Au Mali, les mesures prises par la junte militaire au pouvoir à l’encontre des forces étrangères sont montées d’un cran par la demande de « retrait de la Minusma sans délai » du territoire. La tournure des évènements auprès du colonel Assimi Goita au pouvoir ne surprend guère les observateurs de la politique étrangère de ce pays ayant déclaré déjà persona non gratta plusieurs acteurs de la communauté internationale après la rupture fracassante de sa coopération militaire avec la France.
Cette demande a été introduite aux Nations-Unies par le ministre malien des affaires étrangères Aboulaye Diop, devant les membres du conseil de sécurité le vendredi 16 Juin 2023. « Le gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la Minusma. Cependant, le gouvernement est disposé à coopérer avec les Nations-Unies dans cette perspective », a déclaré sans vergogne, le très bouillant ministre des Affaires étrangères du Mali.
Cette décision sans appel rejette toutes les propositions de l’évolution du mandat de la mission proposée par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guteres. Le Mali par la voix de son ministre des Affaires étrangères justifie ainsi cette mesure par une « crise de confiance » entre les nouvelles autorités maliennes et la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), présente depuis 2013 à la faveur de l’offensive des groupes terroristes.
La méfiance du Mali à l’égard de toute présence militaire étrangère était affichée depuis l’avènement de la junte militaire qui accusait les « forces étrangères » d’être d’intelligence avec l’ennemi et surtout de contribuer à la dégradation de la situation sécuritaire en parfaite contradiction avec leur mission originelle de lutte contre le terrorisme. « Le réalisme impose le constat de l’échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire.
La Minusma semble devenir partie du problème, en alimentant les tensions communautaires », explique le ministre malien. Un bilan accablant à l’endroit de la Minusma désormais déclarée persona non gratta au Mali, à l’instar de ses prédécesseurs comme les forces françaises de l’opération Barkhane.
Qu’est ce qui justifie cette sortie fracassante de la junte militaire malienne à seulement deux jours du scrutin référendaire qui devra se tenir en principe le Dimanche 18 Juin 2023 ? Hasard de calendrier ou fruit d’un marketing politique savamment orchestré en direction des électeurs maliens? On sait qu’une telle mesure est susceptible comme à l’accoutumée de mobiliser les troupes pour le scrutin référendaire en faveur du plan établi par Assimi Goita.
Toute la campagne des colonels de Bamako consiste juste à dire « Non» aux Blancs et la mayonnaise prend, et les maliens du Sud sortent massivement pour voter le référendum constitutionnel devant réinstallant Assimi Goïta dans son fauteuil présidentiel au terme de la transition en cours. D’autant qu’au Nord et au Centre du Mali, les ex-rebelles ont déjà dit que ce référendum ne les engage guère et le Centre du pays tenu d’une main de fer par le prédicateur Amadou Kouffa et ses hommes armés du Catiba-Macina ainsi que les hommes armés et violents de l’état islamique au grand Sahara. Ce référendum constitutionnel du 18 Juin 2023 risque fort de conduire inexorablement le Mali, non à la consécration du « Mali-Ba», le Grand-mali, mais à la partition du pays en trois morceaux de territoire dont le Sud, le Centre et le Nord malheureusement et devenant des épaves pour le moins, dans un océan de confusions et de terreur.
Le rejet des forces étrangères, sauf celles des russes a en effet toujours été perçu par les soutiens d’Assimi Goita comme une démonstration de patriotisme et d’intérêt prononcé pour le « Mali-BA ». Aussi, le moment a sûrement été bien choisi, puisqu’une telle décision apportera encore de l’eau au moulin des sympathisants de la junte militaire qui considèrent les militaires de Kati comme de véritables patriotes uniquement à la solde des intérêts du peuple malien.
Mais pour les Nations-Unies, le retrait voire l’absence de la Minusma constitue une réelle menace pour les populations sur un territoire miné considérablement par la peste terroriste dont l’éradication promise par Assimi Goita demeure pour le moment une vue de l’esprit. Cette demande du retrait de la Minusma dernier verrou contre les éventuelles exactions de l’armée malienne et ses complices de Wagner pourrait sans doute reconduire les massacres dans d’autres régions à l’instar de ceux de Bounti ou de Moura dont un récent rapport accablant a incriminé les autorités maliennes d’avoir organisé des tueries avec l’appui avéré des mercenaires russes de Wagner.
Dans un contexte caractérisé par l’absence totale de contre pouvoir, de regard étranger les militaires maliens auront le champ libre pour se livrer en toute impunité à des exactions, ce qui ferait la promotion de crimes odieux. Cette situation est un cas rare, difficile et complexe à gérer par la communauté internationale écartelée entre le devoir d’ingérence, le respect de la souveraineté du Mali et le risque encouru par les populations à l’absence de forces étrangères pouvant dissuader toutes velléités de massacres.
Les propos empreints d’embarras du chef de la Minusma, El Ghassim Wane en disent long sur ce malaise « le maintien de la paix est basé sur le principe du consentement du pays hôte, et sans ce consentement, les opérations sont presque impossibles ». Au delà de toutes spéculations, le Mali ne peut continuer de garder sur son territoire des forces essentiellement issues du camp occidental plus précisément d’obédience française, tout en développant des relations de coopération militaire tant privilégiées avec la Russie dont le droit de veto au conseil de sécurité ne sera jamais utilisé dans ce cas contre le fidèle allié malien.
ABOUBACAR SOUMAÏLA