La bataille des Chefs d’États du continent africain pour le développement sociopolitique et économique au profit de leurs populations se heurte ces dernières années à la montée en flèche des questions de sécurité. Les Chefs d’États africains, qui n’ont pas eu une vision d’anticipation de la gouvernance sur la « chose sécuritaire » dans leurs pays ont été réveillés en sursaut par des coups de feu des groupes armés terroristes depuis leurs frontières jusqu’au cœur du pays, sans y être stoppés par une quelconque autorité militaire dissuasive ou une stratégie antiterroriste à la hauteur du danger et de l’enjeu.
Pour les pays où le leadership et la vision politique ont inspiré une gouvernance avisée et reconnaissable par la marque d’anticipation sur des questions sensibles, ce sont des stratégies bien élaborées qui ont été vite mises en œuvre et appliquées, voire implémentées pour sauver les institutions de l’État et garantir durablement les droits des citoyens. Par contre, dans les pays africains où le leadership a fait défaut, tout comme une vision d’anticipation et que les dirigeants au lieu d’inspirer et de pratiquer une gouvernance démocratique de leur société, se sont plutôt livrés à une bataille sans fin pour le partage ou encore la conservation égoïste du pouvoir, engendrant ainsi une société sans institutions fortes, sans repères et sans bases solides, qui se perpétue dans la faiblesse et même dans le désastre.
Malheureusement pour l’Afrique, la plupart des États ont été gouvernés ainsi, pendant la première décennie de l’an 2000, sans tenir compte des conséquences du changement climatique plutôt imputées aux têtes des Chefs d’État qu’un phénomène de la nature et à l’égoïsme des spéculateurs, sans tenir compte de la vie des populations rurales, de la pauvreté devenue endémique dans les pays profonds, des famines dues aux sécheresses, aux ennemis de cultures. Alors que tout ceci appelle à l’avènement des régimes forts que des militaires incarneraient mieux pour pallier les crises devenues multiples.
C’est pourquoi, les dirigeants civils ou militaires des pays pris de cours par les phénomènes : de migration, terrorisme, de pauvreté, d’extrémisme violent n’ont d’autres reflexes que de faire recours à la force pour contenir ces épreuves. Ils ont été même capables par faiblesse de jeter, de fouler au sol la grandeur de leurs propres pays devant des entreprises privées de sécurité pour sous-traiter la sécurité de leurs populations avec ces dernières.
Lorsque la Russie a compris l’ampleur de ce grave phénomène, elle a laissé le groupe privé des mercenaires Wagner s’occuper des pays africains dépassés par le phénomène terroriste pour ainsi dissoudre la responsabilité de ses actes diplomatiques ou de coopération en Afrique et ailleurs où la guerre a besoin des combattants pour se poursuivre. En déposant ses valises dans les capitales africaines, Evgueni Prigojine, le patron de Wagner est directement reçu dans les palais présidentiels par des Chefs d’État dépassés par la réalité, prêts à tout donner pour sauver leur fauteuil, sans armée bien équipée, bien formée et justifiant d’un professionnalisme adapté pour faire face au nouveau type d’ennemi.
Pour aggraver la nature du phénomène terroriste en Afrique, il est délibérément associé avec la religion et l’ethnie. Alors même que le phénomène terroriste, tout comme les autres formes d’extrémismes violents n’ont jamais été revendiqués comme tels, comme ce fut par le passé pour le cas de la rébellion dite « touarègue », en son temps.
D’autant qu’aujourd’hui encore dans le Nord Mali des groupes touaregs armés conservent leurs noms et revendiquent ce statut sans complexe aucun. Ils assument d’ailleurs la mission de sécuriser le Nord Mali dont la capitale emblématique est Kidal avec son statut particulier, légitimé par les Accords d’Alger obtenus en 2015, sous l’égide des Nations-Unies et le conseil permanent.
L’arrivée de Wagner en Afrique
En Centrafrique, en Angola, au Soudan, en Éthiopie, au Mali, en Libye, au Tchad, au Sud Soudan, en RD Congo, au Zimbabwe, au Botswana, au Burundi, au Mozambique ou encore au Madagascar l’arrivée du groupe privé des mercenaires a occasionné réellement des charniers dans beaucoup de ces pays, au nom de la lutte pour la sécurité. Gossi, Moura au centre du Mali, ces deux charniers concentrent à eux seuls toute l’histoire de la signature de sang des mercenaires violents, violentant et tuant des africains trouvés chez eux, sous l’ordre des palais dépassés par le phénomène d’insécurité dans leurs pays.
En Centrafrique, la présence de Wagner n’a servi qu’à aggraver la situation sécuritaire des populations et leurs richesses encore pillées par les mêmes tueurs des civiles pendant que d’autres exploitent les ressources minières, notamment l’or, le diamant et d’autres minerais des terres rares retrouvés jusque dans les places financières à Dubaï, en Russie et dans le reste du monde en piétinant le processus de Kimberley visant à faire une certification des diamants bruts dans le monde, en vue de garantir la fiabilité du marché. Actuellement, en plus des « minerais de sangs », c’est-à-dire des minerais obtenus par de moyens de crimes massifs, qui abondent le marché international et des réseaux parallèles, plusieurs cas de violations gravissimes des droits de l’homme, du droit international humanitaire, des crimes de guerre protégés et couverts par des gouvernements irresponsables derrière Wagner que l’histoire retient dans sa mémoire se passent de tout commentaire.
Au Soudan, en Éthiopie, en Angola, au Burkina Faso, les conséquences de la présence réelle ou présumée de Wagner et ses tueries dans les villages désignés à lui par des gouvernements irresponsables sous le couvert de la lutte antiterroriste aggravent non seulement la situation sécuritaire dans les pays, mais entachent aussi et écornent inutilement l’image des forces armées nationales. Il va falloir combien de temps pour les armées et les États des pays africains ayant hébergé les tueurs de Wagner pour comprendre des solutions endogènes holistiques, globales et totales en vue de reconstruire des pays, pour apporter la sécurité enfin aux reliquats des populations réinstallées?
Quand-est-ce qu’on va comprendre en Afrique qu’on n’importe pas tout ? Quand est-ce que les leaders de circonstance comprendront-ils qu’ils se trompent et trompent toute leur société? Quand est-ce qu’ils comprendront que tuer une partie des populations pour espérer refaire le pays avec le reste n’est pas une option valable? C’est une option suicidaire. Wagner vient aider les africains à se suicider, il ne peut donc jamais être une solution à la lutte antiterroriste pour des pays sans leadership et sans stratégie éprouvée, valable et viable.
MOUSSA NAGANOU