Surprise ! Surprise au Mali ! Qui l’aurait cru ? La junte militaire malienne se plie elle aussi pour une fois aux vertus du dialogue, malgré la stratégie 100 % militaire prônée par Kati et mise au fronton de la lutte antiterroriste. Une décision qui emboîte le pas à la stratégie antiterroriste mixte et d’approche holistique du Niger ?
L’intelligence se définit comme la capacité d’adaptation que manifeste un individu ou un groupe d’individus vis à vis de leur environnement, de leur milieu afin de procéder aux ajustements nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Les acteurs politiques intelligents se remarquent ainsi par leurs capacités à intégrer aux stratégies finement élaborées, les données dynamiques issues du terrain afin de ne pas construire des châteaux en Espagne, loin des réalités d’un terrain qui au finish demeure aux commandes des résultats attendus.
C’est ainsi que, la lutte antiterroriste a engendré plusieurs approches déclinées en stratégies selon la perception, l’analyse que les décideurs aux prises de cette réalité au Sahel font de ce phénomène.
Certains pays comme le Mali ont développé une stratégie du tout militaire censée démolir l’hydre terroriste, d’autres par contre comme le Niger inscrit le terrorisme parmi les phénomènes sociaux dont l’émanation prend sa source au cœur même des réalités sociales. Le terrorisme est donc un monstre né des défaillances de la société, de l’échec en partie de la mise en œuvre efficiente des politiques publiques qui n’ont pas depuis plusieurs décennies pu apporter des réponses adéquates aux besoins élémentaires même des populations, en offrant ainsi aux malfaiteurs un terreau fertile à leur épanouissement.
Le bilan à mi-parcours des stratégies va t-en-guerre de lutte antiterroriste au Mali comme au Burkina Faso ont accentué les divisions déjà profondes au sein des communautés jadis vivant en parfaite symbiose. Le dialogue, un élément essentiel de la stratégie holistique de la lutte antiterroriste a été considéré malheureusement par les faucons de Kati comme une véritable faiblesse à leurs yeux, une tare qui ferait la part belle à des renégats de la République du « Mali-Ba ».
Mais la réalité du terrain s’impose à tout décideur malgré son entêtement prononcé, en témoigne aujourd’hui la volte face d’Assimi Goita vis à vis de son attitude jusqu’au boutiste d’avant mais manifestée aujourd’hui par la libération de deux cadres importants et plusieurs autres combattants du groupe de l’état islamique au grand Sahara (EIGS) la semaine dernière. Face au rapport de force en leur défaveur, les militaires de Kati changent brusquement leur fusil d’épaule. Ainsi, deux chefs terroristes ont bénéficié de la clémence d’Assimi Goita.
Oumeya Ould Albakaye, un des leaders de EIGS arrêté par la force française Barkhane en Juin 2022 et remis aux autorités maliennes de transition était le chef de la branche sahélienne de l’EI dans le Gourma malien et dans l’Oudalan burkinabè. Dadi Ould Cheghoub dit Abou Dardar, également arrêté par Barkhane, en Juin 2021. C’était même sa seconde arrestation, puisqu’Abou Dardar faisait partie des prisonniers libérés en échange des otages Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé, en Octobre 2020.
Il est important de préciser que ces libérations de terroristes par la junte militaire malienne sont assorties de plusieurs contreparties dont outre la libération de certains otages maliens, l’instauration d’une trêve qui permettrait à la transition de mener leurs activités, notamment électorales, dans les zones contrôlées par le groupe état islamique, et principalement à Ménaka. Une telle trêve qui permettrait de combler aussi le vide sécuritaire créé par le départ de Barkhane, Takuba et puis la Minusma en permettant au Mali de déployer ses forces également dans les zones abandonnées par la force onusienne.
Belle leçon déjà ancrée depuis belle lurette dans l’histoire des conflits de ce monde. Le dialogue finit toujours par s’imposer aux belligérants surtout dans le cas d’une guerre déclarée entre frères d’un même pays. La junte militaire malienne, après avoir réussi à imposer aux maliens le résultat du « oui » de l’illégitime référendum constitutionnel, fait face aujourd’hui aux limites criardes de sa stratégie, et est contrainte de négocier avec les frères ennemis du Nord dont elle n’a visiblement pas les moyens de s’en débarrasser.
C’est la condition sine qua non de la poursuite du processus électoral, tant ces derniers ont démontré leur puissance de rejet lors du dernier scrutin référendaire. L’approche holistique tant minimisée voire décriée par le Mali refait donc surface de plus belle en s’imposant comme l’unique voie de sortie de la crise pour ne pas dire le salut pour les descendants de Soundiata Keita.
L’exemple des Accords d’Alger fut très illustratif bien qu’aujourd’hui rejeté par BAMAKO dont l’autarcie développée par les militaires vis à vis de certains pays devra bientôt voler en éclat au vu des résultats probants que ces derniers enregistrent dans la lutte contre le terrorisme.
Le Niger en est un cas de succès aux côtes de ses partenaires traditionnels qui ont affirmé leur ferme volonté de le soutenir pendant cette période sombre de l’histoire du Sahel. Malgré les critiques véhémentes dont il est l’objet, le pays de Mohamed Bazoum servira sûrement d’exemple aux pays dont la reconquête des zones perdues est aujourd’hui devenue un véritable leurre, difficile à masquer dans un flot de discours populistes devenant ennuyeux pour des populations qui désormais cherchent refuge au Niger, en bénéficiant des soins dignes de la plus haute solidarité africaine.
ABOUBACAR SOUMAÏLA