L’échiquier politique en Côte d’Ivoire est en ébullition, depuis le retour de Laurent Gbagbo au bercail, qui avait offert aux observateurs de la scène politique ivoirienne des épisodes politiques inédits qui ont confirmé la division de l’opposition au pays d’Houphouët Boigny. Déjà en détention à la cour pénale internationale de la Haye, les frictions se sont manifestées au grand jour au sein du FPI dont Laurent Gbagbo et son compagnon de lutte Affi N’gnessan furent parmi les pères fondateurs de ce parti de l’opposition autour des années 1980. Les querelles intestines avaient pris une ampleur telle que, même Simone Gbagbo, épouse de Laurent Gbagbo dont l’attachement au FPI auprès de Laurent Gbagbo était considéré comme l’un des exemples de loyauté qui a fini par hisser la « dame de fer » au rang des rares icônes de la Côte d’Ivoire.
Mais le retour de Laurent Gbagbo loin d’unir, voire de réconcilier les militants du FPI désormais éparpillés entre divers courants aux pensées contradictoires n’a fait que sceller la division définitive du parti, en provoquant ainsi une implosion au grand plaisir du RHDP et de ses alliés à qui on vient d’offrir gracieusement un boulevard pour mieux s’ancrer au pouvoir.
Les partisans de Laurent Gbagbo qui s’identifient depuis lors au fameux triptyque de GOR (Gbagbo Ou Rien) reprochent à Affi N’gnessan d’avoir trahi le leader historique Gbagbo Laurent en pactisant avec le président ennemi juré qu’est Alassane Ouattara, lorsqu’au même moment Gbagbo Laurent croupissait injustement en prison à la Haye et ce du fait selon eux de la complicité de Alassane Ouattara. C’est pourquoi, les participations aux échéances électorales du FPI sous la direction de Affi N’gnessan, au moment où le camp Gbagbo prônait le boycott fut considéré comme la manifestation éhontée de la trahison de Affi N’gnessan à l’endroit des idéaux du parti et plus précisément de Laurent Gbagbo.
Quant à Affi N’gnessan, il justifie ses actions par la nécessité de faire vivre le parti au risque de provoquer sa disparition de la scène politique. Ces démarches seraient conformes à l’adage qui dit que « qui n’avance pas recule » et que seul le mouvement est source de progrès, par conséquent la léthargie du parti s’assimile à une déclaration de mort.
Face à la division prononcée des deux camps et surtout la décision de justice qui confirme la présidence de Affi N’gnessan à la tête du FPI, Laurent Gbagbo a préféré selon son expression « céder la coquille vide du FPI à Affi N’gnessan » en récupérant le contenu autrement dit les militants pour créer un nouveau parti politique sous le label du PPACI.
Parallèlement, Simon Gbagbo et Blé Goudé décident aussi de faire cavalier seul en créant leur propre formation politique, sonnant ainsi le glas à la « grande galaxie du FPI ». C’est dans ce contexte de division profonde du FPI, et des échéances électorales en 2025 qui avancent à pas de géant que les acteurs politiques réfléchissent aux stratégies de réconquête du pouvoir ou à sa participation.
A ce titre Affi N’gnessan, en 2022, après un bilan d’une vie politique très riche, ponctuée d’événements multiples, décide d’un rapprochement avec le RHDP, parti au pouvoir sous la conduite du président Alassane Ouattara. Les tractations entre les deux formations politiques ont été conduites par leurs différents états majors et ont abouti ce mardi 2 Mai 2023 à un accord de partenariat après plusieurs mois de rumeurs.
Les partisans de Affi N’gnessan, considèrent que cet accord ne doit ni s’assimiler à une alliance, mais pour le moment à un simple partenariat dans la perspective des échéances électorales de 2025. Pour Affi N’gnessan, cette démarche vient confirmer que sa formation politique est « un parti d’opposition responsable » sorti définitivement de « l’errance politique » prônée par ses détracteurs autrement dit ceux du camp Gbagbo.
Et pourtant, ses nombreux détracteurs estiment que, désemparé par les données réelles du terrain qui seraient largement en sa défaveur, le président Affi N’gnessan a préféré aller à la « mangeoire du RHDP » pendant qu’il est temps. Le pragmatisme d’Affi N’guessan face à ce qu’il considère comme une marque de grande maturité politique qui contraste avec l’attitude de ses adversaires vient confirmer la capacité qu’ont les hommes politiques de changer de camp au gré de leurs intérêts, n’en déplaise au peuple ivoirien qui il y a environ d’eux décennies s’était sacrifié suite aux nombreux mots d’ordre de boycotts actifs, de désobéissance civile lancés par ces mêmes leaders politiques qui démontrent magistralement leur talent digne de véritables caméléons.
Les échéances électorales de 2025 en Côte d’Ivoire vont participer sûrement à l’émergence d’une nouvelle classe politique ivoirienne et surtout des alliances contre nature qui ne le paraissent que pour le peuple profane qui continue de croire tels des moutons de Panurge à la bonne foi des hommes politiques à l’origine de multiples rétropédalages.
ABOUBACAR SOUMAÏLA