Le dernier ouvrage du chercheur français et grand connaisseur du Sahel, Luis Martinez est comme une bombe à vite être désamorcée pour éviter l’implosion en Afrique de l’Ouest, puis le golfe de Guinée et le reste du continent comme les vagues irrépressibles des eaux boueuses du Djoliba, du Sénégal, de la Volta en colère et drainent leurs puissants courants vers les océans. Luis Martinez a déjà réalisé près de 60 enquêtes depuis 2013 au Sahel et y a documenté l’évolution des groupes armés terroristes dans cette région de l’Afrique.
De l’an 2000 à aujourd’hui, le terrorisme a évolué de quelques 300 à 400 hommes à plus de 15. 000 hommes armés en 2022, à travers 12 organisations terroristes. Luis Martinez explique le management du terrorisme au Sahel, qui a élaboré et dicté des codes de conduites aux hommes et aux femmes comme les tenues vestimentaires, les voiles, les écoles dites coraniques, la prescription des dimes, les impôts, les taxes sur les biens, les activités halieutiques (pêche dans les fleuves et les lacs), la chasse dans les forêts classées ou sacrées et l’installation des émirats pour appliquer la charia dans les villages occupés, à tel point que les jeunes qui se font enrôler n’y vont plus uniquement pour une affaire de religion mais dans l’espoir d’être utile avec une arme en main, comme un moyen de s’affirmer ou un tremplin de son existence.
Luis Martinez fournit un véritable outil bien documenté de gouvernance aux gouvernements des États de l’Afrique de l’Ouest qui vivent déjà le phénomène de plein pied et les autres régions du continent qui peuvent prévenir en se préparant à amoindrir le choc de l’influence du terrorisme. D’autant que l’influence du terrorisme religieux s’exerce au delà de son point d’ancrage du Sahel et se matérialise concrètement au Mali par exemple « à 80% du territoire est sous influence terroriste dont 40% sous contrôle effectif des terroristes, lorsque c’est 60% du territoire burkinabè, qui est sous contrôle des terroristes ».
Les causes réelles du phénomène terrorisme en Afrique
Dans son ouvrage, «L’Afrique, le prochain califat?», Luis Martinez n’est pas un provocateur comme semblent l’entrevoir certains observateurs. Bien au contraire, ce chercheur très sérieux attribue les véritables causes du phénomène terroriste à certains évènements géopolitiques, à la faiblesse ou à l’absence des États sur l’ensemble des territoires nationaux effectivement, le manque de vigilance ou d’anticipation face à l’installation des idéologies « djihadistes » en Afrique.
A l’évidence, les évènements géopolitiques qui se sont récemment produits entre 2010 et 2020 ont profondément bouleversé le visage ou l’organisation politique de la région, notamment au Maghreb dont les printemps arabes comme la chute de Mouammar El Kadhafi en Libye, la chute de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie, la chute de Hosni Moubarack en Égypte, la chute de Bouteflika en Algérie et en Afrique de l’Ouest comme la chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso, au Mali, au Nigéria, au Cameroun ou au Tchad avec la naissance brutale d’un phénomène de contestation armée et terroriste.
La faiblesse des États dont les jeunes nations encore en construction a conduit les gouvernements à accepter les programmes d’ajustement structurel décennaux dans le domaine de l’éducation ou de la santé, sous prétexte d’alphabétiser massivement la nombreuse jeunesse du contient africain et donner également un souffle à la fonction publique par la suspension des recrutements, mais les dirigeants du continent n’avaient pas vu venir les Salafistes ou Wahabites saoudiens et autres darikhats avec leurs fonds pour financer gracieusement des secteurs vitaux et accéder directement aux populations pour exercer leurs influences, en propageant leurs idéologies et en contrôlant du coup des éléments de la culture ambiante.
La faiblesse des États ne permettant plus à prendre en charge l’abondante jeunesse, déjà en proie au chômage, à la pauvreté des populations rurales, l’amenuisement du cadre de vie dans le domaine agricole, de l’élevage, du commerce etc. Le phénomène terroriste qui trouve un terrain vide, en fait un terreau fertile, en s’attaquant aux clichés sociaux comme le coût élevé de la dot, la notion des frontières est rejetée et violée par les terroristes comme une invention des colons, la notion de chômage des jeunes est exploitée comme une disponibilité de main d’œuvre à utiliser pour en faire des combattants au service de « Dieu », et dans l’espoir de renverser les règles du jeu politique.
Luis Martinez par ses études laborieuses sur les questions de sécurité fournit aux gouvernements responsables du continent africain une importante documentation d’inspiration à la gouvernance sociopolitique et économique. Il est un homme de terrain mais un intellectuel intelligent et prudent sur les questions de gouvernance.
Pour garder la tête haute et maintenir une trajectoire de stabilité politique et socioéconomique tenable, les gouvernants africains doivent dans un élan de synergie des stratégies antiterroristes et d’actions militaires conjointes et surtout de programme de grande envergure, audacieuse d’investissements aussi conjoints en faveur de la jeunesse des zones urbaines et rurales, à l’exemple du modèle de réussite à la Mauritanienne. Cela permettra de déconstruire le format de radicalisation et de démontrer que l’État est le cadre de garantie de la protection citoyenne, la garantie de l’épanouissement citoyen et la garantie de la sécurité que des émirats à pas de course, en bandes des combattants au guidon des motos sont loin de réaliser, car sans avenir et sans garantie de reconstruire les empires idéalisés de Sokoto, du Mali, d’Alouar, de Tombouctou, de Djenné, de Teninkou des 18è et 19è siècles bâtis sur les préceptes islamiques.
MOUSSA NAGANOU