Le torchon brûle toujours entre Guillaume Soro et le président Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Celui qui fut considéré comme le poulain de Ouattara est rentré en effet dans une véritable rébellion contre son mentor, suite à la conquête des rênes du RHDP qui lui a échappé au profit du défunt Premier ministre Mamadou Coulibaly.
Condamné à la peine à perpétuité, et surtout menacé par un mandat d’arrêt international, l’ancien président de l’Assemblée nationale qui a été à la tête des forces nouvelles vit aujourd’hui en errance à l’étranger et continue d’échapper à la justice de son pays. Sa cavale se poursuit de capitale en capitale et suscite de nombreuses interrogations sur la possibilité de son retour au bercail, tant le camp Ouattara n’a pas encore digéré les sorties jugées désobligeantes du poulain du Chef, jadis soumis à l’ordre préétabli par la galaxie Ouattara.
Malgré ce qu’il continue de qualifier comme des représailles, suite à ses positions politiques prises à l’encontre de son ancienne hiérarchie, Guillaume Soro jadis, dans les grâces des partisans de Ouattara est aujourd’hui vomi par ces derniers qui l’accusent d’avoir été trop pressé, voire ingrat. Malgré qu’il se sent persécuté, Guillaume Soro déploie toujours des stratégies de communication auprès de ses fidèles militants, partout, où il multiplie les points de chute.
Aussi, de Paris à Chypre, en passant par Genève et Dubaï, c’est un homme qui visiblement ne s’est pas laissé abattre par sa situation de leader traqué qui affiche toujours sa détermination à se présenter aux élections présidentielles de 2025 et aussi de son retour prochain en terre ivoirienne, comme l’a si brillamment réussi son autre camarade de lutte dans les années 1990, le « général » de la rue, Blé Goudé.
Le péché originel de Guillaume Soro est d’avoir mené une lutte farouche contre Alassane Ouattara, lors de sa candidature pour un troisième mandat en 2020, allant jusqu’à affirmer que les élections n’auront pas lieu et que Ouattara quittera la scène politique ivoirienne par la petite porte. Le pouvoir Ouattara voyait dans de tels propos un appel inacceptable à l’insurrection mené de front par l’une de ses propres « créatures politiques» qui venait en renfort aux ennemis d’en face.
Cet affront à l’endroit du Chef incontesté du RHDP, Alassane Ouattara, a valu à Guillaume Soro d’être banni définitivement des rangs du cercle très restreint des privilégiés de Ouattara. On se rappelle des tentatives infructueuses du ministre de la réconciliation nationale de la Côte d’Ivoire, d’ailleurs ami à Guillaume Soro, en l’occurrence Konan Kouamé Bertin (KKB).
Konan Kouamé Bertin avait mis en avant les vertus tant prônées de l’arme du dialogue chère au pays de Félix Houphouët Boigny en supposant qu’un fils pouvait toujours demander pardon à son père, quel que soit par ailleurs le fardeau des reproches qui pèse sur lui. Cette stratégie de soumission empreinte d’humilité était considérée par Guillaume Soro comme une humiliation, voire un paternalisme inacceptable.
A l’approche des échéances électorales assorties de toutes les tractations en cours dont récemment le partenariat noué entre le FPI et le RHDP, il est légitime de se poser la question sur l’avenir politique de Guillaume Soro et de ses partisans et surtout de sa place dans l’arène politique ivoirienne en pleine mutation. S’il reste toujours en exil, sa capacité à influencer le jeu politique national en Côte d’Ivoire restera toujours faible, voire négligeable en témoigne les élections organisées en 2020 qui ont démontré l’inefficacité des stratégies à distance menées par le jeune leader, un véritable coup d’épée dans l’eau.
Retourner au pays sans au préalable une réconciliation négociée et acceptée par son mentor, serait se jeter dans la gueule du loup et bien évidemment courir le risque de croupir en prison. Mais c’est un truisme que de dire que sa détention ne susciterait visiblement pas une mobilisation conséquente pour faire fléchir Ouattara, d’autant plus que des leaders plus populaires qui croupissaient jadis en prison à l’instar de Simone Gbagbo et d’Affi N’guessan n’ont pas empêché le système Ouattara de fonctionner normalement, bien au contraire.
Un véritable dilemme pour un leader qui affirme haut et fort qu’il prendra part aux élections présidentielles de 2025. Pour l’heure, Guillaume Soro fait cavalier seul, lui qui a multiplié les transhumances auprès des leaders politiques au gré de ses intérêts est quelque fois accueilli avec beaucoup de réserves chez notamment les partisans de Gbagbo Laurent qui lui reprochent toujours sa part active dans le transfèrement de leur leader à la Haye. Bref, il n’est plus digne de confiance et rejeté par les deux camps qui s’affrontent farouchement pour la conquête et la conservation du pouvoir.
C’est donc un tournant décisif dans la vie politique de ce jeune leader accusé par de nombreux observateurs avertis de la scène politique ivoirienne d’être trop pressé et de ne pas avoir su attendre son heure. Guillaume Soro négocie son avenir politique face à un système qui n’a fait que malheureusement pour lui, connaître un ancrage plus prononcé en Côte d’Ivoire, au point où l’opposant historique Laurent Gbagbo était contraint de faire allégeance à son ennemi juré Alassane Ouattara dont il ne reconnaissait pas la légitimité.
L’intelligence des grands leaders se démontre toujours à leur grande capacité d’adaptation face à l’adversité, en déployant une stratégie qui soit gagnante à termes, quitte à faire des compromis. Guillaume Soro doit tirer les leçons du passé et tenir compte des forces en présence sans tomber dans une fausse folie de grandeur en évitant de répéter les erreurs du passé.
Comme l’a dit Albert Einstein, « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».
ABOUBACAR SOUMAÏLA