus de 500 morts. Le colonel Sangaré tenait les rênes à l’époque du 33e régiment de commandos parachutistes.
Quant au major Lassiné Togola, il est le dirigeant du bataillon autonome des forces spéciales du Mali. Ces deux hauts gradés auraient pris une part active dans l’extermination des populations de Moura, tuant des habitants supposés terroristes ou en intelligence avec les terroristes qui écument la région.
Outre, les deux responsables militaires maliens, le département d’État américain a aussi décidé de prendre des sanctions contre le représentant de Wagner au Mali, en l’occurrence Alexandre Maslow, selon les américains en gelant et en confisquant ses avoirs aux États-Unis. Des sanctions plus lourdes au regard de celles qui sont imposées aux militaires maliens qui se limitent pour le moment aux restrictions de visa.
Ces sanctions apparaissent quelques temps après le rapport du Haut-commissaire des Nations unies, Volker Turk sur le massacre de Moura dont les « conclusions sont extrêmement inquiétantes ». Ce rapport précise que plus de 500 personnes ont été tuées, dont la majorité sommairement exécutées par les troupes maliennes et du personnel militaire étranger lors d’une opération militaire de cinq (5) jours dans le village de Moura en Mars 2022.
La publication de ce rapport avait suscité une vive réaction des autorités maliennes qui par la voix de son porte parole du gouvernement, Abdoulaye Maïga l’a traité de « fictif » et crié au « complot international » encore ourdi contre le peuple malien, depuis que ce dernier a décidé de prendre son destin en main en s’émancipant des puissances étrangères comme la France.
Pour le département d’État américain, la position était claire et déjà affichée au regard des conclusions du rapport fort accablantes à l’encontre de la junte militaire malienne au pouvoir et de son allié du groupe Wagner considéré comme une milice illicite au même titre que la Mafia. « Les États-Unis sont consternés par le mépris à l’égard de la vie humaine dont ont fait preuve des éléments des forces armées maliennes en coopération avec le groupe Wagner, une organisation criminelle transnationale soutenue par le Kremlin, lors de l’opération menée à Moura, au Mali, en Mars de l’année dernière.
Comme nous l’avons déjà dit, le groupe Wagner est une force déstabilisatrice dont le personnel s’est rendu coupable d’abus constants, notamment d’exécutions sommaires, de violences sexuelles et de tortures au Mali et dans d’autres pays en proie à l’instabilité ». Visiblement l’étau de la communauté internationale commence à se resserrer sur les autorités militaires maliennes qui devront désormais faire face à une pression venant de l’extérieur, hormis celles déjà existantes à l’intérieur du fait notamment de la division née de l’organisation du référendum constitutionnel au sein des différentes couches sociales.
Hâter le processus de retour à un gouvernement civil serait la meilleure option de se mettre à l’abri d’autres sanctions, car l’ancrage continu au pouvoir constitue un risque de dérapage réel sur le terrain de lutte contre le terrorisme. Quant à l’allié Wagner, cette sanction qui vient de frapper leur représentant au Mali devrait être perçue comme un coup de semonce à l’endroit de tout prétendant à un tel pacte avec des mercenaires totalement étrangers au minimum de respect des droits humains.
ABOUBACAR SOUMAÏLA