Les voix s’élèvent de plus en plus au Mali contre la junte militaire au pouvoir, malgré les stratégies déployées par Assimi Goita, en vue de museler toute opinion contraire à celle du Chef. Mais cette fois-ci, la montée au créneau du président du Haut conseil islamique, Cheick Chérif Ousmane Madani Haidara est un signal fort envoyé aux autorités de la transition malienne.
Cette sortie, sûrement considérée comme un « pavé dans la mare » de Cheick Chérif Ousmane Madani Haidara est à plus d’un titre symptomatique de la fronde sociale qui couve au Mali, attendant les conditions idoines pour son éclosion. Les atteintes à la liberté d’expression se sont manifestées récemment contre des icônes comme l’animateur radio de Ras Bath envoyé en prison suite à ses propos sur « l’assassinat » de l’ancien Premier ministre Boubeye Maiga.
Des propos jugés diffamatoires par la junte militaire qui ont valu à l’activiste d’être placé le 13 Mars 2023 sous mandat de dépôt. Ce fut au tour de Rokia Doumbia, plus connue sous le nom de « Rose vie chère » qui a aussi subi l’acharnement des autorités militaires maliennes l’accusant « d’incitation à la révolte » et de « violences envers le Chef de l’État ».
L’influenceuse très active sur les réseaux sociaux, était devenue menaçante pour le pouvoir, tant ses vidéos diffusées suscitaient un engouement véritable auprès des populations qui recevaient en boucle la dénonciation de la vie chère et « l’échec » de la transition. Mais avec l’enlèvement du directeur de publication du journal LE DEMOCRATE, le 6 Avril 2023, ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Lors d’une conférence de presse ce 11 Avril à Bamako, le journaliste Aliou Touré s’est exprimé sur les circonstances de son enlèvement par des hommes armés, étalant de fait la barbarie du régime. Cet acte plein d’ignominie avait provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la société civile qui venait de découvrir les dangers réels qui menacent désormais la presse privée malienne en particulier et la liberté des citoyens dans leur ensemble.
Ces initiatives courageuses de quelques membres de la société civile bien que soutenues timidement par de nombreuses associations n’ont pas la même portée, voire la même envergure que celle du président du Haut conseil islamique du Mali. L’homme incarne en effet, dans ce pays dont l’écrasante majorité de la population est de religion musulmane une autorité morale dont les propos revêtent un cachet particulier pour ne pas dire qu’ils frisent le sacré.
Sa voix est donc susceptible d’être entendue et son mot d’ordre exécuté par la majorité des maliens, surtout lorsqu’elle est délivrée lors des prêches, en témoignent la plupart des mouvements qui ont provoqué la chute des régimes dans ce pays sous la conduite d’une haute autorité religieuse.
Check Cherif Haidara entend prévenir la junte militaire au pouvoir sur les risques d’un entêtement des militaires à ne pas vite trouver des solutions à la transition en les interpellant en ces termes « Assimi doit être vigilant. Il doit observer la situation, sinon les hommes qu’il a choisis vont lui causer des problèmes ». Ces propos pleins d’exhortation et de sagesse recommandent à la junte militaire plus d’humilité afin de prêter une oreille attentive au peuple « vous pouvez vous tromper », affirme-t-il, avec une apparente bienveillance de prêcheur.
« Ouvrez vos portes pour discuter. Que ce soit des politiques, des citoyens, recevez les bonnes idées », entonne-t-il. En somme, le président du Haut conseil islamique, Cheick Chérif Haidara Madami est porteur d’un message qui cristallise tous les mécontentements des maliens étouffés pour le moment par des actions anti-liberticides de la junte militaire sous la férule du colonel Assimi Goita.
Pourtant, c’est l’une des rares occasions pour la junte militaire malienne d’anticiper des mesures salvatrices afin de sauver la transition qui visiblement a du plomb dans l’aile, surtout depuis la pression exercée par la communauté internationale d’exiger de la junte militaire une « accélération » du processus de la transition.
ABOUBACAR SOUMAÏLA