La vérité finit toujours par triompher, malgré toutes les manœuvres déployées pour l’étouffer, même pendant plusieurs années. Ce principe s’applique parfaitement à la nouvelle situation politique du président Bissau guinéen, Umaro Cissoko Embalo qui vient d’essuyer un échec cuisant, lors des dernières élections législatives tenues le 4 Juin 2023, soit un an après la dissolution de l’Assemblée nationale de ce pays.
Les résultats provisoires de ces législatives se résument à un désaveu cinglant pour le président Umaro Cissoko et révèle une victoire éclatante pour la coalition PAI-PAIGC. Ainsi, avec 54 sièges sur 102, la coalition s’est emparée de la majorité absolue, faisant d’elle le parti dominant au Parlement et dont va être nommé Premier ministre, Chef de gouvernement.
C’est une victoire sans équivoque de la coalition PAI-PAIGC lors des élections législatives qui se sont déroulées dans le calme, selon les observateurs. Quant à Umaro Cissoko, son parti le Madem est relégué à la deuxième place avec 29 sièges sur les 102 à pourvoir. Un triste score qui représente à peine 29% des résultats, et contraint fatalement le président Bissau guinéen à la cohabitation.
Selon la Constitution Bissau Guinéenne, le parti qui obtient la majorité parlementaire, ici l’opposition est automatiquement chargé de former le gouvernement et de nommer le Premier ministre. On aura donc à la tête du gouvernement un membre du PAIGC en tant que Premier ministre du pays, ce qui constitue un tournant politique historique de la Guinée Bissau dont le président de la République avait chaque fois les coudées franches pour prendre des décisions, en lien avec l’avenir du pays.
Cette débâcle du président Umaro Cissoko, étonnante à première vue, se comprend pourtant aisément à la lumière du contexte son avènement au pouvoir (1), de la situation de crise que vivent les populations (2) et enfin de sa volonté affichée de tripatouillage de la constitution (3), en vue certainement d’un mandat de trop. Le président Umaro Cissoko Embalo, qui est en effet un Général de l’armée de l’armée, est parvenu au pouvoir à la faveur d’une confusion qui régnait au sein de l’opposition.
Cet émiettement du camp adverse lui avait été profitablement bénéfique mais n’a visiblement pas servi à convaincre les populations Bissau guinéennes qui continuent de se plaindre de la vie chère, du traitement infligé aux retraités qui reçoivent tardivement leurs pensions et une révision constitutionnelle loin de leurs préoccupations. Un véritable raz le bol des Bissau-guinéens, qui a finit par gagner les populations qui attendaient l’occasion en or pour exprimer leur rejet massif du président, en lui infligeant une sévère correction politique.
Mais, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été surtout, la volonté de tripatouillage de la constitution de la Guinée Bissau qui a alerté les citoyens épris de démocratie et d’alternance politique, provoquant fatalement la descente aux enfers d’Umaro Cissoko dans les profondeurs des sondages. On voyait en effet venir le futur monarque de la Guinée Bissau, à travers ses agissements qui l’ont certainement trahi.
Sa légitimité déjà entamée depuis son élection à la présidentielle, s’est effondrée brusquement par cette campagne de révision de la constitution, projetée sûrement après sa probable victoire aux législatives. Il pourrait donc s’emparer de la majorité au Parlement pour procéder à la modification de la constitution à l’instar de nombreux Chefs d’État africains, illégitimes dont les initiatives liberticides continuent malheureusement de faire école.
Mais le cas du président Umaro Cissoko, vient de démontrer que les citoyens africains commencent à développer un sentiment de rejet vis à vis de tout moyen déployé savamment par des présidents soucieux de se pérenniser au pouvoir. L’idée de l’alternance politique commence à gagner le cœur des électeurs africains qui rebutent toute escroquerie politique, faisant des hommes politiques une équipe d’exploitants qui tirent partie de la naïveté de ces moutons de Panurge, prêts à les suivre dans leurs errements.
Son score, rarement enregistré sur le continent africain, pour un président en exercice, de surcroît ancien général va à l’encontre de la très tristement célèbre formule désormais en vogue dans les milieux politiques africains « on ne perd pas une élection, lorsqu’on est au pouvoir ». Le président Bissau guinéen a-t-il fait preuve de naïveté au point de se faire surprendre par un tel score? Gouverne-t-il loin des réalités du peuple l’amenant à ignorer leurs plaintes, voire leurs cris de cœurs ?
Toutes ces questions renvoient à la stratégie de gouvernance d’Umaro Cissoko Embalo et ont révélé leurs lacunes à la lumière des résultats de ces législatives. Toutefois, le président Bissau guinéen, devra désormais faire profil bas en composant avec une opposition sûrement décidée cette fois-ci à ne plus retomber dans les erreurs du passé, faisant ainsi le lit à tout aventurier.
ABOUBACAR SOUMAÏLA