Le Niger est un pays dans lequel le défi du développement exige une lutte farouche contre la corruption. La corruption est « un abus de position publique à des fins d’enrichissement personnel« .
Au Niger comme partout ailleurs, la corruption sape la légitimité des institutions et porte gravement atteinte à la société, à l’ordre moral et à la justice ainsi qu’au développement économique et social. Presque tous les secteurs sont concernés par ce fléau : les administrations publiques ou privées, les écoles, les hôpitaux, les entreprises, les cours et tribunaux etc.
C’est pour cette raison que le constituant nigérien de 2010 a fait de la lutte contre la corruption une priorité des actions des pouvoirs. Depuis lors un dispositif institutionnel dense composé de : la Haute Autorité de Lutte Contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), la Cour des comptes, l’inspection des Finances, l’inspection d’Etat, la ligne téléphonique dite ligne verte, se déploie pour mener un combat frontale contre la corruption.
Au regard des conséquences énormes que la corruption engendre sur notre progrès social, le combat contre ce fléau a besoin du concours de tous. Mais dans la réalité, malgré qu’elle soit décriée jour et nuit par tous, cette déviance sociale ne peut être combattue avec autant de facilité, c’est à dire sans un courage politique.
En effet, au Niger, la corruption, présente dans presque tous les secteurs, n’est plus une simple pratique mais une coutume, admise voire tolérée au quotidien. Jamais la lutte contre la corruption n’est difficile à engager comme dans notre contexte.
Deux obstacles majeurs se dressent contre toute initiative de lutte contre la corruption. D’abord, le premier obstacle réside dans le réseau qu’elle met en place et qui est capable de créer entre les bénéficiaires de ses retombées, une solidarité pour la défense collective d’intérêts malsains. C’est à ce titre que dans son livre III- 450 avant Jésus-Christ, Hérodote constate que » la corruption dans la vie publique fait naître entre les méchants non plus des haines, mais des amitiés tout aussi violentes, car les profiteurs ont besoin de s’entendre pour gruger la communauté « . Dans le contexte nigérien, la liste des profiteurs est longue : les partis politiques, les familles, les clans, les amis, les tribus pour ne citer que ceux-là. Ces obstacles ont de par le passé conduit les responsables gouvernementaux souvent à abandonner le combat pourtant noble de la lutte contre la corruption, craignant les représailles de la part des profiteurs de la corruption à tous les niveaux.
Il n’est pas rare de voir des personnalités poursuivies ou condamnés pour corruption rafler par compassion l’électorat de leur localité qui n’érige pas la corruption en un délit condamnant le coupable à une mort politique. Les partis politiques, parfois les organisations syndicales ou associatives n’hésitent pas à secourir par des canaux officiels ou officieux leurs militants poursuivis pour fait de corruption pour les soustraire des mains de la justice.
Le Président de la République Mohamed Bazoum, sans doute conscient des épines qui se trouvent sur le chemin de la lutte contre la corruption déclare lors de son discours d’investiture avec conviction que rien ne l’empêchera d’accomplir sa promesse électorale de lutter contre de telles pratiques en ces termes : « je veux dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa « base », sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre ».
Les actes posés notamment à travers les poursuites contre certaines personnes présumées impliquées dans le détournement de deniers publics à la SOPAMIN, à la CNTPS, à la BAGRI etc., prouve à suffisance que le Président Bazoum ne compte nullement reculer face à ce noble combat. Se mettre à dos, les partis politiques, les sympathisants, les clans, les familles n’est pas une affaire facile, elle nécessite une détermination hors du commun. Cette détermination au plus haut sommet de l’Etat est non seulement une arme redoutable de dissuasion contre les potentiels corrompus et corrupteurs mais aussi un moyen efficace pour arrêter le saignement des finances publiques.
L’ampleur du phénomène, ses ramifications dans toutes les strates de la vie nationale nécessite au-delà de la répression par les institutions judiciaires et administratives compétentes de modeler les perceptions des citoyens et leurs comportements vis-à-vis de l’Etat et du bien public. Ce combat doit être soutenu par les élites intellectuelles, politiques, coutumières et religieuses afin que chacun joue sa partition pour que la corruption cesse de pourrir notre marche vers le développement et le progrès.
ABDOUL KADER ABOU KOÏNI