Mourya, LAVOIXDUNIGER : Bonjour Dr Aboubakary Moukimou Mourana. Où sont les experts nigériens, pendant que le pays se bat dans une Transition pour décoller ?
Dr Aboubakary Moukimou Mourana : Merci d’abord pour l’opportunité que vous donnez à la voix de l’expertise pluridisciplinaire nigérienne de s’exprimer, dans ce contexte particulier que traverse le Niger, qui n’est pas seul dans cette situation sociopolitique et économique. Nous sommes bien sûr là au Niger et avec les Nigériens, tous les jours et nous apprécions déjà très positivement la mobilisation spontanée de la société civile, des leaders d’opinion et également celle des avocats autour du dossier Niger. Il faut dire que nous observons avec intérêt, l’évolution des événements en cours dans notre pays depuis le 26 Juillet 2023 ainsi que la prise de conscience des nigériens. Vous savez, les experts apportent aussi leurs contributions chaque jour par des observations diverses sur les différents aspects de la situation sociopolitique et économique pour amorcer une nouvelle orientation à la société nigérienne. Nos experts pluridisciplinaires se prononcent à chaque fois que nécessaire sur les questions d’intérêt national.
Dans quels domaines précisément pouvez-vous contribuer effectivement et efficacement ?
Vraiment, c’est dans tous les domaines que nous avons des compétences qui peuvent facilement apporter leurs expertises. Du domaine juridique, judiciaire, économique, financier, fiscal, minier, gazier, pétrolier, énergétique ou technique quelconque, nous pouvons aider à avancer significativement le dossier Niger. Les compétences dont nous disposons sont aussi variés que les domaines essentiels de la vie de la nation qui existent.
Les contributions de quels experts nigériens par exemple pourriez-vous citer pour illustrer vos propos ?
Nousavonsdesconfrères, experts, quiinterviennentrégulièrementsurlesréseauxsociaux, danslesradios, lestélévisionspubliquesetprivéesduNigeretdel’étranger. Oui nos experts interviennent en toute indépendance sur des sujets de leurs compétences, vous avez par exemple l’infatigable Hamma Hamadou qui est sur tous les fronts pour parler des finances, de l’économie, des propositions de sorties de crises. Vous avez également INSA Noufou dit Abary qui intervient régulièrement sur les finances, les échanges bancaires, bref l’économie.
Pour l’ordre des experts et consultants pour le développement de l’Afrique en abrégé l’ODECA Continental nous avions désigné Ahmadou Tidjani Youssouf pour présenter nos propositions sur les assises nationales un document de 160 pages pour contribuer aux réflexions des assises nationales pour une Transition réussie. Pour l’association nigérienne des experts agréés ANEXA en abrégé nous avons retenu Ibrahim Garba Mamane pour nous représenter avec des propositions variées d’une trentaine de pages sur l’essentiel à échanger pour les assises pour une Transition réussie du CNSP. Nous avions répondu à l’appel du CNSP par deux structures avec deux experts affectés à cet effet.
Dr Alikhmad Madalo a écrit des réflexions consistantes pour faire des propositions de sorties de crises et moi également j’ai réalisé une abondante contribution écrite pour faire des propositions et saluer la création de l’AES qui vient à point nommé. J’ai évoqué les enjeux positifs de notre pétrole, qui nous a surtout sauvés et a ouvert les frontières du Niger malgré les sanctions injustement appliquées à notre pays. J’ai également encouragé et salué les projets de médiations de l’Algérie et du Togo qui peut être un bon facilitateur et médiateur de sorties de crises pour le Niger. Notre confrère Ousmane sidi Lamine a également publié plusieurs articles sur la méditation algérienne et les propositions de sorties de crises également en qualité d’observateurs tous de la scène politique.
Elh. Sanoussi Sani est aussi un de nos confrères expert HSE et DESS, en sciences des productions, il a écritpourparlerdu « sol nigérien qui regorge d’immenses et diverses ressources naturelles qui n’attendent qu’à être exploitées » pourluttercontrelapauvretéauNiger.
Mais pourquoi depuis le début de la Transition vous vous taisez, sans monter au créneau comme beaucoup d’autres acteurs ?
Dans la question que me posez, toute l’affirmation n’est pas exacte. Je m’explique. Nous ne nous sommes jamais tus depuis le début de la Transition mais nous ne sommes jamais montés au créneau non plus. Parce que nos experts se saisissent bien opportunément des sujets importants de la vie de la nation pour éclairer les concitoyens. Nos experts sont témoins des faits et des grands événements de la société et ils se prononcent très précisément sur des questions de leurs domaines de compétences pour éclairer la lanterne des citoyens et des dirigeants afin de mieux identifier les défis et de prendre les décisions adaptées à chaque fois que la nécessité le commande.
Le ministre de la Justice et Garde des sceaux a vertement critiqué la décision du président de la Cour de justice de l’UEMOA rendue le Niger et refusant la levée du sursis à exécution des sanctions économiques, commerciales et financières. Qu’en dites-vous ?
Le ministre nigérien de la justice, des droits de l’homme et Garde des sceaux, le magistrat Alio Daouda a vu juste. D’ailleurs, c’est une occasion que le Garde des sceaux nigérien ne devrait pas rater pour remettre les autorités judiciaires de la cour de l’UEMOA à leur place, surtout qu’elles ont agi comme si cela répondait à un agenda quelconque. En tout cas, leur décision a été beaucoup plus politique et tout sauf judiciaire. Or, en se comportant de la sorte, c’est l’image de la cour qui est aussi foulée au sol. C’était dans les mêmes conditions de coup d’Etat que le Mali avait obtenu la levée du sursis à exécution en 2022. Les citoyens de l’espace communautaire de l’UEMOA risquent de ne plus faire confiance à la cour, à la longue avec des décisions abjectes et injustes pareilles. Les juges ont intérêt à se ressaisir pour le jugement au fond qui aura lieu prochainement.
En revanche, les parlementaires de la CEDEAO ont quant à eux demandé aux Chefs d’Etat l’assouplissement des sanctions contre le Niger. Quelle lecture en faites-vous Dr Aboubakary Moukimou Mourana ?
Ah, voilà par exemple des leaders qui sont à jour et conscients de la réalité ainsi que les enjeux du moment en Afrique. Les Chefs d’Etat qui avaient pris cette décision s’inscrivaient bien évidemment dans un agenda tendant à répondre et satisfaire aux amis occidentaux plutôt qu’à apporter des solutions adaptées aux défis des Etats africains en proie à l’insécurité et aux difficultés de la gouvernance démocratique.
Dr ABOUBAKARY MOUKIMOU MOURANA
Président de l’association nigérienne des experts agréés (ANEXA) et également président de l’ordre des experts et consultants pour le développement en Afrique (ODECA Continental).